Santé / Sciences

«Ma peur de souffrir me bloque»

[C'est compliqué] Cette semaine, Lucile conseille Léa, qui s'apprête à rentrer en France après six mois passés à l'étranger et ne sait pas si elle doit avouer ses sentiments à la femme qu'elle y a rencontrée.

<em>«J'en viens à me demander si je ne devrais pas lui dire au revoir sans même en parler.»</em> | Paul Steptoe Riley <a href="http://www.flickr.com/photos/paulsteptoeriley/15108995688/in/photolist-neZkT4-jhaDZ3-6xt8Px-YhFkR-gbFeN-dzwdRU-nNYicm-6nC8fA-pWahrU-86Jk4v-opcQT8-oQEv9g-6UfFE2-6D1WMw-bdTyUi-9yireu-duZxpK-oNcjYf-eH1qto-uizkNs-nCJzN6-gRu4gq-nYQzYi-p28y2E-vmUdCK-kHhbUP-7ExN9t-34sbqd-atz1tQ-6oSJSJ-omPDtN-93Dcnj-n2NC8j-6PcQ2U-kfrjqK-mVi3UP-kCmfWi-3emaxv-5Jbhab-opvj2F-qFKy1S-2hQFST-6D7WDF-46rdPM-kZ2nRe-nJZ1Ue-j4qxde-j6JaD6-djCsAy-mY1gvD">via Flickr</a>
«J'en viens à me demander si je ne devrais pas lui dire au revoir sans même en parler.» | Paul Steptoe Riley via Flickr

Temps de lecture: 4 minutes

«C'est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c'est par là.

Chère Lucile,

Je m'appelle Léa, j'ai 21 ans et je suis étudiante. Après une rupture difficile et une remise en question très profonde, j'ai décidé de partir six mois étudier à l'étranger. Le but était d'affronter mes peurs mais surtout de me couper des personnes qui m'ont fait souffrir afin de me prouver que je n'avais besoin de personne pour être heureuse.

Or je pense avoir échoué. Cette expérience a été la plus merveilleuse du monde et je conseille à quiconque de se lancer. Sauf que j'ai rencontré quelqu'un. Elle est aussi étudiante.

Elle n'est pas Française, elle est plus âgée que moi, a voyagé plus que moi, vécu plus d'histoires d'amour que moi. La liste des choses qu'elle a fait en plus est très longue. Au départ il s'agissait pour moi d'une simple histoire sexuelle mais cela fait trois mois maintenant et il me semble qu'il ne s'agit pas que de sexe.

J'ai voyagé plusieurs fois avec elle, on passe notre temps ensemble et quand elle n'est pas là, elle me manque. Nous n'avons vraiment pas grand-chose en commun, voire presque rien mais pourtant nous sommes très bien ensemble.

Pour moi, ce sont des signes d'une relation plus profonde qu'une simple relation basée sur le sexe. Mais peut-être pas. Je suis peu expérimentée niveau relation.

Mais voilà, ma période à l'étranger touche à sa fin et la sienne aussi. J'étais bien consciente que nous n'allions pas rester ici pour toujours mais j'avoue avoir écarté l'idée de mon esprit pour vivre pleinement nos moments.

Nous ne parlons pas souvent de ce genre de choses mais je sais qu'elle n'est pas pour une relation à distance. Elle me l'a fait comprendre lorsqu'elle exprimait son incompréhension face à la relation à distance de certains de nos amis. Honnêtement, après ma relation passée, je ne pense pas en avoir envie non plus.

Je ne peux pas dire si je l'aime ou non, ma peur de souffrir me bloque et m'empêche de me laisser aller complètement. Pourtant la simple évocation de son départ me rend très triste, je pleure et n'arrive pas à dormir. Je ne peux pas à imaginer que d'ici peu je ne la verrai plus tous les jours. C'est raté pour n'avoir besoin de personne pour être heureuse.

Je sais que je dois lui parler mais cela m'angoisse terriblement. Tous les scénarios dans ma tête finissent par elle me disant que cela ne comptait pas pour elle, que je n'aurais pas dû m'attacher et qu'il était déraisonnable de penser que cela pouvait être une «vraie» relation du fait de notre situation.

Je ne sais pas quoi faire, j'en viens à me demander si je ne devrais pas lui dire au revoir sans même en parler.

Je rentre en France d'ici quelques semaines, je suis changée par cette expérience, ma confiance en moi s'est développée et, surtout, j'ai vécu des moments extraordinaires. J'ai hâte de partager cela avec ma famille et mes amis et je ne voudrais pas être triste et gâcher mon retour.

Mon histoire est peut-être un peu brouillon mais cela correspond à mon état d'esprit. Aurais-tu des conseils afin de vivre cette situation au mieux?

Léa

Chère Léa,

N'avoir besoin de personne pour être heureuse ne signifie pas se fermer toutes les portes. On ne choisit pas quand l'amour nous tombe dessus en règle générale. On ne choisit pas non plus si ce que l'on va vivre va être une bluette de deux jours ou la grande histoire d'une vie. C'est toute la beauté de la chose. Les sentiments ne sont pas faits pour être pratiques.

Je crois que, malgré la difficulté à accepter que ça ne puisse pas durer, vous devriez embrasser l'idée que c'était une chance de rencontrer cette femme et de vivre ces beaux moments avec elle. Vous devriez la remercier pour ça. Surtout vous ne devriez pas avoir honte des sentiments que vous avez commencé à nourrir.

D'une part parce que vous ignorez si c'est réciproque et d'autre part parce qu'on ne devrait jamais partir en laissant ce genre de chose dans l'ombre. Je cherche dans ma tête une histoire, en roman ou en film, où le silence a donné quelque chose de bon et je ne trouve évidemment aucune occurence. En revanche ceux où un personnage cache ses sentiments et provoque un excès de souffrance sont légions.

Vous ne connaissez pas la suite de l'histoire. Peut-être que cette femme est également bouleversée par cette rencontre et pourrait avoir envie de changer ses règles pour vous. Peut-être que vous pourrez, dans un futur proche, arranger votre vie pour venir la retrouver où qu'elle soit. Vous avez 21 ans, rien n'est écrit.

Surtout vous semblez penser que la vie est soumise à des règles strictes. Que la practicité est une valeur qui doit tout régir. Mais du haut de ma petite expérience, je peux vous dire que c'est faux. Même que c'est au milieu du bordel qu'on construit en général les plus belles choses. Vous êtes capable d'assumer l'aventure. Vous avez eu le courage de partir seule six mois à l'étranger. Vous êtes beaucoup plus forte que vous ne semblez le croire.

Ne partez pas sur un silence. Partagez vos doutes et vos sentiments naissants avec cette femme avec qui vous avez vécu tant de belles choses. Si c'est ici que doit se finir l'histoire, vous aurez le sentiment de lui avoir offert une vraie conclusion. Sinon, ce peut également être le début d'autre chose. N'ayez pas peur de vivre, Léa. Ressentir du bonheur, de la joie mais également de la tristesse et du désespoir, c'est aussi vivre.

«C'est compliqué», c'est aussi un podcast. Retrouvez tous les épisodes:

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