Culture

«Les Envoûtés» au risque des fantômes de l'amour

À la fois élégiaque et violent, le nouveau film de Pascal Bonitzer flirte avec le fantastique pour mieux raconter les vertiges et les angoisses de l'attraction entre deux êtres.

Qu'y a-t-il entre Simon (Nicolas Duvauchelle) et Coline (Sara Giraudeau)? Ou plutôt, qui y a-t-il? | Via SBS Distribution
Qu'y a-t-il entre Simon (Nicolas Duvauchelle) et Coline (Sara Giraudeau)? Ou plutôt, qui y a-t-il? | Via SBS Distribution

Temps de lecture: 2 minutes

Ça circule. Entre Paris et les Pyrénées, entre magazine psycho-people et nature sauvage, entre un homme et une femme. Ou deux. Ou trois.

Les fantômes ont passé les ponts. Ils sont dans la chambre, dans la tête, dans la grotte en bas de la maison. Ils sont dans les mots.

Coline est partie dans la montagne interviewer le peintre qui a vu un spectre, laissant sa voisine Azar, qui elle aussi en a vu un. Il n'y a ni coïncidence, ni vérité, ni mensonge; il y a des corps, des lieux, le désir et la peur.

 

 

 

Il est peu fréquent, en regardant le début d'un film, d'avoir aussi immédiatement le sentiment de sa totale justesse.

Il se produira plein d'événements au cours des Envoûtés, pour la plupart inspirés par la nouvelle fulgurante de Henry James, Les Amis des amis. Mais avant même que les premières péripéties de ce film imprégné de fantastique se soient produites, il vibre et intrigue.

La Fourche et le tambour

Suggestif à plus d'un titre, le nom de la station de métro où la jeune femme descend au début, La Fourche, est comme le signe de ce mouvement déjà lancé –et riche d'alternatives. À tout instant, plusieurs directions seront envisageables.

Délicatement amusée, cette histoire de mort et de passion peut dès lors prendre son élan dans une laverie automatique, où tournent et se mêlent les illusions colorées, les espoirs et les peurs, comme le linge de deux jeunes femmes encore à découvrir.

 

Qu'a vraiment vu Azar (Anabel Lopez)? | Via SBS Distribution

Autre chose aurait pu se produire entre Coline et Simon lors de leur nuit d'ivresse et de séduction. Le destin d'Azar aurait pu être différent. Le rapport à la religion et au suicide de l'ami de Coline pourrait le mener sur une autre voie. L'histoire ne serait pas la même, le film n'en souffrirait pas.

Un taillis de possibilités romanesques

Non que son déroulement soit indifférent, il est au contraire constamment tendu entre mystère et sensualité grâce, aussi, aux interprétations admirables de présence intense sans exhibitionnisme de Sara Giraudeau et de Nicolas Duvauchelle.

La trajectoire sur laquelle entraîne le film romantique et fantastique est captivante parce que, précisément, Les Envoûtés donne l'impression de se frayer sans cesse un chemin dans un épais taillis de possibilités narratives.

Il se déploie au cœur d'un entrelacs d'éventuelles autres décisions des personnages jusqu'à l'extrême fin, avec la très belle apparition d'une nouvelle protagoniste qui rééclaire autrement –pas de manière plus définitive– ce qu'il s'est produit.

Un accomplissement

Le film est dès lors devenu comme ces vastes paysages que l'on y voit par moments, où cohabitent montagnes escarpées et vallées accueillantes, terreur et douceur, soleil et intempéries.

Cette réussite aussi évidente qu'impalpable est d'autant plus réjouissante qu'elle est celle d'un cinéaste qui, après le coup d'éclat de son passage à la mise en scène il y a vingt-trois ans avec Encore!, a souvent, avec les six films suivants, donné le sentiment de passer tout près de l'accomplissement dont on le sentait capable, sans que cela n'advienne tout à fait.

Très talentueux scénariste de Jacques Rivette, d'André Téchiné et de Raoul Ruiz, Pascal Bonitzer dépasse avec ce film une virtuosité brillante, parfois même étincelante, pour atteindre une forme d'équilibre extraordinairement complexe, qui touche profondément pour avoir les apparences de la simplicité.

Les Envoûtés

de Pascal Bonitzer, avec Sara Giraudeau, Nicolas Duvauchelle, Anabel Lopez, Nicolas Maury, Iliana Lolic, Josiane Balasko.

Séances

Durée: 1h41. Sortie le 11 décembre 2019.

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