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Le football à huis clos? Merci bien mais ce sera sans moi

[BLOG You Will Never Hate Alone] Regarder un match de foot sans public a autant d'attrait que de suivre la retransmission d'une messe funéraire.

Le football à huis clos ressemble à une messe funéraire. | |XoMEoX <a href="https://www.flickr.com/photos/xmex/49916766007/in/photolist-2j3YtsF">via Flickr</a>
Le football à huis clos ressemble à une messe funéraire. | |XoMEoX via Flickr

Temps de lecture: 2 minutes

Le football est l'une de mes distractions favorites qui peut parfois tourner à l'obsession. Je ne connais pas de passion plus déraisonnable tant elle est sans limite. Il m'est arrivé de me réveiller au milieu de la nuit pour suivre en streaming une rencontre disputée à l'autre bout du monde. Je suis né au monde avec un ballon dans les pieds; et pendant longtemps, j'ai pratiqué à haute dose ce sport qui m'a procuré les plus belles émotions de mon existence. J'ai écrit dessus des articles, des romans, des portraits pour des magazines spécialisés. Et dans mon panthéon personnel Marco Van Basten occupe la même place que William Faulkner: la toute première.

Certes avec l'âge, la passion s'est quelque peu émoussée. J'ai perdu de ma fraîcheur, de mon innocence aussi et je me reconnais de moins en moins dans ce sport devenu au fil du temps une vaste caisse enregistreuse où les sommes dépensées rivalisent d'indécence. Même les footballeurs ont perdu de leur superbe: ils se vendent au plus offrant comme de vulgaires mercenaires et rares sont ceux qui parviennent à garder sur le terrain l'élégance des artistes d'antan, quand l'argent ne représentait pas la principale de leur préoccupation.

Ceci dit, je continue à le regarder. Obstinément. Semaine après semaine. Mois après mois. C'est à la fois un rituel et une habitude dont j'ai été privé par l'apparition de la pandémie de Covid-19. Soudain plus de matchs. À dire vrai, l'esprit accaparé par d'autres soucis –allais-je mourir dans l'année? Quel supermarché offrait le plus de garanties au niveau sanitaire? Pourquoi diable mon levain ne montait pas? Devrais-je laver mon masque avec l'eau du bain?– je n'ai pas ressenti de manque: le football était devenu tout à fait secondaire.

Maintenant que le foot a repris dans certaines contrées, à nouveau, je pourrais regarder des morceaux de matchs. Je n'en ai pas la moindre envie. À mes yeux, le football tel qu'il se dispute actuellement, c'est-à-dire à huis clos et sans âme qui vive dans les tribunes, n'a pas le moindre début de commencement d'intérêt. À quoi bon perdre son temps à regarder une rencontre qui se déroule dans un silence d'enterrement, parmi cette ambiance glacée où les joueurs semblent évoluer au milieu d'un décor de procession funéraire?

Ce n'est plus du football, c'est une représentation de morts-vivants qui courent derrière un ballon avec la même volupté qu'un croque-mort au moment de mettre en bière un corps. Tout y est faux, tronqué, dépassionné. Les joueurs font la gueule, les entraîneurs vociférent des ordres qui se perdent dans la couture de leur masque. Les remplaçants ressemblent à des ambulanciers et les célébrations après un but ont l'entrain et la spontanéité d'une remise de médailles à l'amicale des avocats versaillais. En un mot comme en mille, on s'emmerde comme un chirurgien qui devrait opérer une appendicite sur une poupée gonflable.

C'est moins que rien disent certains. Tu parles. Ce serait comme de voir un film privé de toute musique. De lire un roman sur une liseuse en alphabet braille. De manger un couscous sans boulettes et sans bouillon. De fumer un Havane sous la douche. De parcourir l'Écosse par un temps caniculaire et de visiter la Grèce sous la pluie. Ou de tomber amoureux un jour férié (?). Une absurdité patente. Comme ces gens qui vont en vacances au ski et passent leurs journées à barboter dans la piscine de l'hôtel.

Les spectateurs ne retourneront pas de sitôt dans les stades. Ni demain, ni dans six mois. Le championnat à venir, selon toute probabilité, se déroulera à huis clos. Sans moi. Je ne suis pas assez fou pour suivre semaine après semaine un spectacle aussi attrayant qu'une partie de jambes en l'air disputée dans l'obscurité la plus absolue et dont la proximité géographique avec la chambre de belle-maman interdit tout gémissements de plaisir si ce n'est des chuchotements qui sont autant d'appels à la prudence.

Je m'en passerai.

Le football est un spectacle vivant.

Vivant.

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