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Le Maroc, exemplaire dans la lutte contre le Covid-19

Comptant 150 fois moins de morts que l'Espagne, le royaume a su réagir efficacement en se montrant innovant. Son plan de soutien économique et social est sans équivalent en Afrique.

Le roi du Maroc Mohammed VI reçoit Said Amzazi, ministre de l'Éducation, Othman el-Ferdaous, ministre de la Culture et le Premier ministre Saad-Eddine El Othmani au Palais royal à Casablanca le 7 avril 2020. | MAP / AFP 
Le roi du Maroc Mohammed VI reçoit Said Amzazi, ministre de l'Éducation, Othman el-Ferdaous, ministre de la Culture et le Premier ministre Saad-Eddine El Othmani au Palais royal à Casablanca le 7 avril 2020. | MAP / AFP 

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Après avoir tiré avec profit les leçons de la pandémie qui ravage l'Europe, le Maroc se positionne désormais comme l'une des nations les plus innovantes en matière de lutte contre le Covid-19. Ainsi, le 8 mai dernier à Casablanca, une fondation de recherche a présenté un respirateur artificiel intelligent de fabrication 100% marocaine qui devrait être livré aux hôpitaux du royaume dans les prochaines semaines.

Une annonce qui fait suite à plusieurs initiatives intervenues dans le pays comme celle d'un masque intelligent de détection automatique à distance du Covid ou encore la création d'une plateforme numérique de partage d'expériences sur la pandémie en langue arabe marocaine.

Ce n'est donc pas un hasard si l'Union européenne a salué il y a quelques jours les efforts du Maroc dans la gestion de la crise du coronavirus. Il faut dire que les chiffres parlent d'eux-mêmes: quatre-vingts jours après l'apparition du premier cas de Covid-19 dans le royaume –un Marocain qui revenait d'Italie– celui-ci n'enregistre qu'un peu plus de 7.000 sujets contaminés et moins de 200 morts. Un contraste saisissant avec la situation qui prévaut chez le voisin espagnol où près de 280.000 cas ont été détectés et où l'on compte près de 28.000 victimes…

34 fois moins de cas qu'en Espagne

Bien sûr, il faut se garder des conclusions hâtives. Et en particulier tenir compte du décalage des deux pays en matière de contamination puisque plus d'un mois sépare le premier cas dépisté en Espagne (31 janvier) du premier cas marocain (2 mars) et que le dixième décès espagnol est intervenu dix-neuf jours avant le dixième décès marocain. Cet intervalle permet d'étalonner les données chiffrées pour les rendre immédiatement comparables. Or, même en usant de ce puissant correctif temporel, les 7.000 cas du Maroc correspondent à 245.000 cas chez le voisin européen. Trente-quatre fois moins!

Certain·es pourront objecter que comparaison n'est pas raison. À commencer par le fait qu'un pays développé est infiniment plus ouvert qu'une nation émergente du Maghreb. De fait, l'an dernier, le trafic international de personnes qui voyagent en avion a atteint 22 millions au Maroc contre 190 millions en Espagne. Mais cette ouverture n'influe en rien sur l'apparition et la propagation du virus.

Une différence importante rend la population marocaine moins vulnérable: la part des plus de 65 ans.

Au Maroc, les quinze premiers cas enregistrés concernent des voyageurs et voyageuses en provenance d'Espagne, de France ou d'Italie. En Espagne, les premiers cas affectent également des touristes étrangèr·es, principalement italien·nes, ou des personnes rapatriées d'Espagne.

Il y a bien aussi l'argument démographique. En matière de population, la différence n'est pas très forte (47 millions contre 35) et 100 victimes marocaines n'équivalent qu'à 135 victimes espagnoles. En revanche, une différence importante rend la population espagnole plus vulnérable: la part des plus de 65 ans (dont on sait qu'elles et ils constituent la grande majorité des victimes). On en dénombre que 2,5 millions au Maroc mais 8,5 millions en Espagne.

Une réactivité immédiate

La prudence s'impose donc. D'autant que l'ampleur de l'épidémie est comparable chez les voisins du Maghreb même si l'Algérie compte trois fois plus de décès. Il est cependant indéniable que, nourries de l'expérience tragique des pays européens, les autorités marocaines se sont montrées particulièrement réactives.

Le 16 mars, écoles et universités ont été fermées, alors que le pays comptabilisait trente-sept cas de virus et un seul mort. L'Espagne avait pris la même décision une semaine auparavant, le pays comptant déjà plus de 1.200 cas et trente morts! Même chose pour le confinement général, décrété le 14 mars en Espagne alors que près de 6.500 personnes étaient déjà atteintes. Au Maroc, ce confinement est intervenu le 20 mars avec moins de quatre-vingt-dix personnes contaminées…

Le Maroc est le pays du monde à avoir imposé la plus longue durée de confinement. Ici à Rabat, le premier jour de l'Aïd, le 24 mai 2020 | Fadel Senna / AFP

On comprend certes le souci des autorités marocaines de ne pas se retrouver submergées par les malades, le pays comptant trois fois moins de lits de soins intensifs que sa voisine du nord. Mais, tout au long de cette crise, le Maroc a tout fait pour faire face: depuis le 23 mars, la Chine livre au Royaume chérifien du matériel médical, 350 respirateurs ont été acquis, 750 lits de réanimation supplémentaires ont été ouverts cependant que les usines marocaines vont bientôt produire 7 millions de masques sanitaires par jour. Depuis le 7 avril, le port du masque est d'ailleurs obligatoire pour toute personne autorisée à se déplacer et les industriels nationaux approvisionnent en masques les commerces de proximité à prix encadrés (8 centimes d'euros l'unité). Enfin, le pays est en capacité d'effectuer 10.000 tests par jours, en particulier grâce à des livraisons de testeurs en provenance de Corée. Et les initiatives innovantes précitées vont contribuer à accroître les capacités de réaction.

Le souci de ne pas se laisser déborder se traduit également par l'encadrement extrême du pays en urgence sanitaire. Après les crieurs de rues exhortant les gens à rester chez eux, les blindés de l'armée qui patrouillent dans les rues pour intimider les récalcitrant·es, les amendes pleuvent... Et cela durant des semaines puisque les autorités viennent de prolonger le confinement jusqu'au 10 juin. Le Maroc sera ainsi le pays du monde à avoir imposé la plus longue durée de confinement: quatre-vingt-deux jours.

L'ampleur des mesures de soutien

Mais ce qui fait avant tout la singularité –sinon l'exemplarité– marocaine au Maghreb et dans toute l'Afrique, c'est l'ampleur des mesures de soutien mises en places pour limiter les conséquences économiques et sociales du Covid-19. Par décision du roi Mohammed VI, dont le volontarisme en la matière a été unanimement souligné, un fonds spécial Covid-19 a été institué à la mi-mars. Alimenté par des dons de toutes les institutions publiques du pays ainsi que par les grandes entreprises privées, il a réuni à ce jour 33 milliards de dirhams soit plus de 3 milliards d'euros. Comme l'Union européenne a annoncé qu'elle allait abonder le fonds d'un montant supplémentaire de 450 millions d'euros, le plan de soutien marocain va ainsi représenter plus de 3% du PIB. Un appui pratiquement de même ampleur que celui mis en œuvre en Espagne et dont le niveau est sans équivalent dans les pays émergents.

À l'instar de ce qui se passe dans la plupart des pays européens, ces sommes servent à financer la suspension des charges sociales pesant sur les entreprises et à accorder à celles-ci des lignes de crédits bancaires supplémentaires garantis par l'État. Mais le Maroc va plus loin.

L'immense secteur informel n'est pas oublié puisque les millions de petits entrepreneurs bénéficient d'une aide mensuelle de subsistance d'au moins 800 dirhams [76 euros].

D'une part, les échéances de crédits bancaires aux particuliers dues jusqu'à la fin du mois de juin sont reportées sous formes d'allongement des durées de prêts (ce qui, notons-le, n'est pas le cas en France). D'autre part et surtout, tou·tes les Marocain·es affilié·es à la sécurité sociale vont percevoir, jusqu'à la fin juin, 2.000 dirhams par mois [190 euros] équivalent à 75% du salaire minimum.

Enfin –et c'est la grande originalité du plan par rapport à ce qui se fait ailleurs en Afrique– l'immense secteur informel n'est pas oublié puisque, par simple identification par SMS, les millions de petits entrepreneurs affilés ou non-affiliés au système d'assistance médicale bénéficient d'une aide mensuelle de subsistance d'au moins 800 dirhams [76 euros], les 280 millions d'euros actuellement mobilisés permettant d'aider 3,7 millions de personnes.

Les prochaines semaines diront dans quelle mesure le volontarisme sanitaire marocain aura permis d'endiguer une récession qui, comme partout, s'annonce sévère. Mais ce qui paraît d'ores et déjà évident, c'est que le royaume chérifien, du fait de l'ampleur de son plan de soutien, a toutes les chances de sortir de cette crise totalement inédite dans une situation sociale nettement moins dégradée que chez ses voisins.

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