Culture

L'été, les superyachts piquent ma curiosité

Peu importe si l'on se moque de mon attrait pour ces palaces flottants.

Je me hausse pour deviner de quoi l'intérieur est fait, le grand espace, la beauté du teck, et je lâche un «beurk» en cas –fréquent– de faute de goût.<em> </em>| larsen9236 <a href="https://pixabay.com/fr/photos/yacht-superyacht-super-yacht-bateau-782488/">via Pixabay</a>
Je me hausse pour deviner de quoi l'intérieur est fait, le grand espace, la beauté du teck, et je lâche un «beurk» en cas –fréquent– de faute de goût. | larsen9236 via Pixabay

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J'aime les bateaux. Enfant sur le sable, je rêvais d'un 5O5 (Cinq-O-cinq, le O est une lettre), le dériveur de classe internationale (International 505 Class) qui écrasait ses rivaux, les nouveaux 420 et, bien entendu, les lourds Vaurien, par la taille et la vitesse. Tous les étés, périodes de farniente, j'ai plongé mes yeux dans les magazines pour admirer les Ferrari des 24 Heures, les montres suisses, les vélos de course, les plus belles villas de la côte et les yachts. Aujourd'hui, j'en suis à la quintessence finale de toute une vie, je bave sur les superyachts. Pas ceux sur lesquels on reste, n'est-ce pas, les un·es sur les autres. Non, les plus de 24 mètres: les superyachts.

Ces bateaux de luxe ont remplacé les châteaux d'antan. | larsen9236 via Pixabay

Du 5O5, cinq mètres et cinq centimètres, je suis passé au TIS, construit et lancé cette année. Un bateau de 111 mètres dont la vitesse monte jusqu'à 18 nœuds et dont le tea-room s'inspire de la décoration d'intérieur de chez Ladurée. La préciosité se mêle à la piscine-bain à remous de 12 mètres et la piste semble prête pour un touch-down d'hélicoptère. Le vaisseau est en location. Je n'ai pas le prix exact –je sais en revanche qu'il vous faudra économiser autour d'un million de dollars si vous voulez naviguer une semaine à son bord.

Le TIS est décrit par son armateur, les chantiers allemands Lürssen, en ces mots si simples: «L'élégance de style, l'abondance d'espaces de loisirs, la jalousie unique de ses cabines font du TIS un yacht parfait pour des “discerning clients”.» Je garde l'anglais pour «discerning clients» car l'expression fait raplapla en français tandis que dans la langue de Shakespeare elle sublime la marche la plus haute de la perspicacité humaine.

Les pontons de la Côte d'Azur

Le journalisme ne rapportant pas de «supersalaires», j'avoue faire les pontons. Tous les ports sont intéressants. Les plus instructifs se trouvent en Méditerranée: Monaco ou Saint-Tropez, en tout premier. Je fais fi des gens qui se moquent de l'habitude ridicule qui consiste à me joindre à la foule des badaud·es pour venir lorgner les super-riches sirotant du champagne sur leur plage arrière. Je mesure en expert la longueur des coques, je m'amuse à repérer le propriétaire du petit 35 mètres qui ne cesse de jeter des coups d'œil jaloux sur le gros 60 mètres posé tout contre, je me hausse pour deviner de quoi l'intérieur est fait, le grand espace, la beauté du teck, et je lâche un «beurk» en cas –fréquent– de faute de goût.

Il y a bien sûr deux catégories très distinctes qui séparent ce monde en deux: la noblesse et la bourgeoisie. Traditionnellement, le yachting concerne les bateaux à voile. Qu'y a-t-il de plus racé qu'un Pink Gin, sloop en carbone de 53 mètres, vainqueur des World Superyachts Awards 2018 qui se sont tenus à Florence (Italie) en décembre?

Nager autour de ces fusées entoilées n'est pas mal non plus, comme cet été en Corse pour narguer Atmosphère, un superbe voilier de 53 mètres. Au ras de l'eau on ne voit pas grand-chose, sauf le nom sur la poupe qui servira aux personnes curieuses à consulter le site. On y trouve tout, localisation, caractéristiques, photos et nom du propriétaire. Pour qui a envie de suivre le trafic des navires en temps quasi-réel une autre adresse est prévue à cet effet.

 

 

Cette carte permet de savoir quels bateaux se dirigent vers votre baie pour, au dîner, faire le malin en annonçant l'arrivée le lendemain de Victoria A ou d'Allegra.

Des châteaux aux palaces flottant

Au début de l'ère industrielle, les personnes enrichies se construisaient des châteaux. Elles remontaient les vieux murs des ducs sans l'sou ou en créaient des nouveaux, style Renaissance, Mansart ou moderne. Cet argent a permis, en général,  un embellissement de nos bois et de nos campagnes. Il a fait travailler tout un ensemble de métiers d'art, de l'ébénisterie à la ferronnerie en passant par la sculpture, etc.

Les super-riches d'aujourd'hui achètent des appartements en ville et construisent quelques villas. Les ultra-riches lancent des yachts de plus en plus longs, de plus en plus coûteux. La course au luxe s'emballe, les prix avec. Le mètre de luxe revenait à un million de dollars il y a trente ans, il coûte aujourdhui le double, 2 millions de dollars. Icon 280, 84 mètres, est attendu en 2020. Son prix:143 millions de dollars. Le nombre de milliardaires a doublé ces dix dernières années. Les chantiers navals allemand, italien et suédois, font des affaires florissantes. La clientèle chinoise arrive sur ce marché. 

On peut regretter le basculement de la terre du château à la mer du vaisseau: les bâteaux vieillissent vite, se démodent (ils changent de main tous les cinq ans) et les intérieurs ostentatoires affichent plus le fric que la beauté. C'est l'époque, qui est aussi à la transparence: naguère la richesse se cachait à l'ombre de longues allées d'arbres; dorénavant elle se montre tous les soirs le long des pontons. 

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