Sports / Culture

«Cheer», la série Netflix qui montre les cheerleaders sous un nouveau jour

Loin des clichés sur les pom pom girls, cette série documentaire offre un portrait inédit de ces athlètes dévoué·es.

Ce programme montre que derrière les costumes scintillants se cachent de véritables athlètes aux entraînements exigeants. | Capture d'écran via YouTube
Ce programme montre que derrière les costumes scintillants se cachent de véritables athlètes aux entraînements exigeants. | Capture d'écran via YouTube

Temps de lecture: 4 minutes

Si l'on vous parle de pom pom girls, vous imaginerez sans doute de jolies blondes souriantes, trop maquillées et un peu creuses; ces «mean girls» du lycée en jupes bicolores représentées ad nauseam dans les séries et films américains. Et c'est justement le sujet qu'a choisi le documentariste Greg Whiteley (Mitt, Last Chance U) pour son nouveau projet, Cheer.

Cette série documentaire Netflix, sortie le 8 janvier, nous emmène dans la petite ville de Corsicana au Texas, où réside la meilleure équipe de cheerleading universitaire du pays: Navarro Cheer. Mais si vous espérez y trouver un divertissement frivole, passez votre chemin. Tour à tour exaltant et bouleversant, ce programme montre que derrière les cris d'encouragement, les costumes scintillants et les sourires figés, se cachent de véritables athlètes aux entraînements exigeants (on préfèrera d'ailleurs le terme cheerleader à pom pom girl, puisqu'il s'agit d'un sport mixte).

 

 

Cette image de futilité et de féminité docile colle au cheer depuis longtemps. Pourtant, cette discipline qui consistait au départ à encourager les «vrais» athlètes pendant la mi-temps, s'est peu à peu transformée en un véritable sport. Aujourd'hui, elle requiert un mélange de musculation, de danse, de gymnastique, et de cascades de haut niveau enchaînées à une vitesse hallucinante. Et si le spectacle qui en résulte est visuellement époustouflant, il est le fruit d'un acharnement physique dépassant largement les limites du raisonnable. La réalisation de Greg Whiteley, qui nous place au plus près des corps, le montre parfaitement. En faisant planer le risque de blessure à chaque épisode, Cheer est souvent plus proche de Black Swan que de Bring It On

Une réalisation réaliste à propos d'un sport à part entière. | Capture d'écran via YouTube

Un sport extrêmement dangereux

Que les âmes sensibles se rassurent, les images sont rarement explicites. Attendez-vous tout de même à entendre beaucoup de chutes violentes et à voir beaucoup de cheerleaders, filles comme garçons, en larmes. Dès le premier épisode, on nous précise que le cheer est le sport pratiqué par des femmes qui recense le plus de «blessures catastrophiques». Commotions cérébrales, fractures, hématomes et luxations sont le lot quotidien de ces jeunes athlètes.

L'une d'elles, Allie, en est à sa cinquième commotion lorsque la série commence. Après un court repos, elle continuera pourtant à virevolter dans les airs jusqu'au championnat national de Daytona. Cette compétition représente l'objectif ultime pour l'équipe de Navarro, qui y a déjà été sacrée championne treize fois. La série s'annonce alors comme une course contre la montre, avec des entraînements de plus en plus intenses où chaque nouvel accident complique les chances de réussite de l'équipe. 

Lorsque Morgan doit aller aux urgences car ses côtes se sont déplacées, elle refuse de prendre les antidouleurs qu'on lui prescrit, et continue à s'entraîner contre les recommandations des médecins.

 

 

 

Plus l'échéance se rapproche, plus l'équipe est poussée à bout et certain·es athlètes endurent leurs cascades en grimaçant de douleur. D'autres sont officiellement mis·es sur la touche, la coach doit sans cesse remplacer des membres de l'équipe jusqu'à la dernière minute à cause de l'accumulation de blessures. Il y a aussi Gabi Butler, la star de Navarro, qui comptabilise plus de 800.000 abonné·es sur Instagram. Devenue célèbre grâce à des vidéos YouTube tournées lorsqu'elle était enfant, Gabi jongle entre ses entraînements, des remplacements pour d'autres équipes à l'autre bout du pays, et des missions de mannequinat qui durent parfois jusqu'à très tard la nuit. Plus la série progresse, plus on réalise avec tristesse que la vie de la jeune femme est entièrement régie par ses parents, qui agissent comme d'impitoyables managers malgré la fatigue de leur fille.

À l'effort physique, s'ajoutent ainsi la peur de l'échec, la pression des cours et les tourments psychologiques de ces jeunes coincé·es entre l'adolescence et l'âge adulte. Lexi, la plus introvertie du groupe, révèle par exemple dans un épisode que quelqu'un a posté des photos dénudées d'elle sur Twitter. C'est sa coach qui finira par l'accompagner au commissariat pour porter plainte. 

Un digne héritier de «Friday Night Lights» 

Pour la plupart de ces athlètes, le cheer offre en fait une unique porte de sortie et si la série est aussi captivante, c'est aussi pour son aspect humain. Beaucoup de cheerleaders américain·es sont issu·es de familles riches, et dominent la hiérarchie sociale de leur lycée ou de leur fac. Mais l'équipe de Navarro est différente. Coachée par Monica Aldama, une célébrité locale qui n'oublie jamais de rappeler qu'elle a un diplôme en finance et aurait pu faire autre chose de sa vie, l'équipe fonctionne comme un refuge et une seconde chance pour nombre de jeunes aux parcours familiaux compliqués. 

Morgan a été abandonnée par son père dans une caravane lorsqu'elle était enfant, et recueillie plus tard par ses grands-parents. Lorsqu'elle a été acceptée dans l'équipe de Navarro, elle explique, la voix tremblante: «J'ai eu l'impression que c'était la première fois que quelqu'un me remarquait.» Lexi, elle, était déscolarisée et en bonne voie pour finir en prison, avant d'être «sauvée» par Monica. La'Darius, cascadeur talentueux, a subi l'homophobie et le rejet de ses proches dès l'enfance, et puise dans le cheerleading une immense source de fierté et d'affirmation de soi. Le plus émouvant reste sans doute Jerry, nounours de la bande qui a perdu sa mère quelques années auparavant et vit dans une famille d'accueil. Malgré ses insécurités et son faible niveau acrobatique, il est en grande partie responsable de l'esprit de solidarité et de camaraderie qui lie l'équipe. 

 

 

 

Pour beaucoup de ces jeunes, Monica Aldama est une vraie figure parentale, là pour leur offrir la structure et la protection qui leur ont fait défaut. Si vous avez déjà regardé la série Friday Night Lights, ces descriptions vous paraîtront familières, tant Cheer rappelle la série (de fiction) de NBC. Corsicana aurait aussi bien pu s'appeler Dillon, Monica, la coach à la fois dure et aimante, est une version réelle d'Eric Taylor, et nombre de ses élèves rappellent les personnages en manque d'amour de la série. 

Cheer apporte nuance et profondeur à une discipline qu'on a souvent tendance à tourner en dérision. Mais ce sont surtout les portraits de ces jeunes et les moments de solidarité ou d'adversité qu'on les voit traverser qui finissent par nous émouvoir. Comme beaucoup des meilleurs programmes Netflix, la série est passée presque inaperçue le jour de sa sortie, mais est en train de conquérir un public de plus en plus large grâce au bouche à oreille. On vous la recommande vivement.  

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