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Le retour en grâce du Pakistan

Washington a peur d'échouer en Afghanistan et Kaboul se méfie de plus en plus de ses alliés occidentaux. Ce dont profite Islamabad.

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Accusé il y a encore quelques mois d'être responsable de tous les maux de l'Afghanistan, le Pakistan est aujourd'hui courtisé pour aider à ramener la paix. Plus qu'à une évolution stratégique de la politique pakistanaise, ce changement de fortune est dû principalement à la crainte de Washington d'une défaite en Afghanistan et à la méfiance de plus en plus grande du président afghan Hamid Karzai vis à vis de ses alliés occidentaux.

En quête désespérée de tout ce qui peut améliorer la situation en Afghanistan pour pouvoir en sortir «honorablement», les Etats-Unis ont apprécié les opérations militaires entreprises par l'armée pakistanaise contre les talibans dans la vallée de Swat et dans plusieurs zones tribales frontalières de l'Afghanistan. Washington prête donc une oreille plus complaisante aux préoccupations d'Islamabad, ce qui a permis au chef de l'armée pakistanaise, le général Ashfaq Pervez Kayani, de souligner avec force les intérêts stratégiques du Pakistan.

Limiter le rôle de l'ennemi, l'Inde

En ce qui concerne l'Afghanistan, ceux-ci ont été clairement énoncés par le général Kayani. «Nous voulons que l'Afghanistan soit notre profondeur stratégique, cela n'implique pas que nous contrôlions le pays», déclarait-il récemment. Deuxièmement, l'Inde restant l'ennemi principal, le rôle de New Delhi en Afghanistan doit se limiter au mieux à une aide au développement. Pas question donc que l'Inde participe à l'entraînement de l'armée afghane. «Je ne peux pas me permettre d'avoir sur ma frontière ouest des soldats afghans entraînés par des Indiens qui auront la même façon qu'eux de voir les choses», a souligné il y a quelques semaines le général Kayani. Enfin, le Pakistan veut être associé d'une manière ou d'une autre au processus de réintégration et de réconciliation avec les talibans afghans.

De son côté, le président Karzai a développé une profonde méfiance vis à vis de ses alliés occidentaux depuis les ratés de sa réélection. Persuadé que ceux-ci favorisaient son opposant (le Docteur Abdullah Abdullah), le chef de l'état afghan cherche à consolider ses alliances régionales. Il sait également que sa politique de réconciliation avec les talibans (dont il a fait l'objectif de son deuxième mandat) ne peut réussir sans un minimum de coopération d'Islamabad. L'aggravation des différends ethniques en Afghanistan encore soulignée lors de l'élection présidentielle a de son côté fait prendre conscience à l'establishment pakistanais qu'après tout, le pashtoun Hamid Karzai –les pashtouns qui vivent essentiellement de chaque côté de la frontière entre les deux pays sont environ 14 millions en Afghanistan et 24 millions au Pakistan– mérite d'être soutenu face à une opposition essentiellement tadjik qui a des rapports étroits et historiques avec l'Inde.

Rupture de confiance

Le rapprochement entre Kaboul et Islamabad d'une part et Islamabad et Washington d'autre part est toutefois mis à mal par les divergences grandissantes entre le président Karzai et ses alliés occidentaux. Recevant mercredi dans son palais à Kaboul le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, le chef de l'Etat afghan n'a pas bronché quand celui-ci a dénoncé la présence américaine comme cause des malheurs de l'Afghanistan. En visite la semaine dernière à Islamabad, il n'a pas caché non plus son exaspération devant ce qu'il a appelé «le manque de coordination» de ses alliés. Hamid Karzai faisait allusion aux inquiétudes et à la prudence de Washington face au processus de réconciliation avec les talibans que la Grande-Bretagne lui réclame de son côté d'accélérer.

Depuis sa réélection contestée, le président afghan a pris plusieurs mesures visant à montrer que c'était lui le patron, bien que son gouvernement ne survive que sous perfusion de la communauté internationale. Cette rupture de la confiance de nature peut-être à offrir une plus grande marge de manœuvre aux voisins de l'Afghanistan ne peut que nuire à la situation afghane et contrarier la stratégie du président américain Barack Obama. Une stratégie qui suppose un partenaire afghan alors que celui-ci, déjà largement déficien,t devient de plus en plus rétif.

Françoise Chipaux

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