Médias / Société

Comment sont écrits les horoscopes de votre été?

Entre astrologues professionnels, pratiques malhonnêtes et automatisation, toutes les productions de cet art divinatoire ne sont pas nées sous la même étoile.

Carte de la galaxie. | DarkWorkX <a href="https://pixabay.com/fr/illustrations/carte-de-la-galaxie-hauptsterne-3591581/">via Pixabay</a>
Carte de la galaxie. | DarkWorkX via Pixabay

Temps de lecture: 5 minutes

Ils sont partout, dans les magazines, dans les journaux, sur les réseaux sociaux: les horoscopes. Inlassablement, cet art divinatoire fait son retour par temps de grandes chaleurs et s'affiche dans toute la presse. Avec le Nouvel an, durant lequel ils livrent leur tendance de l'année, l'été est leur période phare. Et alors que certain·es les liront avec un sourire dubitatif, d'autres prendront ces prédictions très au sérieux.

Plus ouverte à des sujets légers à la belle saison, la presse se montre friande d'horoscopes, même s'il n'est pas certain que ce soit ce que le lectorat attend. Si l'on se réfère à une enquête Ifop sur le complotisme pour la Fondation Jean Jaurès publiée en 2018, il se pourrait même que la lectrice ou le lecteur s'en désintéresse assez massivement puisque 63% des personnes sondées ont répondu ne jamais les lire. Si ces prévisions interrogent, leur place dans une enquête sur le complotisme questionne tout autant.

Coup de pouce de la NASA

Malgré les réticences qu'elle peut susciter, l'astrologie a traversé les âges et les civilisations. Interpréter d'éventuelles correspondances entre l'agencement céleste et le quotidien des êtres humains est aujourd'hui largement considéré comme une pseudoscience. Mais pour qui prend sa défense, le fait que la démarche ne soit pas scientifique n'empêche pas une certaine méthodologie. «Pour pouvoir faire mes horoscopes, il me faut avoir les éphémérides du jour. Je me base sur celles établies par la NASA, qui sont extrêmement précises, et je vois ce que cela donne pour chaque signe», explique Christine Haas, l'une des figures de l'astrologie les plus célèbres de France. Psychologue de formation, l'astrologue de RTL ne parle pas d'influences de planètes, mais d'une représentation basée sur les observations faites depuis l'Antiquité. «Par exemple, Vénus c'est l'amour.»

Astrologue pour Femina et autrice de Astrologie et développement personnel pour les nuls, Nitya Varnes utilise la même approche que sa consœur. Elle met l'accent sur la différence d'écriture des horoscopes en fonction de leur parution.

«Mon horoscope doit être ouvert, mais également précis. Je m'adresse parfois à un décan en particulier, justement pour mieux cibler.»
Christine Haas, astrologue

«L'écriture des horoscopes des vacances de Noël et des vacances d'été ne sont pas les mêmes. Le premier a un côté plus prévisionnel de l'année. L'été, on a davantage l'occasion de réfléchir sur les grands changements à venir et donc, il y a plus de place pour le développement personnel. On est vraiment sur un entre-deux, un break, et cela permet de reprendre du souffle par rapport à la vie normale.»

Les deux astrologues rappellent que lire entre les étoiles ne suffit pas. Pour qu'une prévision soit couchée sur le papier d'un magazine ou d'un quotidien, elle demande également un certain talent d'écriture et de la psychologie. «Il faut que je trouve tous les jours quelques phrases qui résument la conjecture du jour, détaille Christine Haas. Mon horoscope doit être ouvert, mais également précis. Je m'adresse parfois à un décan en particulier, justement pour mieux cibler.»

L'horoscope, toujours debout

Pour la star de l'astrologie Christine Haas, si les horoscopes existent encore au XXIe siècle, ce n'est pas un hasard. «Il s'agit d'une bonne porte d'entrée pour faire un travail sur soi. Et si c'est devenu plus populaire, c'est que cela correspond à un besoin.» Un besoin qui peut être d'autant plus important quand la période semble critique et que l'avenir est incertain. «Pendant le confinement, comme dès qu'il y a de l'inquiétude, les gens se tournent vers l'astrologie. Elle leur donne du courage en leur parlant d'eux personnellement.»

Les avancées scientifiques des siècles derniers ont permis de lever bien des mystères. Mais l'accumulation de nouvelles connaissances n'a pas été suffisante pour signer la mort de l'art divinatoire, pourtant souvent perçu comme irrationnel. Au contraire. «On a perdu le sens du sacré. Notre travail apporte cette dimension d'espoir et le besoin de protection dans un monde qu'on ne maîtrise pas. On cherche à savoir comment se positionner et l'horoscope aide à le faire», soutient Nitya Varnes.

S'ils sont aussi présents, c'est également parce que, pour la presse, il s'agit d'une bonne affaire. «Elle se demande comment fidéliser un lecteur et pour cela différentes rubriques viennent s'ajouter à la bonne image du journal. L'horoscope en fait partie puisqu'il permet, peut-être, de passer un bon moment. En tout cas, les journaux estiment qu'une partie du public aime ça», argumente Serge Bret-Morel. Ancien astrologue devenu sceptique, M. Bret Morel propose aujourd'hui une analyse critique de son ancienne passion qu'il résume ainsi: «L'astrologie n'est rien d'autre qu'une croyance.»

Le mauvais versant de l'horoscope

Si l'horoscope peut être écrit par des astrologues de bonne foi, ce n'est pas toujours le cas. Le journal 20 Minutes s'était penché sur le cas d'Alexandra Marty. Cette plume du Parisien en écrivait chaque jour pour le journal sauf… qu'elle n'existe tout bonnement pas. Il s'agissait d'un pseudo inventé par Télé Programmes, l'entreprise qui fournissait le quotidien en horoscopes. «Ils sont parfois écrits de manière automatisée, mais également par un stagiaire ou externalisés. On peut les faire n'importe comment et certaines entreprises ne s'en privent pas», résume Serge Bret-Morel.

Au-delà de ces pratiques malhonnêtes, Serge Bret-Morel condamne surtout la façon dont ces prévisions sont produites et leurs approximations. «L'horoscope de presse est une prédiction collective, pour 1/12e de la population, qui ne se base que sur le signe. De telles prévisions sont impossibles et reposent sur des convictions. Par exemple, le fait que Vénus serait la planète de l'amour. On pose ce prérequis comme si c'était normal, mais ça ne l'est pas.» Pour ce grand défenseur de la zététique, la science a infirmé les prétentions de celles et ceux qui affirment l'effet des astres sur nos comportements. «On n'a jamais trouvé de liens qui confirment qu'ils auraient de l'influence sur nos humeurs, nos poussées de cheveux ou même sur les pics de naissance à la pleine Lune.»

«Les horoscopes sont parfois écrits de manière automatisée, mais également par un stagiaire ou externalisés. On peut les faire n'importe comment.»
Serge Bret-Morel, ex-président de l'Observatoire zététique

De son côté, Nitya Varnes rappelle qu'une prévision n'est pas une prédiction. «On ne peut pas avoir d'exactitude. Il y a des gens qui vont se retrouver dans ce que j'ai écrit, d'autres non.» L'astrologue émet une hypothèse. Si les horoscopes ont si mauvaise réputation, c'est aussi parce que l'astrologue a une injonction d'écriture. «Il ne se passe pas quelque chose de spécial pour tout le monde cet été. Soit on en profite pour parler davantage de développement personnel, soit on brode. Ce dernier type d'horoscope ne dit rien de faux, mais on se dit que ça raconte toujours la même chose. Et ça donne une mauvaise image.»

Si certaines pratiques dégradent l'image de sa profession, Christine Haas reste confiante face à l'avenir: «L'astrologie s'est toujours sortie de tout et s'en sortira. Effectivement il y a des arnaques et cela nuit à notre travail, mais je pense qu'on se rend compte qu'on a besoin de vraies personnes et pas d'automatisation.» Elle admet qu'il y a des mauvaises pratiques et des «charlatans». Mais pas plus qu'ailleurs. «Comme dans tous les domaines. Prenons les médecins. Durant le Covid, ils ont dit tout et son contraire. Ils ont joué les devins en perdant leur sang-froid.»

L'avenir des horoscopes paraît radieux. Les journaux ne sont plus les seuls à alimenter cet intérêt. Les réseaux sociaux s'en emparent de plus en plus. Les comptes Instagram, TikTok ou YouTube consacrés à l'interprétation des signes zodiaques se sont multipliés ces dernières années et ils rassemblent parfois des centaines de milliers d'adeptes.

 

 

Christine Haas a flairé le filon et s'est également investie sur ce créneau. «Les jeunes générations s'intéressent beaucoup à l'astrologie!», s'enthousiasme l'astrologue la plus connue de France. Suscitant de l'intérêt depuis des millénaires, cet art divinatoire semble né sous une bonne étoile.

cover
-
/
cover

Liste de lecture