L’hommage rendu au cinéaste chinois Wang Quan’an par le festival Un état du monde du Forum des images (15-24 novembre) est l’occasion de plonger dans la Chine contemporaine, avec un accent particulier sur les steppes mongoles, et de découvrir un réalisateur majeur dont le cinéma, généreux et ample, a le sens du romanesque.
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La Femme des steppes, le flic et l’œuf
Avant-première (sortie en salles le 29 avril 2020)/Mercredi 20 novembre à 20h30, en présence du réalisateur
Derrière ce titre réjouissant, en forme d’hommage à Sergio Leone, se cache une vraie merveille. N’en déplaise au flic et à l’œuf, qui jouent toutefois un rôle important dans l’intrigue, le nouveau film de Wang Quan’an est avant tout le portrait de la «femme des steppes», une bergère (Dulamjav Enkhtaivan) qui vit seule avec son troupeau de moutons et son chameau.
Lors d’une scène d’ouverture admirable, la police, patrouillant de nuit dans la steppe où galopent des chevaux sauvages, tombe sur le cadavre d’une femme. Au matin, on envoie chercher la bergère pour tenir compagnie au jeune flic débutant choisi pour garder la scène du crime, d’autant qu’une louve affamée rôde dans les parages…
Crédit photo © Diaphana
Avec un remarquable sens du rythme, Wang Quan’an accompagne son héroïne dans sa vie quotidienne, qu’elle doive tuer un mouton ou se rendre au dispensaire médical, séduire un jeune homme ou aider un jeune veau à naître. Le résultat nous transporte dans un ailleurs très peu vu au cinéma, cette Mongolie extérieure dont la vie rurale obéit toujours à des règles millénaires. Et Wang Quan’an réussit un film qui, grâce à son héroïne tour à tour malicieuse et émouvante, porte un immense espoir.
Apart Together
2012/Jeudi 21 novembre à 21h, en présence du réalisateur
Séance précédée à 18h30 d’une master class avec Wang Quan’an animée par Pascal Mérigeau
Ours d’argent du meilleur scénario au Festival de Berlin en 2010, cette fresque historique, trop peu vue à sa sortie en salles, est un vrai bijou. Apart Together se passe à la fin des années 1980, au moment où les vétérans de la guerre civile installés à Taiwan ont l’occasion de revenir en Chine pour retrouver leurs familles après plusieurs décennies de séparation.
Liu Yangsheng (Ling Feng) se rend donc à Shanghai où vit sa femme Yu-E (Lisa Lu), perdue de vue en 1949 dans la tourmente du conflit et désormais remariée à un autre vétéran, qui se battait, lui, du côté communiste.
Ce qui se joue entre ces trois personnages, souvent réunis à table dans une feinte bonne humeur, est d’une densité psychologique remarquable. Wang Quan’an réussit, sans jamais tomber dans le didactisme, à charger chaque silence de sous-texte politique. Il montre aussi comment, tragédie suprême, la destinée affective de chacun n’est au fond qu’un jouet de la grande Histoire.
Le Mariage de Tuya
2007/Vendredi 22 novembre à 18h, en présence du réalisateur
Voici le film le plus connu de Wang Quan’an, et on comprend pourquoi. Avec ce grand mélodrame, généreux et bouleversant, le cinéaste révèle au grand public le drame de la Mongolie contemporaine.
Tuya (Yu Nan, la muse du cinéaste) mène avec son mari et leurs deux enfants la dure vie de bergère itinérante. Quand son mari subit un accident qui le laisse invalide, elle se retrouve seule en charge du foyer et ploie sous l’énormité de la tâche. La solution? Divorcer et trouver un autre mari qui accepte de garder le premier époux à domicile… Tuya auditionne donc les prétendants.
Le dilemme est déchirant, et pourtant Wang Quan’an traite cette histoire avec une remarquable légèreté de touche, refusant de souligner la dureté de la situation et accordant à ses personnages une individualité qui en font des êtres singuliers et non les symboles d’une injustice. A (re)voir sans hésitation.
Lisa Frémont
Deux autres films à découvrir dans cet hommage à Wang Quan’an : Éclipse de lune, son premier long métrage/Vendredi 22 novembre, à 21h, en présence du réalisateur, et La Tisseuse/Samedi 23 novembre à 17h30.