Société

Des vacances réussies ne sont pas des vacances bien remplies

Annulez vos billets d'avion et vos réservations Airbnb pour cet été. Reposez-vous pour de vrai.

Visite du Machu Picchu lundi, avion pour Mendoza mardi, randonnée dans la pampa argentine mercredi, plage à Rio jeudi, tranquille quoi. | Ricardo Gomez Angel via <a href="https://unsplash.com/photos/hlmuzhcpCkY">Unsplash</a>
Visite du Machu Picchu lundi, avion pour Mendoza mardi, randonnée dans la pampa argentine mercredi, plage à Rio jeudi, tranquille quoi. | Ricardo Gomez Angel via Unsplash

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Quartz

«Toute la vie des sociétés modernes s’annonce comme une immense accumulation de spectacles», écrivait Guy Debord en 1967 dans La Société du spectacle. Sans doute avait-il raison car c'est maintenant jusque dans nos vacances que la fièvre de l'«entertainement» s'immisce, annihilant notre créativité et nous gardant éveillé·es dix-huit heures par jour. En vacances, il nous faut prévoir chaque moment pour tout voir et tout faire, au point que nous rentrons souvent plus fatigué·es qu'au départ.

Il est l'heure de ressusciter le dolce farniente, d'annuler tous nos plans et de froisser nos to-do lists. Car s'ennuyer est une bonne chose.

Qui a tué le dolce farniente?

Le dolce farniente, c'est le doux plaisir de ne rien faire. Errer dans les rues, boire des cafés en terrasse, s'allonger dans un parc; ne rien prévoir, s'abandonner à l'indolente oisiveté et à l'ennui; se laisser surprendre par les choses qui arrivent sans les provoquer. Mais si nous partons de plus en plus en vacances, 6% de touristes en plus en 2018 d'après l'Organisation mondiale du tourisme, le dolce farniente a disparu de nos pratiques. Résultat: il est plus commun de partir de l'autre côté de la planète se prendre en photo devant les chutes d'Iguazu que de sommeiller tranquillement au soleil à deux heures de chez soi.

Facebook et Instagram ont largement participé à cette tendance où la photo est devenue une marque personnelle, plus importante que le voyage lui-même. Une étude menée par le site de voyage Expedia a d'ailleurs montré que le critère numéro 1 des millennials pour leurs vacances était le potentiel instagrammable du lieu. Simultanément, le prix des vols en avion a diminué (pas la consommation en kérozène) et l'échange de bons plans de logements, restaurants, activités s'est démocratisé sur Yelp ou TripAdvisor. Airbnb a fini d'enfoncer le clou.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Affronter l'ennui

Pourtant, l'ennui a des vertus insoupçonnées: une étude publiée en mars dernier montre combien il est bénéfique de laisser son esprit divaguer. D'après la psychologue Sandi Mann, autrice de The Upside of Downtime: Why Boredom Is Good (L'importance de ne rien faire: pourquoi il est bon de s'ennuyer) notre cerveau recherche naturellement une stimulation mais s'il ne la trouve pas dans un divertissement ou une activité exigeante intellectuellement, autrement dit s'il s'ennuie sévère, il la créera tout seul. Les recherches de Sandi Mann ainsi que celles d’autres spécialistes en sciences sociales ont démontré que le fait de donner à l’esprit un espace pour errer et rêvasser conduit à l’inspiration et à l’innovation. N'est-ce pas l'ennui le cœur du spleen de Baudelaire, «l'insupportable longueur du temps», l'impression que «la vie a 200 ans», qui donna naissance à l'un des plus grands poètes du XIXe siècle?

Alors ennuyons-nous cet été et n'ayons pas peur de répondre à celui qui nous demandera ce qu'on aura fait pendant les vacances: «RIEN!»

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