Société / Monde

Cinq ans après la mort de Michael Brown, le racisme persiste sur les routes de Ferguson

Arrestations arbitraires et discriminatoires, amendes, contraventions... Dans la ville qui a vu naître le mouvement Black Lives Matter, rien n'a vraiment changé.

En 2015, dans les rues de Ferguson, un an après l'affaire Michael Brown. | Scott Olson / AFP
En 2015, dans les rues de Ferguson, un an après l'affaire Michael Brown. | Scott Olson / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur New York Times

Éviter les routes principales. Se tenir le dos bien droit. Ne plus conduire du tout. Voilà le quotidien des conducteurs et conductrices noires à Ferguson. Cette même ville où en août 2014, Michael Brown, un afro-américain de 18 ans, était abattu en pleine rue par un officier de police.

À l'époque, toute l'Amérique avait vu naître un mouvement de contestation d'une ampleur jamais atteinte depuis Rodney King en 1991.  Mais qu'en est-il de la ville d'où est partie l'étincelle, il y a exactement cinq ans? Il semblerait que sous la surface, la situation reste la même.

En 2014, Ferguson constituait l'exemple de ces villes américaines façonnées par des années de redlining —écartant les populations noires de l'accession à la propriété– et de white flight. En 1990, la population était à 74% blanche et à 25% noire. En 2010, elle est à 67% noire, à 29% blanche. 

La ségrégation tacite y faisait office de loi: verbalisation à outrance de la population noire via des arrestations ciblées en voiture et dans la rue, opacité des tribunaux locaux. En 2013, 86% des véhicules immobilisés étaient ceux d'afro-américain·es. Si la ville était noire, le pouvoir restait blanc, avec une police à 94% blanche.

Après l'affaire Michael Brown, pourtant, les forces de l'ordre voient leurs rangs se diversifier. Et passe de quatre membres noir·es à vingt-et-un, représentant la moitié des effectifs. Un afro-américain est nommé chef de la police.

Cependant, sur le plan des arrestations, la situation empire. Aujourd'hui, par rapport à 2013, la population noire a 5% de risques en plus de se faire arrêter en voiture; pour la population blanche, c'est 11% de moins.

Une source de revenus pour la ville

Un journaliste du New York Times a assisté à des convocations au tribunal de police de la ville liées à des infractions routières. Ce jour-là, raconte-t-il, presque toutes les personnes qui comparaissaient étaient noires. Au tribunal, il rencontre De'Shaun Bunch, qui conduit une Lexus LS 400. 

«Je suis noir et je conduis une belle voiture», confie-t-il au journaliste. Deux caractéristiques qui font de lui une cible privilégiée. Quand on lui parle des répercussions de 2014: «C'est pareil. Ils le faisaient avant, ils le font encore maintenant. Ça n'a pas changé depuis que Mike Brown est mort.»

Selon un éditorialiste du New York Times, cette persistance au racisme pourrait s'envisager autrement. «Si vous voulez comprendre les disparités de pouvoir raciales observées à Ferguson, comprenez qu'il ne s'agit pas que de noir et blanc, mais de vert», en référence à la couleur verte du dollar. Car la grande partie des revenus municipaux sont constitués de l'argent issu des contraventions. 

Ainsi, quand en 2015, une loi avait limité l'apport des revenus des infractions routières à 20%, le nombre d'amendes avait diminué de 18% et les revenus engendrés par ces amendes de 45%. Que dire dès lors de l'augmentation constatée du nombre d'arrestations racisées? Sans doute le signe que ces mesures ne sont pas suffisantes.

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