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Quelles sont les chances démocrates aux prochaines élections?

Si l'économie américaine continue à s'améliorer, la déroute prédite aux démocrates aux élections de novembre n'aura peut-être pas lieu.

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Beaucoup de républicains s'attendent à ce que les élections du Congrès de novembre 2010 ressemblent à celles de novembre 1994: les électeurs avaient alors sanctionné la politique réformiste et démesurément ambitieuse du Parti démocrate; le parti républicain avait gagné 56 sièges à la Chambre des représentants. Mais quitte à étudier l'histoire des élections de mi-mandat, les adversaires du président feraient bien de remonter un peu plus en arrière - et de se pencher sur celles de novembre 1934.

En 1932, Franklin D. Roosevelt est élu haut la main, avec l'appui d'un Congrès majoritairement démocrate. L'économie du pays vient de s'effondrer; très vite, le gouvernement s'emploie à stabiliser le système, engage une politique de relance financée par le déficit, et instaure des reformes de grande ampleur. Les Républicains et les démagogues de la radio accusent - tout comme ceux d'aujourd'hui - le président d'être un socialiste anti-américain adepte de la dévaluation monétaire. Ils jurent que les efforts de Roosevelt - du Civilian Conservation Corps à la Securities and Exchange Commission - sont voués à l'échec.

Mais la récession prit fin en mars 1933, et l'économie américaine enregistra une hausse de 16,11% en 1933 et de 11% en 1934. Le taux de chômage, jusqu'alors incroyablement élevé, commença à redescendre. En octobre 1934, l'indice Dow Jones avait atteint les 95 points (une augmentation de près de 90% depuis le mois de février de l'année précédente). Et en novembre 1934, les démocrates élargirent un peu plus leur majorité, remportant neuf sièges supplémentaires à la Chambre ainsi qu'au Sénat.

Reprise

L'histoire ne se répète pas, mais il arrive qu'elle rime. En 2009 et en 2010, les démocrates ont lancé une politique de relance inspirée du keynésianisme; ils ont fait passer une réforme du système de santé malgré l'opposition unanime et presque hystérique des républicains. L'économie s'est stabilisée, et la reprise s'est mise en marche. En octobre 2010, si la tendance actuelle se poursuit, le PIB américain sera en hausse pour le sixième trimestre consécutif, et l'amertume générée par la réforme de la santé ne sera plus qu'un lointain souvenir. Le nombre d'emplois créés sera loin d'être satisfaisant; néanmoins, le chômage baissera. Et même si la bourse se maintient à son niveau actuel, ce dernier sera tout de même 70% plus élevé que celui de mars 2009, son point le plus bas. Sont-ce là les signes avant-coureurs d'un raz-de-marée électoral?

«C'est l'économie, imbécile!»: dans le monde politique, la phrase de Bill Clinton s'est peu à peu transformée en cliché. Elle n'en est pas moins vraie: les statisticiens et les politologues ont en effet prouvé qu'il peut être très utile de se pencher sur les tendances économiques des mois précédant une élection si l'on souhaite en déterminer l'issue. L'entrée en récession profonde en janvier 2008 et l'effondrement du système financier survenu durant l'automne de la même année avaient ainsi condamné John McCain et son parti à l'échec.

John Sides, politologue à la George Washington University, a eu l'idée de comparer l'évolution de la cote de confiance du gouvernement à la courbe de croissance du revenu disponible; il a découvert un fort niveau de corrélation. «L'économie permet d'expliquer à peu près 75% des variations dans la cote de confiance», explique-t-il. Quand l'économie se porte bien, les gens supportent mieux Washington, et «ils ont plus tendance à être d'accord avec le président et leur sénateur». En général, le parti du président perd des sièges à mi-mandat. Seth Masket, politologue à l'Université de Denver, a établi la courbe de la croissance des revenus durant les trois trimestres précédant les campagnes électorales des seize dernières élections de mi-mandat. Selon lui, «si l'économie semble être en croissance, et si les gens gagnent plus d'argent, ils ont tendance à être un peu plus généreux avec le parti en place». En clair: si la croissance est au rendez-vous durant les sept prochains mois, les Démocrates devraient pouvoir limiter les dégâts.

Modèle économique

Ray Fair, économiste à l'Université de Yale, a élaboré un modèle économique d'une grande exactitude et d'une relative simplicité; il permet de prévoir quel pourcentage des votes les partis recevront lors des présidentielles ou des élections du Congrès. Fair est plutôt optimiste quant à l'état de la croissance en 2010; il pense que les démocrates remporteront 51,6% des voix cet automne. «Les démocrates ne gagneront pas de sièges, mais rien ne laisse présager un désastre.» (Vous pouvez entrer vos propres variables ici)

Attention, cependant: le chômage et l'immobilier - deux facteurs que le modèle de Fair ne prend pas en compte - pourraient grandement influencer la perception qu'ont les Américains de leur économie. Et cette perception peut être tout aussi importante que la réalité économique sous-jacente.

S'ils veulent vaincre en novembre, les adversaires des démocrates devront donc élaborer leur stratégie avec soin. S'ils choisissent de s'en prendre au «one-party control» [le fait que le parti du président soit majoritaire au Congrès], le succès sera peut-être au rendez vous. Mais si la faiblesse de l'économie constitue leur principal angle d'attaque, il est possible que la victoire leur échappe. Pour preuve, les propos de Jack Welch, républicain pur et dur et ancien PDG de General Electric: sur la chaîne CNBC, il a récemment expliqué que les sociétés avec lesquelles il collaborait montraient des signes de reprise. Si les ratés de l'économie américaine constituent leur seul argument de campagne, dit-il, «les républicains ne vont pas tarder à tomber des nues - et le choc sera brutal».

Daniel Gross

Jean-Clément Nau

Photo: Capitol Hill à Washington, REUTERS/Jim Young

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