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Rose McGowan, après le traumatisme, la renaissance

Victime de Harvey Weinstein et d'autres prédateurs masculins, l'ex-actrice espère désormais peser en tant que créatrice polyvalente.

Rose McGowan lors d'une conférence, le 21 juillet 2018 à New York. | Matthew Eisman / Getty Images North America / AFP
Rose McGowan lors d'une conférence, le 21 juillet 2018 à New York. | Matthew Eisman / Getty Images North America / AFP

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Figure du mouvement #MeToo, Rose McGowan a surtout été l'une des premières à dénoncer les agissements du producteur Harvey Weinstein bien avant le déchaînement médiatique. Parce qu'elle a eu ce courage, la comédienne déjà malmenée par la vie a vu sa carrière mise entre parenthèses... avant de reprendre la main et de se réinventer autrice, musicienne, documentariste et réalisatrice.

Pendant des années, elle fut le visage, et aussi le corps, d'un cinéma de genre avide d'icônes féminines à violenter. Wes Craven, Robert Rodriguez ou encore Gregg Araki ont adoré faire d'elle une héroïne hypersexualisée. Il faut croire que celle qui passa par la télévision avec la série à succès Charmed n'était pourtant pas assez lisse pour se faire une place solide à Hollywood.
 

Dans son livre-témoignage Debout, publié en France en février 2018, l'actrice raconte le cauchemar qu'elle a vécu en parallèle de sa courte ascension hollywoodienne. Elle y raconte comment Harvey Weinstein l'aurait violée, alors qu'elle était âgée de 23 ans, lors du festival de Sundance. Son témoignage glaçant rappelle ceux d'autres comédiennes entendues depuis: le producteur star aurait imposé un rendez-vous dans sa chambre d'hôtel avant de lui imposer un cunnilingus dans le bain à remous. La contestation de ces accusations par Harvey Weinstein contraste avec le fait que Rose McGowan a reçu à l'époque la somme de 100.000 dollars, fruit d'un accord financier avec une clause de confidentialité.

Rose McGowan n'a hélas pas attendu de croiser la route de Harvey Weinstein pour vivre son premier traumatisme. Après avoir grandi dans une secte pédophile, les Enfants de Dieu, avec laquelle sa famille a fini par prendre ses distances, la jeune Rose a dû fuir un père violent, finissant par se retrouver à la rue, accro à de multiples drogues. La célébrité grandissante n'a hélas pas permis à son chemin de vie de devenir plus tranquille, puisque outre le dossier Weinstein, la comédienne affirme avoir été victime de violences psychologiques de la part du réalisateur Robert Rodriguez, qui fut son compagnon dans les années 2000. Sur le tournage de Planète terreur, la contribution du cinéaste au double programme Grindhouse conçu avec Quentin Tarantino, il fit pression sur elle en utilisant justement le traumatisme Weinstein comme levier.

Longtemps mise au rebut à cause de son aura sulfureuse, celle qui n'a fait que souffrir de la misogynie extrême a subi des tentatives d'intimidation de l'équipe de Harvey Weinstein jusqu'à la rédaction de son livre Debout. Le producteur a en effet dépêché une ancienne agente israélienne pour l'espionner. Le New Yorker raconte notamment que cette agente s'est présentée auprès de Rose McGowan comme une militante pour les droits des femmes, et qu'elle a enregistré de nombreuses heures de conversation avec l'actrice afin de tout rapporter à Weinstein.

 

 

Nouveau départ

Aujourd'hui, Rose McGowan a entamé son processus de reconstruction par l'art en signant un album, un documentaire et en préparant la suite de sa carrière au cinéma de l'autre côté de la caméra: «Je suis une réalisatrice forte. Je sais ce que je veux et comment l'obtenir. Je sais aussi comment créer un bon environnement de travail afin que chacun donne le meilleur de lui-même.»

De ses expériences avec des réalisateurs, elle affirme avoir appris «la discipline»: «Wes Craven m'a appris comment traiter l'équipe et les acteurs avec respect et gentillesse. Quant à Gregg Araki, il m'a appris à faire de tout une œuvre d'art.»

 

 

Ses expériences avec des metteuses en scène la laissent hélas plus circonspecte: «J'ai travaillé avec trois réalisatrices. Je suis fâchée contre deux d'entre elles parce qu'elles se sont comportées comme des réalisateurs masculins. J'ai appris d'elles tout ce que je ne veux pas être.»

McGowan nourrit de vraies ambitions de réalisatrice: «Je souhaite concentrer ma carrière sur des films psychologiques qui jouent à bousculer l'esprit de différentes manières. Je veux continuer à questionner les dynamiques de pouvoir et essayer de pousser les gens à voir le monde autrement.»

Se disant encore largement traumatisée par le slut shaming subi pendant des années, Rose McGowan évoque également la souffrance d'avoir mis longtemps à être entendue, ainsi que la violence de ses opposants masculins. Mais celle qui se dit dirigée par «l'espoir, toujours l'espoir» semble désormais emplie d'une énergie exempte de colère.

Récemment passée par la France à l'occasion de la 28e édition du festival Paris Manga et Sci-Fi Show, McGowan travaille actuellement sur un projet artistique multi-supports, Planet 9, que le public découvre au goutte-à-goutte à mesure des sorties de ses différentes facettes (album musical, film, performance), et se dit «heureuse que les choses soient plus calmes pour elle». C'est le minimum que l'on puisse lui souhaiter.

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