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«C'est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].
Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.
Et pour retrouver les chroniques précédentes, c'est par là.
Chère Lucile,
Après avoir mis fin à une ancienne relation amoureuse dans laquelle j'étais la seule investie et où le mensonge régnait, je suis aujourd'hui en couple depuis quelques mois avec un homme. Tout se passe merveilleusement bien. Nous nous aimons.
Malheureusement la semaine dernière, mon copain –qui me parle tous les jours de mariage et d'enfants– m'a dit qu'il ne savait pas s'il pouvait continuer cette relation avec moi. Car en tant que croyant, il a peur que nos enfants entendent de son côté que Dieu existe et du mien que son existence ne relève pas de mes croyances, puisque je suis athée. De plus, selon lui un enfant croyant n'abandonnera jamais ses parents quand ils seront vieux.
Pour lui deux options se profilent:
- soit je me convertis à sa religion. D'après lui, comme je suis athée, ce sera plus aisé pour moi de croire en Dieu que pour un croyant de changer de religion.
- soit il évolue sur cette histoire d'éducation d'enfants.
Très honnêtement, j'ai du mal à comprendre qu'on me juge ainsi sur ma foi. Je trouve cela très intime, et par respect envers les croyants je ne veux pas me convertir si je ne crois pas en Dieu. Ce serait terrible de faire cela. Même si je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait. Il est possible qu'un jour à 60 ans je croie en Dieu. Qui sait?
Ensuite je ne comprends pas en quoi nous, athées, n'aurions pas de grandes valeurs de vie.
Enfin, et encore une fois, je trouve que la foi est très personnelle. Je ne vois donc pas pourquoi un enfant serait plus orienté par une vision d'un de ses deux parents.
Je ne sais pas comment le faire évoluer sur ses préjugés et j'ai peur de me mentir à moi-même en me faisant croire que je veux me convertir.
Lucile
Chère Lucile,
Je ne conseillerai jamais à une femme de se convertir pour garder un homme. Vous avez votre propre système de valeurs et vous êtes athée. C'est ce que vous êtes, comme lui est croyant. Il est question ici de tolérance et de jugement. En effet, il pense qu'il lui est impossible d'avoir des enfants avec vous, de construire une famille, puisque ce que vous êtes serait source de confusion. Si on suit sa logique, vous devriez donc vous convertir.
Je ne pense pas une seconde qu'il soit plus facile pour un athée de devenir croyant que le contraire. Par contre il est facile de mentir sur sa foi ou son absence de foi, comme il a cela a longtemps été fait par certains couples qui désiraient se marier à l'église malgré un défaut de foi. Et il est plutôt facile aussi de se faire embrigader dans une pratique de la religion, qui compenserait aussi une réelle foi. Ce que vous demande cet homme en évoquant la conversion, c'est tout simplement de mentir sur ce que vous êtes, auprès de ses instances religieuses quelles qu'elles soient mais également au quotidien en ayant des pratiques qui, pour l'instant n'ont aucun sens pour vous. Il semble estimer aussi que vous finirez par croire puisque ce serait la voie juste. Attention avec ces idées.
Vous ne semblez pas juger ni sa foi ni sa pratique et faire preuve de tolérance. Cette tolérance, on vous la doit en retour. Vous n'avez en effet pas moins de valeurs parce que vous êtes athée. Vous avez votre propre manière de voir les choses.
Mes enfants ont deux parents qui ont des positions très différents sur la religion. Et j'ai le souvenir que c'était aussi le cas dans les couples de mes parents et de mes grands-parents. Il me semble que cela n'ait pas forcément donné des enfants particulièrement perturbés. En fait, cela m'a appris que la religion était une chose personnelle et que chacun et chacune a le droit à ses propres croyances, ou non croyance. Cette différence d'opinions m'a appris la tolérance et je veux croire que c'est une valeur que j'ai transmise à mes enfants en ne leur cachant jamais que leur père et moi n'étions pas d'accord sur la question de la religion. C'est, dans un sens, une invitation à se faire sa propre opinion. La seule règle que nous nous sommes fixée, et c'est une règle de bon sens, est de ne pas dénigrer l'autre ni ses idées ou sa foi.
Je ne pense pas que c'est parce qu'il est croyant qu'un enfant abandonnera ou pas ses parents quand ils seront âgés. La religion inculque en effet des valeurs mais celles-ci ne sont pas obligatoirement attachées à la religion. Le respect, l'amour, la tolérance (on y revient), l'honnêteté et le sens des responsabilités sont des valeurs que chacun et chacune devraient accepter et pratiquer sans avoir l'excuse d'un dieu. On devrait en faire son quotidien sans la carotte d'un paradis ou le bâton d'une punition infernale à l'issue.
Avec tout le respect que je dois à votre amoureux, en vous acculant à ce point, en vous obligeant à revoir vos valeurs pour les conformer aux siennes et en vous obligeant à mentir, il ne fait pas ici preuve de beaucoup de ces grandes idées religieuses. J'espère de tout coeur qu'il reverra sa position. Mais vous, ne faiblissez pas. Vous pouvez être fière de ce que vous êtes, ne portez pas une étiquette qui n'est pas la vôtre pour faire plaisir à l'autre. Ce que vous êtes est déjà très bien comme ça et il devrait le voir s'il a des sentiments pour vous.
«C'est compliqué», c'est aussi un podcast. Retrouvez tous les épisodes: