Culture

On détrône la dernière saison de «The Crown»

Cette saison extrapole parfois beaucoup quand il ne se passe en réalité pas grand-chose.

Elizabeth connaît son rôle et son travail, son apprentissage a eu lieu et les scandales à venir sont encore loin. | Capture d'écran <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vLXYfgpqb8A&amp;feature=youtu.be">via YouTube</a>
Elizabeth connaît son rôle et son travail, son apprentissage a eu lieu et les scandales à venir sont encore loin. | Capture d'écran via YouTube

Temps de lecture: 6 minutes

L'art du pilote est en train de se perdre. Traditionnellement, le premier épisode d'une série a toujours été un argument de vente, voué à convaincre les cadres de la chaîne de commander une saison entière. Un bon pilote doit nous divertir, nous dire qui sont les personnages, et surtout établir rapidement les enjeux émotionnels de la série pour nous donner envie de voir la suite. C'est aussi une sorte de brouillon, qui permet de corriger les défauts d'une série avant son lancement: le pilote de Game of Thrones a été re-tourné presque intégralement tellement la première version était catastrophique. Celui de Buffy était aussi assez mauvais, avec notamment une autre actrice dans le rôle de Willow, remplacée après le tournage par Alyson Hannigan. Sauf qu'aujourd'hui, de plus en plus de séries rattachées à des stars ou des franchises se passent de ce coup d'essai. Par exemple, Apple a commandé deux saisons entières de The Morning Show sans demander à voir un pilote (peut-être qu'ils auraient dû).

L'écriture des pilotes est donc en train de changer, laissant place à des premiers volets qui prennent (un peu trop) leur temps, et ne se donnent même plus la peine de nous accrocher. For All Mankind (Apple) nous force à passer deux premiers chapitres mous du genou avant de vraiment décoller. The Mandalorian (Disney+, une autre commande sans pilote) conclut son premier volet avec un twist malin, mais le précède d'une demi-heure aride et pas franchement palpitante. Bien sûr, il existe toujours de très bons pilotes: Watchmen, qui a dû faire ses preuves selon le modèle traditionnel, a récemment placé la barre très haut. Mais ils se font de plus en plus rares, alors que dans un monde aussi saturé par les offres de séries, capter notre attention dès le premier épisode n'a jamais été aussi crucial.

C'est l'un des fléaux culturels de ce siècle: le spoiler. Son nom résonne comme une menace pour les sériephiles comme pour les cinéphiles: qui ne s'est jamais fait divulgâcher –en bon français– une série ou un film? Mais faut-il vraiment s'en inquiéter? Nous, on pense surtout que les gens devraient péter un coup. On vous dit tout (et on vous fait participer) dans l'épisode cinq de Peak TV, le podcast.


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Le gros plan: «The Crown» (Netflix)

Il y a beaucoup à dire sur la nouvelle saison de The Crown. Commençons par le casting puisque c'est la question qui est sur toutes les lèvres. Tobias Menzies était né pour jouer Philip, Jason Watkins est inoubliable dans le rôle du Premier ministre Harold Wilson, et Erin Doherty nous offre une princesse Anne mordante à souhait.

Quant aux «stars» du casting, on a du mal à oublier qu'on est en train de regarder Helena Bonham Carter quand on la voit en Margaret, et on doit avouer que malgré tout notre amour pour Olivia Colman, il nous a fallu plusieurs épisodes pour nous habituer à son interprétation. La retenue aristocratique de Claire Foy nous manquait. L'Elizabeth de Colman est plus rustique, son stoïcisme plus enjoué et sa garde-robe plus désuète, mais ces changements reflètent une nouvelle ère plus posée de la vie de la souveraine. Elizabeth connaît son rôle et son travail, son apprentissage a eu lieu et les scandales à venir sont encore loin.

 

 

C'est tout le problème de cette saison qui extrapole parfois beaucoup quand il ne se passe en réalité pas grand-chose. Pour cela, la série prend son lot de libertés avec l'histoire. Elle invente un article sur la mère de Philip qui l'aurait rendu bien plus compatissant envers elle. Elle envoie Philip aux funérailles des enfants de la tragédie d'Aberfan alors qu'il n'y était pas. Elle montre Charles prendre position dans un discours en gallois quand son discours originel n'avait en réalité rien de polémique. Qu'une série comme The Crown s'octroie quelques libertés historiques, on peut facilement le comprendre et toutes les scènes intimes de la famille sont nécessairement le fruit de déductions et d'extrapolations. Mais cette saison, la série va plus loin et commence à inventer des faits historiques et créer des métaphores lourdingues pour servir le développement émotionnel de ses personnages.

Malgré tous ces défauts, The Crown reste l'une des séries les mieux produites de la télé et la saison 3 se conclut sur un excellent épisode qui nous rappelle pourquoi on aime tant la série. On a juste hâte de la retrouver lors d'une période plus turbulente et riche en développements (la saison 4 couvrira l'arrivée de Thatcher, Diana, et les attentats de l'IRA) pour que la série n'ait plus à recourir à des procédés artificiels afin de nous faire éprouver de l'empathie pour la famille la plus privilégiée de l'histoire.

On regarde aussi...

The Mandalorian (Disney+) – Cette série Star Wars est encore un peu inégale, mais assez intrigante pour qu'on ait envie de voir la suite.

Dollface (Hulu) – Un superbe assortiment de blagues creuses et de clichés sur les femmes (elles adorent bruncher! elles boivent des jus verts!) qui étaient déjà éculés il y a vingt ans.

Catherine The Great (Canal+) – Un drame historique agressivement plat, si ce n'est pour les scènes de sexe complètement gratuites. HBO gonna HBO.

Mortel (Netflix) – Un sans-faute absolu: casting, musique, écriture, mise en scène… Et même des références à Buffy. Tout y est.

L'épisode culte: «Pilot» («The OC», S1E1)

On l'a dit plus haut, un bon pilote est un pilote qui nous donne envie de crier «next episode, next episode», comme le font Carrie Brownstein et Fred Armisen dans Portlandia. Celui de The OC (ou Newport Beach pour nous autres Français·es) est un excellent exemple du parfait pilote traditionnel. Déjà, parce qu'il n'a ni titre, ni générique (même si on peut déjà entendre l'hymne culte de Phantom Planet dans une des premières scènes).

Mais surtout parce qu'il nous rend immédiatement accros. Les ficelles sont un peu grosses, certains jeunes acteurs sont risiblement mauvais (leur performance est cependant compensée par celle de vétérans comme Peter Gallagher dans le rôle de Sandy). Mais peu importe: on est immédiatement hameçonné par la vulnérabilité de Ryan, la gentillesse de Sandy, l'excentricité de Seth et le charme de Marissa.

 

 

Le pilote établit tout de suite les enjeux de cette série au conflit plutôt classique –un ado des quartiers pauvres s'installe dans une communauté cossue et tombe amoureux d'une jolie fille de riches, avec toutes les tensions que cela peut (et va) causer. Mais entre les mains expertes de Josh Schwartz, l'épisode devient une machine irrésistible et bien huilée. Une réplique inoubliable («Welcome to the OC, bitch!»), une excellente bande-son, des personnages incroyablement beaux, des dialogues saillants, et des enjeux émotionnels forts et évidents qu'on a envie de continuer à explorer (est-ce que Ryan va trouver un nouveau toit? Est-ce que Seth va enfin parler à Summer?)... Le pilote de The OC ne réinvente rien, mais il déroule la recette parfaite pour nous faire tomber amoureux ou amoureuses. Et en quarante-cinq minutes, une série culte est née.

Le crush: Josh O'Connor (Prince Charles dans «The Crown»)

On n'aurait jamais imaginé fantasmer sur un mec qui joue le Prince Charles, mais voilà, ses oreilles décollées nous rendent tout chose.

Peak de chaleur: Quand il répète sa pièce de théâtre et qu'il a l'air très intense et torturé.

Le courrier des séries

«Quelles sont les séries que vous ne vous lasserez jamais de revoir?»
– Mimi

Anaïs aura toujours une place dans son cœur pour Sex and the City, la première série qu'elle a vue de bout en bout, celle avec laquelle elle s'est construite à l'adolescence et qu'elle connaît sur le bout des doigts après l'avoir regardée un bon milliard de fois. Elle se détend volontiers avec Gilmore Girls, série parfaite pour les week-ends hivernaux et pas stressante pour un sou. Et pour se replonger dans la plus belle direction artistique de tous les temps et scruter les profondeurs de l'âme humaine, elle se tourne souvent vers Mad Men, une de ses séries préférées.

Quand Marie a envie de mettre une série en fond sonore sans avoir à trop y prêter attention, elle regarde Friends, qu'elle connaît déjà par cœur. Quand elle veut se replonger dans un univers ultra-réjouissant, elle remate Parks and Rec, surtout les saisons 3 et 4 qu'elle a vues une bonne dizaine de fois. Elle sait qu'elle pourra aussi toujours compter sur Fleabag, qui est peut-être sa série préférée et qu'elle a déjà vue cinq ou six fois en moins d'un an (comment ça Marie est un peu obsessionnelle?). Et puis il y a une mini-série qu'elle revoit presque tous les ans: Band of Brothers, parce qu'elle est à la fois épique et intimiste, et que ses enjeux sont on ne peut plus clairs.

Enfin, et c'est un thème récurrent vous l'aurez remarqué, Marie et Anaïs ont une série en commun qu'elles revoient très souvent, et parfois même ensemble: Buffy contre les vampires!

 

Ces textes sont parus dans la newsletter bimensuelle Peak TV.

 
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