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Non, je n’ai pas regardé Game of Thrones, cela vous pose un problème? Et non seulement, je ne l’ai pas regardé mais vu comme c’est parti, le jour où je m’envolerai vers des cieux plus cléments, je resterai ignorant de son univers et de ses intrigues, enfin si intrigue il y a. À part la personne de petite taille avec sa barbe à la noix, une ou deux créatures médiévales aux cheveux longilignes perdues dans la brume, je n’ai pas la moindre idée de quoi peut bien parler cette fichue série.
C’est à se demander comment je m’y suis pris pour être ignorant à ce point tant l’abattage publicitaire autour de sa dernière saison a envahi toutes les sphères du champ sociétal et culturel. Même le journal l’Équipe en a parlé. Comme à peu près tous les journaux de la terre. Des articles par milliers. Des analyses à la pelle. Des commentaires dans tous les sens. Deux, trois fois par jour. Semaine après semaine. Aucun moyen d’y échapper. Même mon chat a dû en entendre parler.
Le monde est devenu fou ou quoi? Aussi brillante que puisse être cette série –ce dont je doute fort, sinon, vous pensez bien, intelligent et profond comme je suis, je l’aurais regardée– rien ne justifie un fracas pareil. Ce n’est qu’une série hein, un bidule imaginé par un simple mortel, scénarisé par quelques cloportes de scénaristes, le tout réalisé par quelques faiseurs d’images juste assez doués pour filmer quelques plans sans s’emmêler les bobines avec. Hormis Twin Peaks, une série demeure une série, c’est-à-dire un aimable divertissement dont il ne faut rien attendre, si ce n’est une agréable vacance de l’esprit, un vague concept avec un début et une fin où l’on s’attache aux personnages avant de les oublier, une fois le dernier épisode achevé.
Rentabilité
Une série ne nourrit pas, elle distrait et c’est déjà beaucoup. Je dois être fou d’écrire un truc pareil, je vais finir sur le bûcher, mais je persiste, une série surtout quand elle s’adresse au plus grand nombre, et parce qu’elle s’adresse au plus grand nombre, reste un concept destiné à engranger le maximum de revenus, en tâchant de créer entre chaque épisode un phénomène de manque assez puissant pour lui permettre de continuer à exister dans l’esprit des gens.
Et c’est très bien ainsi. Comme tout un chacun, j’en regarde. Des tas. De toutes sortes. De genres bien différents. Avec parfois, souvent même, un réel plaisir mais sans jamais les considérer pour autre chose que ce qu’elles ne sont, une fabrique d’épisodes la plupart du temps sans queue ni tête sortis tout droit de l’imaginaire de quelques scénaristes particulièrement roué·es à qui des studios ont passé commande afin de susciter et d’entretenir l’attention du public.
Non, une série, ce n’est jamais du Shakespeare, comme je peux le lire ici et là, à tort et à travers, dans une débauche de superlatifs qui finissent par écœurer. Ce n’est pas non plus de la poésie, ce n’est même pas de l’art, c’est juste un produit, un produit très bien fait, très bien interprété, très bien réalisé mais un produit tout de même, c’est-à-dire une œuvre commerciale dont le but n’est pas de dire le monde mais de nous divertir assez pour l’oublier, ce monde.
Ce ne sont pas les séries que je me permets de critiquer, c’est tout le barnum qu’elle peuvent parfois susciter. Comme si on était confronté à une œuvre d’une puissance telle que la face du monde en serait changée. Une sorte de déréliction collective où l’on débattrait de métaphysique pendant deux coupures de pub. Où l’on se lancerait dans des théories foireuses dignes d’une cour de récréation à l’heure de prendre des selfies. Une série n’est pas sérieuse, c’est juste du plaisir, encore du plaisir, toujours du plaisir, que voulez-vous de plus? Si je veux saisir l’essence du monde, en fixer ses vertiges, me confronter à lui, je vais interroger Van Gogh, Dostoïevski, Mahler –à la rigueur Dale Cooper– pas Jack Bauer, Dexter ou Ray Donovan.
Sur ce je vous laisse, la fin de The Americans, série absolument parfaite, m'attend de pied ferme.
J'arrive!