Politique / Monde

Chine et Russie, la démocratie se réveille

Les mouvements contestataires ont pris dans ces deux pays une ampleur inédite.

Grève générale à Mong Kok (Hong Kong) le 5 août 2019 alors que la ville est paralysée, que les transports en commun ne fonctionnent pas et que des barricades se construisent. | Isaac Lawrence / AFP - L'une des mille personnes arrêtées le 3 juillet 2019 à Moscou lors des manifestations pour demander des élections libres. | Alexander Nemenov / AFP
Grève générale à Mong Kok (Hong Kong) le 5 août 2019 alors que la ville est paralysée, que les transports en commun ne fonctionnent pas et que des barricades se construisent. | Isaac Lawrence / AFP - L'une des mille personnes arrêtées le 3 juillet 2019 à Moscou lors des manifestations pour demander des élections libres. | Alexander Nemenov / AFP

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Que les critiques de la démocratie lisent les journaux de l'été. La vieille forme athénienne d'organisation des cités était dite moribonde, dépassée, trop lente, impuissante à la fois devant les muscles des «régimes forts» et devant les «urgences» auxquelles la planète est confrontée, comme l'écologie. Le besoin de radicalisme dur souffle fort contre le principe du consensus mou de la démocratie. Eh bien, la «vieille» démocratie est en train de montrer qu'il faut compter avec elle et qu'elle demeure un système désiré.

Le pouvoir de Pékin n'arrive pas à faire cesser les manifestations à Hong Kong, le pouvoir de Moscou doit embastiller des centaines de protestataires sans parvenir à tuer les revendications d'élections libres.

 

 

Xi Jinping et Vladimir Poutine sont confrontés au même engrenage terrible: utiliser une répression de plus en plus forte est une pente dangereuse parce qu'elle pousse de nouvelles personnes à manifester dans les rues. Jusqu'à quand? Comment rétablir cette peur parmi le peuple qui fait tenir les régimes forts? Est-il possible de mettre en prison tous les opposants, comme essaie Poutine? Faut-il envoyer l'Armée rouge contre les barricades, comme y songe Xi?

Sauver ce qu'il reste de démocratie

À Moscou et à Hong Kong, il s'agit des élections locales. La population qui manifeste réclame le droit de présenter des listes d'opposition. La démocratie est étouffée en Russie par un verrouillage efficace. Vladimir Poutine est sans discontinuer au Kremlin, soit président, soit Premier ministre, depuis vingt ans. Elle est inexistante en Chine. Hong Kong conserve un statut particulier et après être descendu·es dans la rue contre une loi permettant l'extradition en Chine, les Hongkongais·e demandent la survie d'un bout de démocratie locale. Les deux régimes savent bien que s'ils accordent un doigt, le peuple voudra le poignet puis le bras puis tout.

Les personnes qui manifestent sont loin de leur but. Les États en face d'eux détiennent toutes les armes, policières, juridiques et désormais numériques. La reconnaissance faciale, généralisée en Chine, permet de connaître les moindres déplacements et de repérer toutes les amitiés. Pourtant, les mouvements, en Russie comme dans l'ancienne colonie britannique ont pris une ampleur inédite, les gens bravent le danger.

Systèmes à bout de souffle

Les tensions sont des menaces pour les deux régimes qui sont tous deux à des moments difficiles. En Russie, le système Poutine est à bout de souffle. La hausse de la TVA de 2 points en janvier va provoquer une sixième année consécutive de baisse du pouvoir d'achat. L'inflation reste au-dessus de 4%, ce qui fait mal à commencer par les 13% de Russes qui vivent sous le seuil de la pauvreté. La croissance, en moyenne de 0,5% l'an de 2014 à 2018, se reprend un peu mais ne dépasse pas 1,2%. Le président n'arrive à mettre en route les projets de relance qu'il décide.

Les sanctions infligées par l'Ouest après l'annexion de la Crimée en 2014 sont en partie responsables. Les investisseurs hésitent, l'argent russe préfère aller ailleurs (317 milliards de dollars de fuite des capitaux depuis 2014). La sorte de reprise en main de l'économie privée par Poutine en 2015 ne rassure pas. Vladislav Inosemtzev, fondateur du Centre de recherches post-industrielles de Moscou, explique la cause profonde de cette stagnation économique par «l'indifférence de Poutine».

«Il est convaincu que les Russes, dont beaucoup dépendent de l'État pour leur revenu, leur retraite ou leur sécurité sociale, ne se révolteront pas.» Il s'intéresse beaucoup plus à l'appropriation des mannes pétrolières pour payer la paix des fonctionnaires et se lancer dans des aventures militaires. Cela peut encore durer mais le mécontentement peut aussi, sait-on comment, se transformer en «révolte». Poutine est fragile.

Rien de tel encore pour la Chine. Sa croissance est tombée de moitié de 11% à 6%. C'est encore très bon mais c'est aussi le seuil en deçà duquel les spécialistes prédisent un mécontentement. Xi Jinping a pris les rênes en 2012, avec en tête la chute de l'URSS. Il a viré des milliers de dirigeants corrompus et changé de modèle en passant du moteur de l'exportation à celui de la consommation intérieure. Il l'a fait très bien, avec un succès indéniable. Il vise l'étape d'après: dépasser l'Occident sur les high-tech. Ce projet est lui aussi en bonne voie mais il n'est pas atteint.

Rallumer le feu démocratique

Or Xi, comme Poutine avec les sanctions, subit de plein fouet la déclaration de guerre économique de Donald Trump. La Chine est au milieu de la passe. Si le monde est coupé en deux par une nouvelle guerre froide, la Chine ne peut plus imaginer croitre à 6% comme aujourd'hui. Xi est lui aussi fragile. Ce n'est pas le moment de voir monter une contestation à Hong Kong.

Xi et Poutine ne vont pas être «dégagés» demain. Mais la démocratie a allumé des braises qu'il sera impossible d'éteindre. Le régime fort est plus fragile que la vieille démocratie.

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