Société

Putain, jamais cela s'arrête, l'hiver?

[BLOG You Will Never Hate Alone] De la petite déprime hivernale et de son charme très relatif.

Le soleil fait la tête, le ciel a mauvaise mine. | Roman Boed <a href="http://www.flickr.com/photos/romanboed/24677297084/">via Flickr</a>
Le soleil fait la tête, le ciel a mauvaise mine. | Roman Boed via Flickr

Temps de lecture: 2 minutes

Chaque année, au cœur de l'hiver, elle revient me visiter. C'est comme une triste habitude dont je ne saurais me défaire. Tout à coup, elle s'abat sur moi et ne me quitte plus pendant des semaines. Les jours sont moroses; les heures se traînent, lentes et lourdes, pleines de chagrin et l'âme exhale des parfums humides, des soupirs d'automne.

C'est une sorte de douce mélancolie, une tristesse languide et un brin poisseuse, comme une lassitude qui ne voudrait pas dire son nom –une simple déprime hivernale.

Les journées sont courtes. Le soleil fait une tête d'enterrement, le ciel a mauvaise mine, les arbres ressemblent à de grands squelettes à l'agonie et les rues sont grises à en pleurer. Rien ne bouge. La ville est saisie de froid, les campagnes se meurent en silence et la nature alentour se tait.

À regret, on sort de chez soi et sitôt dehors, on regrette déjà la douce chaleur du foyer. Il se met à pleuvoir. On se couvre comme on peut. On avance parmi les flaques d'eau et les feuilles détrempées. Et quand on en a fini avec sa journée de travail, c'est déjà la nuit qui est là, sombre et caverneuse, écho de nos angoisses profondes.

On n'a envie de rien. Les journées sont bien trop brèves pour espérer quoi que ce soit. On vit à reculons, en chuchotant, sur la pointe des pieds, comme si nous étions tous en deuil. On a froid à l'intérieur de nous, de ce froid qu'aucune boisson chaude ne parvient à chasser et, figé à sa fenêtre, on reste des journées entières à contempler la pluie tomber et tomber encore.

Chaque goutte semble peser des tonnes et dans le fond de l'air, il y a comme une espèce de renoncement, d'écœurement à exister, un sentiment d'impuissance qui nous rend parfaitement mélancolique.

Nous ne sommes pas malades mais pourtant, nous nous recroquevillons sur nous-mêmes comme si nous souffrions d'un mal étrange et indicible. On est pris dans les rets d'une sorte de tristesse lourde et pesante accrochée aux moindres recoins de notre âme, et nos cœurs battent au ralenti comme s'il ne servait plus à rien de s'agiter.

C'est l'hiver, le milieu de nulle part, le carrefour où s'échouent nos illusions perdues –la fatigue de vivre.

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Parfois, on pousse de longs soupirs d'ennui qui se répandent, silencieux, à travers les murs accablés de la maison. On n'est pas vraiment malheureux, juste impatient de renouer avec la lumière de la vie.

Dehors, les gens vont et viennent à pas pressés. Les terrasses des cafés sont embrouillées, les avenues désertes et lugubres, les commerçants plantés derrière leurs portes regardent d'un air résigné les passants aller sans jamais prendre la peine de s'arrêter. On a juste envie de rentrer chez soi s'enfouir au fond d'un canapé, pour mieux oublier le gris du monde.

On dort longtemps. C'est toujours cela de gagné. Le lit est comme un refuge, l'abri à notre tristesse confuse, l'ultime havre aux caprices de l'hiver. Endormis, c'est comme si le temps ne comptait pas. Si on s'écoutait, on dormirait jusqu'aux prémices du printemps. On resterait là bien au chaud, enfouis sous les couvertures, parmi les livres et les chats, à attendre la venue du soleil, les premières palpitations de la lumière enfin retrouvée.

Et comme elle ne vient toujours pas, on en vient à désespérer de tout. Les étés sont morts à jamais, les rires des enfants aussi, le bleu du ciel pareil: le monde restera engourdi jusqu'à la fin des temps. La neige ne tient même pas; à peine tombée, elle s'efface déjà et ne reste alors que des salissures qui s'agraffent aux trottoirs comme des traînées sanglantes. Le ciel ne vaut rien. Les arbres glapissent de froid et une lumière blanche, opalescente, affreuse cogne à nos crânes.

C'est gai!

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