Boire & manger / Société

Les rayons produits du monde sont-ils racistes?

Un chef américain estime qu'il serait temps de mettre fin aux allées dédiées à la nourriture exotique dans les supermarchés.

David Chang consière ces allées comme le <em>«dernier bastion du racisme visible en plein jour dans le commerce de détail américain.» </em>| Benjamin Sow <a href="https://unsplash.com/photos/BbkBtnKspCY">via Unsplash</a>
David Chang consière ces allées comme le «dernier bastion du racisme visible en plein jour dans le commerce de détail américain.» | Benjamin Sow via Unsplash

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Washington Post

Si le supermarché n'est généralement considéré que comme l'endroit où l'on fait ses courses, il rappelle à certain⋅es leur statut de personne d'origine étrangère. Les allées consacrées aux produits exotiques et autres aliments du monde les renvoie à leur différence. C'est en tout cas ce que ressent David Chang, le chef à la tête de la chaîne de restaurants Momofuku.

Considérant ces allées comme le «dernier bastion du racisme visible en plein jour dans le commerce de détail américain», il estime qu'elles doivent disparaître. Il rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, les produits italiens étaient marginalisés, au même titre que les aliments chinois, japonais et latinos. Ils sont depuis sortis de leur zone confinée pour rejoindre les rayons classiques des magasins. Les autres produits continuent d'être relégués dans les allées exotiques, alors même que les plats d'origine asiatique ou latino-américaine sont acceptés et consommés par le grand public. D'après Chang, si le problème persiste, c'est que l'on refuse d'en parler.

Omerta sur l'emplacement de la sauce soja

Phil Lempert, fondateur de Supermarketguru.com, un site d'analyse des tendances du commerce de détail alimentaire, ne partage pas son avis. Le fin connaisseur du fonctionnement des supermarchés raconte que les produits internationaux ont commencé à être vendus à partir des années 1950. Des distributeurs indépendants étaient spécialisés dans les produits alimentaires atypiques, d'origine chinoise, juive, italienne ou autre. Ils cherchaient des endroits où écouler leurs aliments et étaient aussi responsables des rayons et de leur réapprovisionnement. À eux d'adapter le contenu des rayons en fonction du public. Par exemple, ils ont rapidement compris que la clientèle blanche était curieuse de découvrir de nouvelles recettes, pour peu que tous les ingrédients pour les préparer se trouvent au même endroit.

Aux yeux de Joseph Perez, vice-président de l'entreprise hispanique Goya Foods, les premières allées consacrées aux aliments étrangers avaient bel et bien des fondements racistes. Au fur et à mesure que des immigrant·es mexicain·es et sud-américain·es s'installaient aux États-Unis, les supermarchés se dotaient de rayons exotiques, que les responsables prennaient grand soin de cantonner au fond de leurs grandes surfaces. Perez l'affirme, «ils ne voulaient pas de clientèle dans leurs magasins, tout du moins pas à côté de la clientèle blanche.»

Peut-être que le nerf de la guerre est ailleurs. «Ces allées n'ont rien à voir avec le racisme», pense Jay Rosengarten, responsable de la chaîne de magasins Food Emporium. «Cela a tout à voir avec la façon dont les gens achètent de la nourriture.» La clientèle est plus susceptible d'acheter des ingrédients d'une même origine lorsqu'ils sont placés à proximité. Cela permet également de vendre les produits à un prix supérieur tout en augmentant le trafic dans ces rayons. Finalement, d'après Perez, les allées exotiques ont surtout contribué à améliorer la visibilité des produits du monde. Une belle victoire pour les tortillas et la sauce Yum Yum.

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