Il n'est pas toujours facile de se lancer dans la lecture d'essais politiques ou sociologiques, y compris si on a toujours eu l'habitude de lire régulièrement des romans. Pourtant, pour mieux comprendre comment tourne le monde, et pour observer la société à travers d'autres prismes, la lecture d'ouvrages non romanesques est extrêmement conseillée.
Le professeur d'économie Brad DeLong, relayé par Quartz, vient de publier une liste de stratégies à mettre en place pour parvenir à s'épanouir dans la lecture de ce genre de livres, qui sont parfois très épais, très denses, mais au final très stimulants pour peu qu'on parvienne à en venir à bout et à les digérer correctement.
Sur tout un semestre de cours d'économie, DeLong demande à ses étudiants et étudiantes de lire trois ouvrages en tout et pour tout. Mais quels ouvrages: La Richesse des nations d'Adam Smith, Le Capital de Karl Marx, et Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie de John Maynard Keynes. Voici la liste des dix conseils qu'il leur prodigue afin de les accompagner au mieux dans leurs lectures.
«1. Déterminez au préalable ce que l'auteur ou l'autrice essaie d'accomplir à travers ce livre.
2. Orientez-vous en devenant le genre de lecteur ou de lectrice à qui ce livre est adressé (le genre de personne chez qui les arguments développés pourraient résonner).
3. Lisez le livre activement, en prenant des notes.
4. Musclez chaque argument, retravaillez-le jusqu'à ce que vous le trouviez aussi convaincant et clair que possible.
5. Trouvez une personne (pourquoi pas votre colocataire) et ennuyez-la mortellement en lui demandant de vous écouter reformuler votre version «musclée» de l'argument.
6. Reprenez chaque élément tant qu'il le faut, lisez le livre de façon bienveillante mais pas crédule.
7. Vous serez alors en bonne position pour découvrir les éventuelles faiblesses de tel ou tel argument massue.
8. Confrontez les affirmations et interprétations majeures à la réalité: ont-elles du sens dans le contexte du monde où nous vivons?
9. Décidez ce que vous pensez du livre dans son intégralité.
10. Arrive alors l'étape où vous devrez sceller votre interprétation, votre lecture, dans votre esprit, de façon à ce que tout cela intègre votre panoplie intellectuelle pour le futur.»
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De Feynman à Pennac, d'autres méthodes
Bien entendu, précise Quartz, tout ceci est très chronophage, surtout pour un essai de 1.000 pages. Mais certaines règles peuvent être adaptées, voire laissées de côté. L'essentiel est peut-être contenu dans les règles 4, 5, 8 et 10: l'important est d'entrer pleinement dans un ouvrage et de le faire sien, afin d'être capable de le réinterpréter à sa manière. On n'est pas si loin de la technique Feynman, du nom du physicien américain qui reçut le prix Nobel en 1965. Cette méthode d'apprentissage consiste à reformuler encore et encore chaque théorie comme si vous alliez devoir l'enseigner à quelqu'un.
L'auteur de l'article, Walter Frick, conclut en affirmant que beaucoup d'essais sont bien trop longs, et que certains articles beaucoup plus courts suffisent souvent à s'emparer d'un sujet. On lui laissera la responsabilité de cette affirmation, tout en se permettant de rappeler quelques-uns des commandements du lecteur (et de la lectrice) établis par Daniel Pennac: le droit de sauter des pages, le droit de ne pas finir un livre, et le droit de grappiller. On vous souhaite une bonne année de lecture.