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Si la NBA a réussi à percer en France, c'est grâce aux réseaux sociaux

Ce 24 janvier, un match officiel de la NBA se joue pour la première fois sur le sol français. Les efforts des fans, qui ont su faire vivre leur passion sur internet, sont enfin récompensés.

Giánnis Antetokoúnmpo, des Milwaukee Bucks, marque contre les Brooklyn Nets, le 18 janvier 2020 à New York. | Al Bello / Getty Images  North America / AFP
Giánnis Antetokoúnmpo, des Milwaukee Bucks, marque contre les Brooklyn Nets, le 18 janvier 2020 à New York. | Al Bello / Getty Images  North America / AFP

Temps de lecture: 5 minutes

Ce vendredi 24 janvier, la NBA pose ses bagages et ses superstars en France: un match officiel entre les Hornets de Charlotte et les Bucks de Milwaukee va se dérouler à Paris. Et qu'importe si l'affiche n'est pas la plus belle que la balle orange puisse offrir, elle marque le point d'orgue d'une ligue américaine partie à la conquête de l'Hexagone.

Pour comprendre comment la NBA a réussi à s'implanter dans un pays plus amateur d'ovalie et de «second poteau Pavard» que de dunks, on pourrait citer bien des raisons: la Dream Team américaine de 1992, l'explosion au plus haut niveau de Tony Parker ou la couverture médiatique de beIN SPORTS. Voilà pour la poudre.

La mise à feu définitive, c'est l'avènement des réseaux sociaux, au milieu des années 2000, révolutionnant totalement la façon de vivre et de consommer la NBA en France.

Émulation collective

Longtemps, la ligue américaine de basket-ball a été cantonnée à un hobby solitaire, dû à des horaires décalés ne faisant la joie que des insomniaques: difficile de trouver des bars ouverts ou des voisin·es passionné·es pour suivre les matchs. La NBA était un bonheur d'ermite, une passion individuelle, limitant drastiquement son expansion.

George Eddy, premier journaliste à avoir couvert le basket américain en France, se souvient de ce désert de solitude que les moins de 20 ans n'auront pas traversé: «Quand j'ai débuté, il n'y avait rien et il fallait expliquer les fondamentaux à chaque match qu'on présentait. Internet a permis de changer cela. Aujourd'hui, toutes les connaissances sont à portée de clic. Le sport est devenu plus émotionnel, les fans français supportent des équipes spécifiques, ont leur joueur favori, connaissent l'histoire des franchises [les clubs de basket américain, ndlr]. C'était impensable il y a trente ans.»

Internet comme bible de connaissance, mais surtout comme moyen d'enfin interagir avec d'autres fans. La nuit, les claviers s'agitent et les commentaires fusent sur les réseaux sociaux.

«On l'a vu avec la Coupe du monde de football, le sport sert à communier avec les autres. Dans son développement en France, la NBA a longtemps souffert de cette consommation jadis isolée. Aujourd'hui, avec internet, les gens partagent leurs expériences et leurs ressentis, d'où l'émulation», commente entre deux tweets Bastien Fontanieu, cofondateur du média TrashTalk, rapidement devenu une référence pour le suivi de la NBA en France.

La recette du succès? Un ton décalé, une proximité avec leur public, mais aussi une omniprésence de toute l'équipe sur Twitter, pour commenter les matchs en nocturne, échanger et conseiller de temps à autre, vers 22 heures, de prendre un café pour tenir toute la nuit.

 

Offre foisonnante

Aussi visible soit-elle, l'équipe de TrashTalk n'est pas la seule à animer les nuits françaises. Des fans ont créé des comptes Twitter pour chaque franchise NBA, afin de concilier un peu plus en France le réseau social et le basket.

Ces comptes français ne sont ni officiels, ni rémunérés, mais ils fournissent un travail d'orfèvre: live-tweet de matchs, analyses des joueurs, rappels historiques et même podcasts, sites dédiés, voire carrément événement aux États-Unis.

Pour Quentin, community manager du compte Dallas Mavs France, supporter de la franchise éponyme, qu'importe les nuits particulièrement courtes et autres cernes du matin: «Il est important de pouvoir partager sur Twitter, d'autant plus que c'est une passion de niche et qu'il est compliqué de trouver des gens avec qui partager cela dans son cercle d'amis, dans la “vraie vie”.»

 

Se connecter est presque devenu un réflexe pour les passionné·es français·es: «Les interactions se font de manière immédiate. La plupart des fans regardent les matchs avec leur téléphone dans la main, pour avoir les réactions en temps réel, interagir avec les comptes et les autres internautes, permettant à chacun d'éviter de se sentir seul devant son écran», poursuit Quentin.

Mais pourquoi cet engouement pour la NBA, alors que d'autres sports patinent tant à traverser l'Atlantique? Selon l'équipe du compte Twitter des Lakers France, c'est l'offre de la ligue qui fait son succès –«plusieurs matchs chaque soir de la semaine, d'octobre à juin».

Du coup, impossible de se tromper: «Il y aura toujours quelque chose à dire, à commenter, un match fou, une performance incroyable. S'il y a un sport pour vibrer, c'est bien la NBA.»

French touch

La ligue de basket américaine n'est bien sûr pas en reste non plus dans cette conquête. George Eddy décrypte: «Comparé aux autres grands sports américains, la NBA a toujours été pionnière dans le développement à l'étranger. Elle fut la première ligue à prendre le virage d'internet, afin de pouvoir communiquer avec ses fans du monde entier.»

Des fans qu'elle sait récompenser de leur soutien: preuve en est avec ce match à Paris, bien sûr, mais aussi avec des rencontres aux horaires décalés pour mieux convenir au public européen, comme le dimanche à des heures de grande écoute en France ou au Royaume-Uni. «Dès que la NBA sent qu'un marché est potentiellement fructueux, elle va chercher à le développer au maximum», résume le journaliste.

 

La fanbase française s'est taillée à l'international une solide réputation. Au-delà de leur implication, les tricolores ont même développé une certaine French touch, faite d'humour et d'autodérision.

La formule fonctionne pour Lakers France, qui compte quelque 25.000 followers: «L'ambiance est bon enfant, on a peut-être plus de recul que les Américains sur les franchises qu'on supporte.»

Il suffit de veiller une nuit sur la toile française pour s'en rendre compte. Taquineries, petites piques, photos détournées, citations de rap et blagues fusent en France au même rythme que les paniers et tirs à trois points aux États-Unis.

 

«Nous, on est clairement pour l'humour et le second degré. C'est une passion mais ça reste un plaisir, on ne voit pas trop l'intérêt de se prendre la tête avec un inconnu à 3 heures du matin, seul derrière notre écran», sourit l'un des administrateurs du compte.

Plafond de verre

Si la NBA se développe donc à toute vitesse sur l'internet français, l'expansion n'est pas sans limite, reconnaît Bastien Fontanieu: «On sait qu'il y a un plafond, on ne va jamais taper les millions de spectateurs, les gens ont une vie. C'est devenu un sport sociable, mais cela reste un sport aux horaires compliqués pour la France.»

Quant aux démarches de la NBA afin d'«européaniser» ses horaires, elles aussi rencontrent un frein. «Il y a une crainte en coulisses de la part des joueurs, qui sentent leurs performances affectées par ces horaires trop décalés», indique le spécialiste.

Pour contrer cette grosse barrière horaire, la NBA se décline désormais au soleil et à des horaires décents: chaque jour, beIN SPORTS propose une émission «NBA Extra» le midi, tandis que TrashTalk produit toujours plus de contenus et d'évènements: vidéo du lundi, classements, apéros…

«La NBA est un tel bordel quotidien et va tellement dans tous les sens qu'avoir des rendez-vous réguliers et ponctuels permet aux gens de caser le basket dans leur programme prévisionnel, souligne son cofondateur. Il ne s'agit plus seulement d'occuper les nuits, mais aussi que la NBA ait une place dans les journées en France.»

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