Parents & enfants / Société

Méfiez-vous des jouets en bois

Le plastique n'est plus fantastique mais le bois n'est pas toujours un meilleur choix.

Y a-t-il du plomb dans ces jolies couleurs? | La-Rel Easter <a href="https://unsplash.com/photos/KuCGlBXjH_o">via Unsplash</a>
Y a-t-il du plomb dans ces jolies couleurs? | La-Rel Easter via Unsplash

Temps de lecture: 4 minutes

Essayer d'être un parent responsable à la période de Noël peut s'avérer un parcours du combattant. Comment combiner exigences écologiques et satisfaction des enfants? Quels jouets reste-t-il donc à mettre sous le sapin quand on a éliminé l'option plastique? Une réponse a priori évidente s'impose: les jouets en bois. Mais sont-ils vraiment écolo-compatibles?

En 2009, dans son spectacle «Mother Fucker», Florence Foresti faisait déjà allusion aux dilemmes des parents concernant les jouets en bois, sur un mode humoristique mais qui sentait le vécu.

 

 

Dix ans plus tard, l'urgence écologique remet sur le devant de la scène le bois comme matériau à privilégier. Mais ces fameux jouets ne sont pas si présents dans les allées des magasins spécialisés. Le parent doit s'armer de patience pour défricher dans les monceaux de joujoux celui qui remplira un cahier des charges écolo.

Il suffit de feuilleter un catalogue de Noël de n'importe quelle enseigne pour enfants pour y découvrir des dizaines de pages couvertes de jeux, poupées, voitures et autres figurines en plastique et pas l'ombre d'un équivalent bois.

Sans cracher sur le plastique (les Lego ne sont-ils pas le rêve des petits et des grands?), force est de constater que l'immense majorité des jouets en plastique sont produits en Asie (en Chine principalement), que leur acheminement jusqu'en Europe alourdit la facture carbone, à quoi s'ajoutent une durée de vie moindre, un recyclage plus difficile et coûteux et, d'un point de vue éthique, un flou autour des conditions sociales de production.

Bref, si le plastique était «fantastique» dans les années 1990 pour les rockeurs d'Elmer Food Beat, il est devenu «dramatique», comme le clame aujourd'hui le même groupe dans une version updatée.

 

Du bois, mais quel bois?

Pour les parents soucieux de la dégradation de l'environnement, il faudrait donc miser sur le bois. Plus durable, plus sain, plus local, le bois semble constituer un rempart au tout-plastique polluant. Mais encore faut-il lire les étiquettes attentivement car tout n'est pas rose au pays verdoyant du bois.

Comme l'avait démontré un numéro de «Cash investigation» («Razzia sur le bois» en janvier 2017), la filière est loin d'être transparente. Labels bidon, déforestation de zones protégées, travail des enfants, démêler le bon bois de l'ivraie n'est guère chose aisée. Deux labels se partagent le marché:

 

  • Le FSC (Forest Stewardship Council), organisation internationale non gouvernementale et à but non lucratif, agglomère des associations (WWF, Greenpeace...), des communautés indigènes, des industriels, des chercheurs et chercheuses ou encore des exploitants forestiers. Plutôt tournée vers la protection des forêts tropicales à l'origine, l'organisation a, depuis sa création en 1993 dans la foulée du Sommet de la Terre à Rio, étendu ses activités en Europe. Le FSC est LE label connu dans le monde entier.
  • Le PEFC (programme de reconnaissance des certifications forestières) attribue des certificats de gestion durable à la filière sylvicole. Toutefois, il a été mis à mal par Élise Lucet dans l'épisode «Razzia sur le bois», pointant la labellisation erronée en domaine forestier de lieux insolites (parking, aérodrome, réacteurs d'une centrale nucléaire). Cette défaillance a quelque peu détérioré l'image du PEFC qui a depuis renforcé ses règles d'admission au programme et ses contrôles.

L'arbre qui cache la forêt

Ainsi le parent désireux d'offrir un jouet en bois conçu avec un matériau exploité de façon durable doit-il maîtriser les acronymes et vérifier attentivement chaque emballage à la recherche du sacro-saint label.

Mais la course au jouet éco-responsable ne s'arrête pas là! Car même si le jouet est en bois labellisé, encore faut-il qu'il soit réalisé avec du bois massif. En effet, pour réduire les coûts de production, de nombreux jouets sont fabriqués avec du bois aggloméré, c'est-à-dire des particules de bois solidifiées par des colles contenant le plus souvent du formaldéhyde. Et là, le parent qui n'a pas fait bac S prend peur. Voilà que la chimie s'invite dans son jouet en bois. Et le formaldéhyde n'est pas n'importe quoi.

Aussi connu sous le nom de méthanal, il est considéré par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) comme une substance cancérogène avérée pour l'homme (groupe 1). Depuis 2011, le CIRC a déposé auprès de l'Agence européenne des substances chimiques une proposition de requalification du formaldéhyde, celui-ci étant considéré jusqu'à maintenant comme cancérogène supposé chez l'homme (groupe 1B). Pas de modification pour l'instant.

Bien que la substance ne soit pas immédiatement dangereuse lorsqu'elle est inhalée, elle peut provoquer des irritations des voies respiratoires et engendrer à moyen terme des allergies respiratoires ou de l'asthme (les allergies respiratoires ont doublé en France en vingt ans et le fait qu'un individu enfant ou adulte passe près de 80% de son temps en intérieur montre qu'il faut considérer les lieux fermés comme des espaces à risques). Réduire la présence du formaldéhyde (et d'autres substances du même acabit) dans l'environnement domestique d'un enfant est donc un enjeu de santé.

Une fois que le parent a localisé un jouet en bois, label à l'appui, qu'il en a vérifié la qualité (massif et non aggloméré), il doit encore approfondir son analyse du joujou pour connaître le type de bois. Quel intérêt à se casser la tête pour offrir un objet éco-responsable si l'essence vient du fin fond de l'Indonésie ou du Brésil et a donc pris l'avion ou un cargo pour arriver sur son lieu de transformation?

Bien choisir l'espèce est donc important. Pas de bambou ou d'hévéa qui poussent en Asie. Il faut privilégier le bouleau, le chêne, l'érable, le peuplier ou encore le pin. On avait dit parcours du combattant? Attention, une dernière difficulté attend le parent à bout de souffle qui pense enfin tenir le jouet écologique parfait!

United colors of pollution

Un jouet en bois, c'est bien joli mais après avoir été façonné, il doit subir une ultime étape: vernissage ou peinture. Et de nouveau, la chimie s'invite dans l'équation. Pour éviter de trouver du plomb dans la peinture qui recouvre ce charmant jouet en bois que le parent exténué a déniché, il faut de nouveau s'harnacher à un décryptage ardu.

Hormis les labels (CE, pour Conformité européenne, garantit le minimum syndical en matière de normes; Öko-Test Magazin compare les impacts sanitaires et environnementaux de nombreux produits; l'ange bleu, label allemand considéré comme ayant l'un des cahiers des charges les plus stricts au monde), pour les substances chimiques c'est la norme EN 71-3 qui doit attirer l'attention du parent. Elle spécifie les exigences envers dix-neuf composants chimiques dont l'aluminium, l'arsenic, le cuivre, le plomb ou encore le mercure.

Évidemment, on peut court-circuiter le problème chimique en choisissant des jouets bruts ou traités avec des peintures à base d'eau et sans vernis. Enfin, pour éviter de réduire à néant ou presque tous ces efforts pour offrir un jouet en bois écologique, la question du conditionnement est la cerise sur le gâteau. Un pochon en tissu plutôt qu'un emballage carton. Une boîte en carton réutilisable plutôt qu'un papier cadeau jetable.

Peu présentes dans les magasins de jouets classiques, les marques françaises qui jouent le jeu du jouet en bois écologique, respectueux de l'environnement, recyclable et pérenne ont trouvé avec internet un réseau de vente alternatif. Une consolation pour le parent-combattant dont le parcours jonché de difficultés se fera au moins dans le confort d'un fauteuil.

cover
-
/
cover

Liste de lecture