Boire & manger

La vente à emporter dans la restauration va-t-elle s'inscrire dans la durée?

L'épidémie de Covid-19 a forcé les restaurants à trouver des solutions pour survivre. Beaucoup ont choisi de proposer des plats à venir chercher ou à se faire livrer, avec plus ou moins de succès.

Préparation d'une commande au restaurant étoilé Baieta, le 30 avril 2020 à Paris. | Franck Fife / AFP
Préparation d'une commande au restaurant étoilé Baieta, le 30 avril 2020 à Paris. | Franck Fife / AFP

Temps de lecture: 6 minutes

Cette année 2020 s'annonçait fructueuse. De nombreuses ouvertures de restaurants étaient prévues, et le secteur attendait beaucoup du printemps pour rattraper les pertes liées aux grèves et au mouvement des «gilets jaunes». L'épidémie de Covid-19 et les mesures de confinement ont pris tout le monde de court.

Les établissements qui proposent une cuisine tirant vers le haut de gamme, où l'addition oscille généralement entre 35 et une centaine d'euros, ont dû rapidement trouver des solutions pour faire face à la crise et conserver une partie de leur chiffre d'affaires, afin d'éviter de mettre la clé sous la porte.

Libre prix

Victor Mercier, chef et propriétaire de FIEF dans le XIe arrondissement de Paris, a documenté cette période exceptionnelle sur son compte Instagram: «J'ai voulu être un lanceur d'alerte. J'ai trouvé cela important d'être totalement transparent avec mes clients. J'ai voulu tout raconter, sans filtre, parce que je me devais de leur dire la vérité», confie-t-il.

Novateur dans sa démarche, il a mis en place la vente à emporter au milieu du confinement et a pratiqué un système de «libre prix». Le principe? Chaque client·e paie ce qui lui semble être juste. La première semaine, les résultats ont été bons, avec un ticket moyen à 30 euros –en temps normal, le menu dégustation proposé sur place est à 70 euros. La suivante, le prix du ticket moyen a chuté.

 

«Je me suis fait insulter sur les réseaux sociaux parce que j'ai dû refuser des commandes à 10 euros. Mais c'est comme le système des assurances: si tout le monde donne un peu plus que ce qui nous permet d'être rentable, on peut accepter des commandes un peu moins chères. Si ce n'est pas le cas, le système n'est pas viable du tout, indique Victor Mercier. C'est une expérience qui m'a laissé un poil amer. Cependant, j'ai eu de très belles surprises. Beaucoup de personnes ont d'ailleurs fait des dons, en plus de payer leurs commandes respectives.»

Avec le déconfinement et l'autorisation du gouvernement de rouvrir son établissement, le chef a prévu de réajuster son organisation: chaque semaine, vingt paniers végétariens made in France à 25 euros seront proposés. «On arrête le système de libre prix. Ça va me permettre de payer mes salariés et de compenser le fait que le restaurant n'ouvre pas pour le service du midi.»

Système D

Du côté de Double Dragon, également situé dans le XIe arrondissement et dont la carte a été pensée autour d'assiettes à partager (entre 6 et 18 euros), la vente à emporter va aussi se poursuivre.

«C'est un projet que nous voulions mettre en place avant le Covid-19. Nous pensons que la carte s'y prête, mais nous n'avions pas trouvé le temps de le faire avant. Nous avons pu –et dû– le mettre en place depuis avril», expose Katia Levha, l'une des copropriétaires des lieux.

«En raison des normes sanitaires, notamment l'espacement des tables, nous avons dû revoir notre modèle à la baisse pendant l'année qui vient, et la vente à emporter nous permet de compenser partiellement ce manque à gagner, précise-t-elle. Nous souhaitons développer cette branche, ainsi que le traiteur événementiel, et c'est un moyen pour nous d'y arriver.» Une démarche qui ravit les habitué·es et les personnes qui, désireuses de tester le restaurant depuis son ouverture (surtout ses fameux baos au comté), n'arrivaient pas forcément à s'y attabler.

«Il faut arriver à adapter les recettes pour les emporter et trouver des contenants, ce qui était impossible pendant le confinement.»
Mathieu Pacaud, chef chez Apicius

Chez Apicius, dans le VIIIe arrondissement, la démarche a été quelque peu différente, mais le résultat est bel et bien le même. Ici, la formule entrée-plat-dessert est proposée à 80 euros –un prix qui se justifie par les ingrédients de haut vol que l'on va retrouver dans son assiette, comme le foie gras ou le homard bleu.

«J'ai débuté la vente à emporter pour maintenir le contact avec nos amis et clients et pour honorer les réservations que nous avions, en donnant une alternative à tous les convives qui le souhaitaient. Continuer à soutenir nos fournisseurs, s'amuser et ne pas rester inactifs, décrit Mathieu Pacaud, chef de l'établissement. Il faut arriver à adapter les recettes pour les emporter et trouver des contenants, ce qui était impossible pendant le confinement. Il faut donc être débrouillards.»

Fûté, il a également fallu l'être pour acheminer ses bons petits plats. Si une partie des restaurants se sont rapprochés des grandes plateformes de livraison pour assurer un maximum de commandes, d'autres, à l'instar de Victor Mercier, ont préféré éviter les trop grosses entreprises.

«On a voulu travailler avec Stuart, parce qu'ils ne prennent que 5% de commission, contre 20% pour la plupart des autres services. La rémunération des livreurs est bonne, supérieure à d'autres boîtes», détaille-t-il, ajoutant qu'il existe toutefois une limite au système: «Certaines entreprises se permettent de mettre des grosses marges parce qu'elles ont beaucoup de clients. Il a fallu choisir la méthode qui nous convenait le plus, et qui correspondait le plus à nos valeurs.»

Le goût sans l'expérience

Il suffit de regarder les pistes cyclables de la capitale pour voir fourmiller les livreurs Uber et Deliveroo, glacière sur le dos et GPS dans la main. Se faire livrer à manger, le midi au bureau ou un soir de flemme, n'est pas rare lorsque l'on habite dans une grande ville. Il y a pourtant certains établissements, jusqu'alors aux abonnés absents des plateformes de livraison, que l'on n'imaginait pas découvrir dans son salon.

C'est notamment le cas de Septime, dans le XIe arrondissement, qui a mis en place la livraison et la vente à emporter dès les premières semaines du confinement.

Habituellement, le restaurant propose des menus en cinq et sept étapes, pour 60 ou 95 euros au déjeuner. Pour la version à la maison, le prix affiché est de 32 euros pour une entrée, un plat et un dessert: une offre alléchante pour les gastronomes qui n'avaient jusqu'alors pas eu la chance de déguster les plats bien pensés et toujours impeccables de Bertrand Grébaut et Théo Pourriat.

Ici, tout est bien sourcé et les produits sont au goût comme au visuel d'une qualité difficilement égalable. Le repas était livré froid, déjà cuit à la perfection et emballé sous vide, avec une fiche d'instructions à suivre pour réchauffer les ingrédients et les dresser au mieux –heureusement, les photos postées sur Instagram ont permis d'aiguiller les moins habiles.

L'entrée, le plat et les desserts (pour les gourmand·es) étaient largement à la hauteur de ce qui est proposé chez Septime en temps normal: au menu, on retrouvait de la pintade, du homard ou encore de l'épaule d'agneau, des mets qui se font habituellement rares dans les restaurants ayant recours à la vente à emporter.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Hello les amis! . En attendant la rouverture de Septime, #septimeàlamaison est toujours là... voici le nouveau le menu de la semaine dispo demain à 10h (lien en bio) ! . Courgette marinée à la livèche, concombre fermenté, ricotta Nanina (Photos 2&3) Thon de ligne de St Jean de Luz, betterave nouvelle et vierge de rhubarbe et framboise au basilic poupre (Photos 1&2) Chou à la crème parfumée à la feuille de figuier, cerises confites au miel (Photos 5&6) . Essayez le golden menu 2 menus avec apéro à partager, pains de Ten Belles, 1 bouteille de vin et le granola pour le ptit déj (110€) ! . N’oubliez pas que la terrasse de Clamato est ouverte tous les soirs dès 18h et le week-end toute la journée en continue . Merci pour votre soutien! On en a bien besoin

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L'expérience, elle, était quelque peu différente. Car manger au restaurant, c'est un moment hors du temps où l'on se laisse guider: on s'attable, on commande, on discute un verre de vin à la main pendant que les assiettes sont dressées en cuisine, on règle l'addition et on part sans s'occuper de la vaisselle. À la maison, il n'y a pas ce luxe-là, puisque l'on fait (presque) tout de A à Z.

Manger gastronomique chez soi, c'est faisable, à condition de tirer un trait sur l'un des aspects importants du restaurant: le service. «Je pense que le restaurant restera le restaurant. On a simplement réussi à démontrer que faire de la vente à emporter de qualité, c'est possible», résume Mathieu Pacaud.

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