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Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres, spécialistes du sujet, leur répondent.
La question du jour: «Pourquoi y a-t-il un tel écart entre baby-boomers et millennials en matière d'éthique professionnelle?»
La réponse de Mark Lurie, ancien fondateur et PDG de Lofty (2013-2017):
Les baby-boomers pensent parfois que les millennials sont paresseux et ont le sentiment que tout leur est dû. Et pourtant, rien n'est plus loin de la vérité.
Les millennials sont entrés dans un monde professionnel où leur réalité n'a rien à voir avec celle que les baby-boomers ont connue. Leurs priorités n'ont aucun sens pour ces derniers, car les exigences de leur environnement sont différentes.
Les millennials s'attendent, par exemple, à être licenciés régulièrement. Ils recherchent donc un emploi leur offrant les compétences et l'expérience nécessaires pour les aider à améliorer leurs perspectives de carrière. Ils savent que le temps leur est compté et ne s'investissent pas en dehors du chemin qu'ils se sont tracé.
À l'inverse, les baby-boomers ont l'habitude de travailler dur pour une entreprise, à condition de pouvoir développer leurs compétences à long terme et en échange d'une sécurité, à savoir leur retraite.
Mais la sécurité de l'emploi et l'investissement à long terme n'existent plus dans le monde du travail moderne. Alors, pour quoi les millennials travaillent-ils?
Fossé générationnel
Ayant beaucoup côtoyé cette génération dans mes entreprises, j'ai remarqué que les millennials travaillaient souvent très dur. Mais pour cela, ils doivent d'abord avoir le sentiment que ce pour quoi ils travaillent est en phase avec leurs objectifs et leurs aspirations.
Plus précisément, j'ai embauché de nombreux étudiants en art fraîchement diplômés au poste de représentant de compte chez Lofty.com. Lors de leur embauche, j'ai cherché à savoir ce qu'ils avaient envie de développer au cours de leur carrière, et je me suis assuré que leur poste au sein de Lofty les y aiderait. Une sorte de partenariat entre employeur et employé s'est ainsi créé. S'ils se sont investis dans mon entreprise, c'est qu'ils avaient le sentiment d'en tirer quelque chose de profitable.
Cela peut sembler incongru aux baby-boomers. En effet, leur génération vient d'un monde où on attendait d'eux qu'ils s'acquittent de leurs obligations en travaillant dur, quels que soient les besoins de l'entreprise, dans l'espoir que cette dernière les récompenserait sur le long terme.
Aujourd'hui, les millennials travaillent dur si on leur propose des opportunités susceptibles de les aider à subvenir à leurs propres besoins, sans contrepartie d'aucune sorte.
Afin de combler ce fossé générationnel, nous devons revisiter le rapport employeur-employé d'une façon que les baby-boomers pourront comprendre et que les millennials pourront utiliser. Pour cela, nous devons saisir d'où viennent les deux générations, afin de leur proposer le meilleur marché possible.
Adieu sécurité et stabilité
Commençons par examiner un peu plus en détail d'où viennent les baby-boomers. L'idée qu'ils se font des jeunes employés est basée sur leur propre expérience.
À leur arrivée dans une entreprise, on attendait des baby-boomers qu'ils s'acquittent de leurs obligations pour avancer. Il était entendu que s'ils travaillaient dur pour l'entreprise pendant plusieurs années, et si leur travail profitait à l'entreprise, ils seraient récompensés en recevant des augmentations et des promotions. Et s'ils restaient suffisamment longtemps dans l'entreprise, ils toucheraient une retraite.
Tel était autrefois le marché entre un employé et son entreprise: travailler dur en échange d'une sécurité et d'une stabilité.
Aujourd'hui, les baby-boomers attendent des millennials qu'ils acceptent ces conditions. Selon eux, les millennials veulent progresser trop vite sans payer leur dû, ce qu'ils considèrent comme de la paresse. Les baby-boomers pensent également que les millennials sont inconstants et ne s'engagent pas vraiment à leur poste. Mais ce dont les baby-boomers ne sont pas conscients, c'est que la contrepartie dont les employés bénéficiaient autrefois n'existe plus.
Le monde a complètement changé, et les baby-boomers doivent l'accepter s'ils souhaitent diriger correctement les millennials. Ils feraient également bien de comprendre ce que les millennials veulent vraiment.
Compte à rebours
Parce que les millennials ne s'attendent pas à travailler longtemps pour une entreprise, ils s'intéressent à ce qu'elle peut leur apporter sur le moment. Cela ne tient pas à une incapacité à s'engager, mais à des taux de renouvellement massifs du personnel, à une économie instable et à un environnement professionnel toujours plus concurrentiel.
Ce que les millennials retiennent de leur expérience professionnelle est qu'ils finiront inévitablement par se faire renvoyer ou qu'ils auront besoin d'aller voir ailleurs pour se développer sur le plan personnel.
Parce qu'ils s'attendent à quitter leur poste dans un délai très court, ils souhaitent toucher un salaire compétitif et se voir confier plus de responsabilités rapidement. Pour eux, le travail est un moyen de développer leur valeur professionnelle et leurs compétences, afin d'être préparés et de s'en servir comme argument de négociation lorsque l'heure sera venue de partir.
Les sociétés de services professionnels telles que les cabinets de conseil, les banques d'investissement et les cabinets juridiques ont déjà trouvé un moyen d'exploiter cet état d'esprit en proposant aux millennials de les guider et de les aider à développer leurs compétences. Dans un sens, elles préparent leurs collaborateurs à changer d'entreprise tout en profitant de leurs efforts; et parfois, l'employé se sent investi et reste longtemps dans l'entreprise.
Les entreprises de technologie sont elles aussi conscientes des avantages de cet investissement et s'efforcent de recruter et de fidéliser les millennials. Google, par exemple, envoie actuellement ses employés à des conférences et des camps de formation afin de les aider à améliorer leurs compétences. C'est un autre moyen d'exploiter les aspirations des millennials dans un intérêt mutuel: les employés ont le sentiment de développer des compétences qu'ils pourront mettre en pratique n'importe où, tandis que l'entreprise rentabilise son investissement.
Cet exemple de marché constructif entre employeur et employé n'est pas le seul possible. Il existe d'autres façons de tirer parti des aspirations des millennials… mais pas en tentant de lire dans leurs pensées.
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Nouveau deal
Les baby-boomers qui encadrent des millennials doivent comprendre que leur relation professionnelle risque d'être courte et doivent donc aller droit au but. Ils doivent s'intéresser à ce que les candidats attendent du poste dès la phase d'entretien, afin de continuer à les motiver tout au long de la relation de travail.
Voici des exemples de questions:
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Qu'est-ce que l'employé attend de nous?
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Qu'offrons-nous à l'employé en échange?
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Quel est l'objectif de l'employé à long terme? À court terme?
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Qu'attend-il de sa carrière?
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Quels sont ses objectifs en dehors du travail?
Une fois que le baby-boomer a la réponse à ces questions, il peut commencer à réfléchir à une relation de travail profitable aux deux parties. Des conversations régulières entre l'employé millennial et l'employeur baby-boomer devront ainsi avoir lieu, afin d'identifier les souhaits de chacun pour l'avenir et comment l'un et l'autre peuvent s'aider à atteindre leurs objectifs.
Chez Codex Protocol, j'organise des réunions mensuelles avec chacun de mes employés, mais pas pour parler de leurs projets ou de leurs accomplissements. La conversation se limite strictement à ce qu'ils attendent de leur poste et à la façon dont je peux les aider à obtenir ce qu'ils recherchent.
J'ai remarqué que les millennials qui travaillent pour moi en font davantage lorsque je leur donne l'occasion de réaliser des tâches, d'atteindre des objectifs et de développer leur CV en fonction de leurs aspirations à long terme.
Il existe un moyen de construire des relations mutuellement avantageuses entre générations: pour cela, les deux parties doivent faire des compromis. S'ils se voient confier des tâches qui leur donnent le sentiment d'avancer vers quelque chose, les millennials s'efforceront d'aider les baby-boomers à développer leur activité.
Combler le déficit de communication entre ces deux générations peut mener à de meilleurs résultats de part et d'autre et permettra peut-être de mettre fin à toutes ces réflexions sur l'éthique professionnelle des millennials.