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Liban: comment le nitrate d'ammonium a déclenché de telles explosions?

Pour qu'une catastrophe industrielle liée à ce corps chimique se produise, il faut que beaucoup de choses tournent mal.

Le nitrate d'ammonium est le principal composant de nombreux types d'explosifs. | AFP
Le nitrate d'ammonium est le principal composant de nombreux types d'explosifs. | AFP

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La capitale libanaise, Beyrouth, a été secouée le 4 juillet au soir par une explosion qui a tué au moins 100 personnes et fait des milliers de blessé·es.

Le Premier ministre du pays, Hassan Diab, a déclaré qu'elle avait été causée par environ 2.700 tonnes de nitrate d'ammonium stockées près du port de marchandises de la ville. Des vidéos semblent montrer un feu brûlant à proximité avant l'explosion.

 

Le nitrate d'ammonium détient la formule chimique NH₄NO3. Produit sous forme de petits granulés poreux, c'est l'un des engrais les plus utilisés au monde.

Il est également le principal composant de nombreux types d'explosifs, où il est mélangé à du fioul et activé par une charge explosive.

Un champignon atomique géant s’est élevé au-dessus de la ville après la catastrophe. | Anwar Amro / AFP

Pour qu'une catastrophe industrielle liée à ce corps chimique se produise, il faut que beaucoup de choses tournent mal. Ce qui semble avoir été le cas à Beyrouth.

Qu'est-ce qui a pu provoquer l'explosion?

Le nitrate d'ammonium ne brûle pas tout seul. Il agit plutôt comme une source d'oxygène qui peut accélérer la combustion d'autres matériaux.

Pour qu'il y ait combustion, il faut que de l'oxygène soit présent. Les granulés de nitrate d'ammonium fournissent une quantité d'oxygène beaucoup plus concentrée que l'air qui nous entoure. C'est pourquoi il est efficace dans la confection d'explosifs, où il est mélangé au pétrole et à d'autres combustibles.

Cependant, à des températures suffisamment élevées il peut se décomposer violemment de lui-même. Ce processus crée des gaz, notamment des oxydes d'azote et de la vapeur d'eau. C'est cette libération rapide de gaz qui provoque l'explosion.

La décomposition du nitrate d'ammonium peut être déclenchée si une explosion se produit à l'endroit où il est stocké ou s'il y a un feu intense à proximité. C'est ce qui s'est passé en 2015 lors de l'explosion de Tianjin, qui avait tué 173 personnes après que des produits chimiques inflammables et du nitrate d'ammonium aient été stockés ensemble dans une usine de l'est de la Chine.

Bien que les origines de l'explosion à Beyrouth ne soient pas encore déterminées, les images de l'incident indiquent qu'elle a pu être déclenchée par un incendie visible dans une partie de la zone portuaire avant que le drame se produise.

Il est relativement difficile pour un incendie de déclencher une explosion de nitrate d'ammonium. Le feu doit être entretenu et confiné dans la même zone que les granulés de cette poudre chimique.

Aussi, les granulés eux-mêmes ne sont pas un combustible pour l'incendie, ils doivent donc être contaminés par un autre matériau combustible ou y être emballés.

La santé des résidents est en danger

À Beyrouth, pendant six ans, 2.700 tonnes de nitrate d'ammonium ont été stockées dans un entrepôt sans contrôle de sécurité approprié. On serait donc passé d'un «banal» incendie à proximité de ce lieu de stockage à une explosion dévastatrice.

Une explosion de nitrate d'ammonium produit des quantités massives d'oxydes d'azote. Le dioxyde d'azote (NO2) est un gaz rouge à l'odeur désagréable. Les images filmées dans la capitale révèlent une couleur rougeâtre distincte du panache de gaz d'explosion.

La fumée qui plane sur la capitale, nocive pour la santé, prendra plusieurs jours pour se dissiper. | Patrick Baz / AFP

Les oxydes d'azote sont couramment présents dans la pollution de l'air urbain et peuvent irriter le système respiratoire. Des niveaux élevés de ces polluants sont particulièrement inquiétants pour les personnes souffrant de problèmes respiratoires.

Les fumées de Beyrouth présentent un risque pour la santé des habitant·es jusqu'à ce qu'elles se dissipent naturellement, ce qui pourrait prendre plusieurs jours en fonction des conditions météorologiques locales.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

 

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