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Une affaire de pâtes comme seule l'Italie peut en créer

À la suite d'un récent trafic de cette spécialité dans la ville de Bari, les fabricantes traditionnelles d'orecchiette craignent une répression des autorités locales.

Une femme couvre des orecchiette à Bari, le 12 mai 2017. Ce type de pâtes sont l'une des principales attractions touristiques de la ville. | Filippo Monteforte / AFP
Une femme couvre des orecchiette à Bari, le 12 mai 2017. Ce type de pâtes sont l'une des principales attractions touristiques de la ville. | Filippo Monteforte / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur New York Times

À Bari, petite ville du Sud de l'Italie, la rue Arco Basso s'anime très tôt le matin. Des dizaines de grand-mères s'activent dans leurs cuisines au rez-de-chaussée et, après quelques heures passées derrière les fourneaux, font sécher aux premières lueurs du jour leurs petites pâtes en forme d'oreille: les orecchiette.

Véritables symboles de cette ville des Pouilles, ces pâtes faites maison sont au cœur d'un drame qui pourrait bien avoir des conséquences sur le tourisme.

Mi-octobre, des inspecteurs de police sont tombés sur un stock d'orecchiette servies dans un restaurant de Bari dont l'origine ne pouvait être établie. Or, la réglementation italienne et européenne oblige à identifier clairement la source de la nourriture dans ces établissements.

Pour les autorités locales, le coupable était tout trouvé: ce stock illégal proviendrait d'Arco Basso, appelée aussi «la rue des pâtes». Aujourd'hui, les grand-mères du vieux Bari subissent ce que le New York Times désigne comme étant «la répression des orecchiette».

Une tradition en danger

Après que le restaurateur a écopé d'une amende et a été forcé de jeter ses kilos de féculents suspects, les fabricantes d'orecchiette ont commencé à craindre pour leur avenir. Car pour l'heure, elles ne sont autorisées à les vendre que dans de petits sacs en plastique, pour un usage strictement privé. Mais ce droit pourrait leur être retiré à la suite de l'affaire.

Elles craignent, entre autres, de devoir porter des filets pour les cheveux, délivrer des reçus et payer des impôts. La rue des pâtes pourrait ne plus être aussi typique qu'elle l'est actuellement. C'est pourtant le charme de ses petites rues qui a contribué à faire de Bari l'une des dix meilleures destinations d'Europe, selon le Lonely Planet

L'administration locale propose de regrouper toutes ces femmes dans une coopérative unique, afin qu'elles vendent légalement leurs produits. Cependant, elle a dû affronter un rejet massif de ces cuisinières au caractére bien trempé et dont certaines vendaient autrefois des cigarettes de contrebande en provenance du Monténégro. 

Ces dernières travaillent la pâte dix à quinze heures par jour, sept jours sur sept, et sont bien décidées à ne pas laisser cette fabrication ancestrale disparaître. L'une d'entre elles, Mme Capuo, peste contre les autorités, comme on peut le lire dans le reportage du New York Times: «Ils devraient nous aider à transmettre cette tradition et non à l'exterminer.»

Dans la vieille ville de Bari, appelée il a vingt ans encore «la ville du vol», et qui était gérée par des clans de criminels, le maire devra faire face à une opposition féroce dans sa lutte contre le trafic de pâtes traditionnelles. Selon son chef de cabinet, il aurait déjà été contraint de prendre un garde du corps après avoir interdit aux habitant·es de vendre des moules crues rincées dans l'eau du port.

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