Santé / Sciences

«Je vais souvent voir son profil pour revoir son visage»

[C'est compliqué] Cette semaine, Lucile conseille Nora, une jeune femme heureuse en ménage dont l'ex vient de se manifester via les réseaux sociaux.

<em>«Jamais je ne me remettrais avec mon ex, mais j'ai comme une impression que le livre ne s'est pas encore refermé.»</em> | Jaume Escofet <a href="http://www.flickr.com/photos/jaumescar/20698012123/in/photolist-oHWdP-cvD8-df2Kii-AD4kM-bViwnW-R3nR5Q-HZaAKz-etKWf9-35j18V-FMf5Nm-j93DKZ-bjwatU-4zyxeA-QQjWsG-5MuBGw-QQjWaC-PqbkZG-QVL2np-ufHMyA-PRaBNk-NAtrd2-v22Lzy-pQHrH-7dv2Pj-etGK1Z-Hiyi-etqNfX-eu7LJn-MzoC7Z-MftZDc-KhsAHE-MdSKAb-M3aDFf-M19Nfv-M5fdpo-PmRUgy-LjYDjJ-TxRY8m-TYgKzr-UY4D9m-TrvcDj-Crfkbs-VkkuyT-XdiC55-24RhypD-ZXw4dw-wgG41b-xx1HTZ-PkWa6Z-8GeiJA">via Flickr</a>
«Jamais je ne me remettrais avec mon ex, mais j'ai comme une impression que le livre ne s'est pas encore refermé.» | Jaume Escofet via Flickr

Temps de lecture: 4 minutes

«C'est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c'est par là.

Chère Lucile,

J'ai 26 ans, je suis maman d'un enfant de 18 mois et mariée depuis six ans. Il y a huit ans, j'ai été en couple pendant deux ans avec un garçon que ma famille n'acceptait pas. J'ai aussi beaucoup souffert de cette relation à cause de la distance car mon copain habitait à plusieurs centaines de kilomètres. J'ai été maltraitée durant plusieurs mois par ma famille car je ne voulais pas le quitter. Je vais passer sur les détails qui sont très douloureux pour moi, mais j'en garde encore des blessures aujourd'hui.

Nous étions vraiment amoureux, nous ne voulions pas nous quitter mais, sous la pression de ma famille, à un moment nous avons lâché prise. Nous nous sommes quittés d'un commun accord, sans vraiment d'explication. J'ai tellement souffert de cette séparation mais je me suis dit que, au fond, c'était sûrement mieux comme ça.

Un an a passé, j'ai rencontré un nouveau copain qui est devenu mon mari. Un homme aimant, attentionné. Nous avons vécu heureux pendant trois ans, même si je ne cache pas que j'avais toujours mon ex-copain en tête.

Après quatre ans, mon passé m'a rattrapée: mon ex a réapparu sur Facebook. J'ai appris par l'une de mes cousines qu'il lui avait écrit sur Messenger en lui demandant de mes nouvelles et en lui disant qu'ils pouvaient bien faire connaissance parce que notre histoire, c'était du passé. Tout ça m'a bouleversée, même si je suis presque sûre qu'il a fait ça pour m'atteindre. Elle a bien sûr refusé et l'a bloqué.

Depuis, j'ai changé de comportement envers mon mari. Je suis devenue plus distante. Quand j'essaye de lui en parler, il se braque et me dit que la solution serait peut-être le divorce. Il pense que je suis encore amoureuse. Même si je le suis, je ne veux pas foutre en l'air ma petite famille. Jamais je ne me remettrais avec mon ex, mais j'ai comme l'impression que le livre ne s'est pas encore refermé. Je voudrais tellement qu'il sorte de mes pensées. Sur Facebook, je vais souvent voir son profil pour revoir son visage. Il me manque tant, mais d'un autre côté j'aime mon mari et mon fils, je tiens à eux, je ne veux pas les perdre.

Aide-moi Lucile, je mets en péril mon mariage. Je veux me sentir mieux et ne pas faire souffrir mon mari et mon garçon. Je veux réussir à laisser cette histoire dans le passé, et ne plus y penser.

Nora

Chère Nora,

Je ne connais que trop bien les histoires anciennes qui hantent bien après qu'elles soient finies. C'est souvent le cas des histoires contrariées, passionnées ou qui se sont terminées prématurément. Restent un goût d'inachevé et la sensation persistante qu'on aurait pu vivre une si belle histoire. Cette idée n'est qu'un fantasme, en fait. Dans lequel on projette nos rêves, nos espoirs et parfois aussi la frustration de ce que l'on vit au présent.

J'ai vécu cette situation. J'étais convaincue que le grand amour de ma jeunesse avait pris fin pour de mauvaises raisons et qu'il nous restait encore tant de belles choses à vivre. J'étais frustrée et absolument persuadée que ce que je vivais n'étais pas à la hauteur de la saveur de ce que j'aurais dû vivre. J'ai recontacté ce vieil amour. J'avais envie et besoin d'un dernier rendez-vous. J'y jouais ma vie sur un seul coup. Frémissante d'angoisse avant qu'il frappe à la porte, je me disais qu'il était possible que notre rencontre soit en fait un moment magique et que je devrais tout quitter pour le retrouver, lui.

Évidemment, et sans surprise, notre tête-à-tête fut un fiasco absolu. Nous avions évolué chacun de notre côté, n'avions pas les mêmes attentes, n'étions même pas compatibles. J'avais projeté sur mes souvenirs une somme de fantasmes et le retour à la réalité a été particulièrement violent.

Même si des sentiments amoureux persistent, ils sont dirigés vers l'homme que vous avez aimé il y a huit ans. Cette personne a changé, vous avez changé. Vous gardez le souvenir d'une relation passionnée et pour laquelle vous avez dû vous battre. Cette passion n'existe plus dans votre quotidien. Cela ne signifie pas que ce que vous vivez n'a aucune valeur. Vous fantasmez sur le fantôme de cette histoire, sur le spectre de cet homme. Parce que c'est confortable. Vos fantasmes n'ont pas autant de défauts que peut en avoir votre compagnon actuel.

Un fantôme n'a pas de problème au travail, ne rentre pas crevé à la maison, n'a pas un enfant qui est parfois fatigué, donc épuisant. Votre fantasme vous sert de soupape. Vous devez en avoir conscience. Vous avez le droit de le chérir. Qu'il fasse office du cocon dans lequel vous vous réfugiez quand vous en avez besoin. Il ne doit pas être plus que ça. Vous devez accepter que ces sentiments, ces pensées qui vous obsèdent, ne sont pas ancrés dans la réalité.

Je ne dis pas que votre quotidien est idéal et qu'il n'y a rien à discuter ou à améliorer pour vous permettre d'être plus heureuse et épanouie. Je pense que vous devez vous demander si vous ne souffrez pas trop de la pression qu'il y a à être une épouse et une mère investie. Vous pouvez essayer de vous montrer proactive pour améliorer votre relation actuelle et votre quotidien. Pour que la frustration ne l'emporte pas et que le fantôme ne gagne pas du terrain.

Si vous vous sentez surchargée et perdue, vous pouvez en parler à un·e assistant·e sociale ou à un·e psychologue ou psychothérapeute. Au sein d'un centre de protection maternelle et infantile (PMI) près de chez vous, vous pourrez rencontrer des spécialistes qui vous aideront à vous orienter vers la bonne personne, en fonction de vos moyens. Il y a des fantômes qu'il est difficile de combattre seule. Pensez à vous, concentrez-vous sur le présent et sur votre bien-être. N'ayez pas peur, jamais, de demander de l'aide comme vous l'avez fait en m'écrivant.

«C'est compliqué», c'est aussi un podcast. Retrouvez tous les épisodes:

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