Santé / Monde

«Ça va bien aller», le slogan optimiste qui divise le Québec

Le pays est inondé de pensée positive... mais est-ce vraiment une si bonne chose?

Extrait du flux Instagram #çavaaller | capture d'écran via Youtube
Extrait du flux Instagram #çavaaller | capture d'écran via Youtube

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur LaPresse.ca

C'est d'Italie que le message d'espoir est parti. Sur les fenêtres comme dans les hashtags inondant les réseaux sociaux, les mots «Andrà tutto bene» («Tout ira bien») sont omniprésents. Ils sont là pour expliquer à celles et ceux qui les voient que ce cauchemar éveillé finira par prendre fin un jour, et qu'il faut serrer les dents en attendant que ça passe. Rien que sur Instagram, le hashtag a été utilisé plus d'un million de fois.

Inspiré par la pensée positive italienne, le Québec s'est mis à faire fleurir des «Ça va bien aller» sur ses façades, ses fenêtres et ses publications Instagram. Mais le slogan, le plus souvent accompagné d'un arc-en-ciel, ne fait pas réellement l'unanimité. Des psychologues mettent notamment en garde contre les effets néfastes de la pensée positive, comme l'explique un article publié par le sité québécois La Presse. C'est le cas de la docteure Pascale Brodeur, qui a publié une mise en garde pleine de bon sens sur Facebook:

«Partant du fait qu'elle:
- ne correspond pas à la réalité et au futur de certains individus aux prises avec des problèmes physiques, mentaux, familiaux ou économiques;
- ne reflète pas l'état d'esprit de tous;
- n'invite pas les gens à partager et accueillir des vécus différents (souffrance, problèmes, anxiété, déprime, colère, désespoir);

la pensée positive peut donc:
- contribuer à ce que les gens qui ne partagent pas une vision positive du futur se sentent inadéquats, coupables, incompris et seuls;
- contribuer à ce que les états d'âmes différents ne soient pas exprimés;
- contribuer à ce que l'expression de tristesse, pessimisme, colère et angoisse devienne tabou et soit étouffée;
- et même contribuer à un manque de réalisme et de proactivité devant les problèmes actuels et à venir»
.

Pascale Brodeur précise néanmoins que ces quatre mots peuvent parfois faire du bien, comme elle l'a réaffirmé à La Presse: «Je ne veux pas donner l’impression que c’est un slogan à bannir, qu’il fait du tort à tout le monde; ce slogan a sa place». «Mais ça ne doit pas être le seul discours qu’on entend, ça ne doit pas être servi à toutes les sauces. Ça ne doit pas être la seule chose qu’on répond dès qu’on exprime une inquiétude ou une frustration.»

La docteur en psychologie Roxane Robitaille se montre même plus virulente. Dans une autre publication Facebook, elle écrit: «Dire que "ça va bien aller", c’est un bien beau message pour les enfants, mais ça manque drôlement de sophistication pour les adultes». Ajoutant que «l’adversité, c’est une partie intégrante de la vie», elle demande notamment que le message ne soit pas utilisé à toutes les sauces comme un slogan débarrassé de toute substance, mais qu'il soit au contraire accompagné de nuances en fonction des situations et des personnes impliquées.

«C'est toff mais lâche pas»

Les deux spécialistes proposent des messages alternatifs à utiliser face à des personnes qui vous raconteraient leur détresse ou la difficulté de leur quotidien. Sur Facebook, Pascale Brodeur suggère de piocher dans la liste suivante:

«- C'est toff [difficile, ndlr] mais lâche pas.
- Chue là pour toi.
- Ça va mal mais il y a des solutions.
- On va se découvrir des capacités d'adaptation.
- Si ça devient trop dur il y a de l'aide.
- Ça va finir un jour»
.

Quant à Roxane Robitaille, elle insiste sur la nécessité de montrer qu'on entend la parole de l'autre sans la juger, et qu'à défaut de pouvoir régler le problème, on est là quand même. Cela se traduit dans deux exemples de phrases: «J’aimerais tellement avoir les mots pour t’enlever ta détresse, je ne les ai pas, mais je suis là avec toi», ou «C’est vraiment difficile en ce moment, je comprends que tu t’inquiètes et je trouve cela dur de voir que tu vis tout cela».

«Moi, ce que j’entends de mes proches et de ma clientèle, c’est soit que ce slogan-là ne les rejoint pas du tout, soit que ce slogan-là les agace, à la limite les insulte un peu», explique Pascale Brodeur. L'article conclut cependant par le fait qu'un slogan doit être considéré comme tel, c'est-à-dire comme un assemblage de mots souvent réducteur, et qui ne pourra pas plaire à tout le monde. À chacun et chacune de se dire que «Ça va bien aller» avec un peu de parcimonie, et ça finira par bien aller.

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