On se rappelle de L'Auberge Espagnole de Cédric Klapisch comme du film qui nous a fait rêver de colocation. Cette image de la jeunesse issue des quatre coins de l'Europe, entassée dans une petite chambre et heureuse d'être ensemble n'a pourtant pas grand-chose à voir avec les colocations d'aujourd'hui.
Face à la pénurie d'appartements, les excès dans le choix des locataires se multiplient. À Londres, les prix du logement ont triplé entre 2006 et 2016. À Stockholm, pour 12.438 locations libérées en 2017, on recensait 600.000 demandes. À Paris, la barre des 10.000 euros le mètre carré à l'achat est en passe d'être dépassée. Dans ce contexte, les options d'hébergement se raréfient sérieusement.
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Pas de Capricorne
Avec une telle demande, les propriétaires se permettent d'être excessivement regardant·es, non plus seulement sur les revenus, mais aussi sur la personnalité des candidat·es à la location. Ce droit, les locataires établi·es d'une colocation se l'arrogent aussi. Ainsi exigera-t-on d'une candidate qu'elle ne soit pas Capricorne, d'un autre qu'il ne soit pas anthropologue.
No anthropologists. pic.twitter.com/XalI8kCWGz
— Jayne Nelson (@kakapojayne) March 5, 2019
Certaines personnes vont même jusqu'à établir des règlements plus stricts qu'un pensionnat: douches de moins de quinze minutes, deux visites par mois autorisées avec accord préalable du colocataire et amende de 15 livres sterling (environ 17 euros) pour toute vaisselle non lavée.
On n'invente rien: ces règles figurent dans la liste qu'a reçue Laura Evelyn, une actrice anglaise, pour une colocation à Londres. Le plus troublant n'est pas tant la rigueur fantaisiste du règlement que le fait qu'elle a hésité à accepter la proposition du propriétaire.
Need a room to rent? I was given this upon a recent viewing. This is not a joke! #heseemedsonormal pic.twitter.com/bOIl5J8h
— LAURA EVELYN (@lauraevelyn1) 9 janvier 2013
«En tant que locataire sans aucune possibilité d'acheter, le marché de l'immobilier me tenait par les couilles.» Cette phrase de la comédienne, interviewée par le Guardian au sujet de ce fameux règlement, est la réalité d'une foule de locataires à qui il ne reste parfois qu'une solution: retourner vivre chez leurs parents –comme l'avaient déjà fait 3,4 millions de jeunes Britanniques en 2017.
«Ces annonces exigeantes attestent que le pouvoir, comme la richesse, est concentré entre les mains des propriétaires», souligne une membre du groupe de pression pour les droits des locataires Renters Right London.