Boire & manger

Où manger des sushis trois étoiles à Paris?

Une sélection de tables de qualité pour se régaler de mets iodés.

Sushi yellowtail mariné au safran et arlequin de fleurs, Mauro Colagreco Limited Edition | Via Sushi Shop
Sushi yellowtail mariné au safran et arlequin de fleurs, Mauro Colagreco Limited Edition | Via Sushi Shop

Temps de lecture: 9 minutes

La France est la championne d’Europe de la consommation de sushis, sashimis et makis. À côté des restaurants japonais spécialisés dans la confection manuelle de ces bouchées de riz et de poissons crus, la vente des sushis se développe dans les grandes surfaces sous forme de barquettes, ainsi que dans les boutiquées vouées à l’artisanat de ces quenelles vinaigrées, moulées dans la paume de la main. Il y a un érotisme des sushis en bouche.

Les sushis de poissons et crustacés sont les mets les plus appréciés au Japon. «Ils constituent le summum de l’art culinaire nippon. D’une grande beauté, ces petites merveilles de fraîcheur présentent en outre l’avantage d’être peu caloriques, riches en vitamines, excellentes pour la santé», écrit Masami Okamoto, un sushi chef né sur l’île japonaise d’Hokkaido, qui a exercé son métier en France, en Allemagne et au Japon.

Le Japon est le pays du monde où l’on consomme le plus de poisson par habitant. Ce sont en effet quelque 2.275 tonnes de poissons et de fruits de mer qui sont vendus chaque jour sur le marché de Toyosu à Tokyo, le plus grand marché de la mer au monde.

Étals fabuleux

Que trouve-t-on sur ces étals fabuleux? Des seiches, des saumons, des maquereaux, des crabes, des homards et des thons (maguro), le poisson préféré des Japonais·es. Il est inconcevable de prévoir un repas de sushis sans maguro sushi.

Avec la forte américanisation que le pays a subi après la Seconde Guerre mondiale, la consommation de bœuf a certes augmenté, mais sans parvenir à détrôner les sushis otoro et chutoro, ces morceaux de chair rouge veinée de gras qui proviennent du ventre des thons, le meilleur du poisson. Sur le marché de poissons à Tokyo, un kilo de ce mets de choix coûte au moins 10.000 yens, soit 80 euros.

Hélas, le thon est une espèce en danger dont la population a diminué de 90% ces dernières années. En France, il y a peu, la pêche au thon rouge a été réglementée: elle est redevenue libre, surtout en Méditerranée, là où se fournissent les restaurants de Marseille, dont celui de Gérard Passédat, chef trois étoiles du Petit Nice sur la corniche, face à la mer, inventeur du loup aux truffes Lucie Passédat.

Le riz est l’élément spécifique du sushi. Les maîtres des sushis passent des années à se familiariser avec la cuisson du riz –tout un art. Par exemple, il faut apprendre à estimer le degré de sécheresse des grains afin de déterminer la quantité d’eau nécessaire pour la cuisson al dente. Le riz doit être assez cuit pour que les grains s’agglomèrent, mais suffisamment aérés pour ne pas s’effondrer à la moindre pression des doigts ou des baguettes.

Emanuele Bombardier, au sommet de l’art du sushi

Quadra longiligne, Emanuele Bombardier, meilleur sushi chef de France 2019, est au sommet de l’art du sushi. Il officie comme chef adjoint de Nobu Matsuhisa, maître nippon, et du chef Hideki Endo au Royal Monceau, ce grand hôtel proche de l’Étoile qui a engagé ces princes de la cuisine japonaise et péruvienne (ceviche de poisson et de légumes) dans la grande salle du restaurant très animé –jusqu’à 200 couverts le soir.

Emanuele Bombardier | Zoé Fidji

En fait, le cuisinier français étoilé a été congédié et remplacé en 2010 par ces magiciens des sushis, sashimis, tartares, makis, tempuras. La formidable déferlante des plats nippons chauds et froids se lit dans ce temple des baguettes, très bruyant le soir.

Tous les restaurants du quartier, même les étoilés, subissent la concurrence du phénomène Nobu, un must remarquable pour les personnes avides d’émotions gourmandes et exotiques –c’est à la fois avantageux et cher, très cher.

Il faut dire que la carte de Matsuhisa, d’une étonnante richesse, va bien au-delà des sushis basiques de thon (9 euros), d’otoro (15 euros), de sériole (7 euros), de saumon (7 euros), d’oursin (18 euros), de dorade noire (10 euros), de bar (8 euros) et de carabineros, ces grosses crevettes (30 euros les deux). De même pour les six pièces de makis de thon épicé (14 euros), d’anguille (12 euros), de tempura de crevettes (14 euros).

Au restaurant Matsuhisa du Royal Monceau, king crab tempura sauce ponzu | Zoé Fidji

Il faut louer la créativité de Nobu et de ses adjoints: le nigiri de wagyu à la truffe (80 euros les cinq pièces), le crabe royal poché, sauce piquillo shiso (87 euros), les sashimis de Saint-Jacques à la truffe sauce goma (87 euros) et le sushi d’oursin aux algues, rarissime (18 euros).

Le génial Nobu fait voisiner les Saint-Jacques et le foie gras sauce roquefort et oignon (37 euros), le poulpe et le maki d’avocat et épinards à la vinaigrette (35 euros).


Au restaurant Matsuhisa du Royal Monceau, tobanyaki de bœuf | Zoé Fidji

Fantastique choix de salades, de tataki de saumon (22 euros), de sashimi de thon vinaigrette (22 euros), de homard au citron épicé (45 euros). Et que dire des tempuras de crevettes sauce crémeuse épicée (29 euros), de bar chilien sauce yukari (54 euros), de homard sauce épicée (60 euros)? Un choix sidérant d’inventivité.

Au restaurant Matsuhisa du Royal Monceau, praliné yuzu | Zoé Fidji

Voilà un voyage d’une folle générosité au pays des nourritures françaises (carpaccio de veau), japonaises (tataki de toro sauce miso), péruviennes (ceviche de homard et quinoa), qui explique le succès constant de cette ambassade de l’exotisme culinaire bien senti. Le Michelin devrait étoiler ce magistral savoir-faire et le talent des chefs nippons.

> 37, avenue Hoche 75008 Paris. Tél.: 01 42 99 98 80. Menu au déjeuner à 45 et 130 euros (Omakase). Menus Endo du soir à 250 euros. Carte de 60 à 220 euros. Fermé samedi et dimanche midi.

Chez Dassaï, les sushis version Joël Robuchon

Quelques semaines avant son brutal décès en août 2018, le grand chef français aux multiples étoiles partout sur la planète avait ouvert en personne ce restaurant lumineux tout près de l’Étoile, où se conjuguent des spécialités françaises du poitevin (tartare de bœuf exquis) et des assiettes nippones mitonnées par deux sushis chefs venus du Japon –le tout supervisé par Fabien François, ex-bras droit de Joël Robuchon. Dassaï est une marque très connue de sakés.

Au restaurant Dassaï, assortiment de nigiri et california rolls | Marion Willis

Ainsi voisinent à la carte et au menu un assortiment de sushis de thon (6 euros), de saumon (5 euros), de wagyu (14 euros), de caviar mariné au saké (22 euros), de makis (18 euros les six pièces, dont le tartare de toro gras), d’avocat au sésame, de sashimis de daurade, de sériole, de toro et dix-huit pièces de sushis au riz Koshihikari, le meilleur, pour toute une table (59 euros).

Au restaurant Dassaï, sashimi de yellowtail, piment rouge, coriandre | Marion Willis

Parmi les plats japonais, le carpaccio de saumon au yuzu et caviar (39 euros), le king crab à l’avocat, pomelo (28 euros), le sashimi yellowtail au piment rouge (22 euros), le black cod mariné, grand plat (40 euros) et le bouillon de nouilles ramen à la volaille, œuf et gingembre (26 euros).

Au dessert, la crème yuzu à la fraise, glace vanille (15 euros) et le soufflé délicat à l’orange (16 euros). On boit du saké, pétillant ou non (15 euros le verre).

> 184 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris. Tél.: 01 76 74 74 70. Menu au déjeuner à 49 euros. Carte de 55 à 110 euros. Salon de thé, boulangerie-pâtisserie au rez-de-chaussée. Sushis et makis à emporter (la barquette, 13 euros). Fermé samedi et dimanche.

 

AO Izakaya, l'excellence de Yasuo Nanaumi

Ce chef japonais est le doyen des cuisiniers nippons à Paris –un demi-siècle de métier et une culture gastronomique française à signaler.

Chez AO Izakaya, filet de bœuf mi cuit, sauce aigre-douce vinaigrée | AO Izakaya

En 2017, Yasuo a édifié tout près des coulisses de l’Olympia un bistrot à la japonaise, où il moule de remarquables sushis très classiques (32 euros les huit pièces) ainsi que des sashimis, des makis et une soupe miso idéale pour ouvrir l’appétit.

Le cadre est modeste, parquet et tables en bois, et le rez-de-chaussée donnant sur la rue est pris d’assaut dès midi; le soir à 20 heures, c’est même la ruée!

Chez AO Izakaya, shake Yaki, saumon grillé, crème de fromage, oignon grillé et sauce teriyaki | AO Izakaya

Nostalgique de la haute cuisine française apprise chez Roger Vergé à Mougins, le japonais élabore une salade de bœuf à la vinaigrette de sésame (15 euros), une rare escalope de foie gras à la plancha sur un riz de sushi, sauce teriyaki (18 euros) et une tempura de gambas aux asperges, mayonnaise épicée (19 euros).

Chez AO Izakaya, sushis et thon maguro mi cuit, sauce oignons vinaigrés | AO Izakaya

Et il songe à une blanquette de veau fondante qu’il rumine dans sa tête, car ce francophile veut sortir de l’astreinte quotidienne des sushis à livrer sans relâche –une gâterie salée dont les Français·es se nourrissent comme autrefois du steak frites. Une adresse à noter.

> 12, rue de Caumartin 75009 Paris. Tél.: 01 42 65 31 53. Menus au déjeuner à 28 euros et 32 euros pour le bento box, 50 à 70 euros le soir. Pas de fermeture.

L’Abysse, sur les terres de Yannick Alléno

Le parisien Yannick Alléno a transformé le bar lumineux de son grand trois étoiles des Champs-Élysées en un comptoir à sushis et menus Omakaze composés selon la créativité du grand maître Yasunari Okazaki, 40 ans, que le créateur de la poularde en quatre services est allé chercher au Japon.

Le valeureux chef français quinquagénaire à la vaste culture culinaire –ce qui plaît au Michelin– a découvert le Japon à l’âge de 20 ans, lors d’un long périple à Tokyo, Sapporo et Kyoto, d’où des souvenirs marquants d’algues, de poissons séchés seize heures, de crabes mous hallucinants de goûts.

De ce dépaysement peu ordinaire est née la passion du grand chef pour les secrets de la cuisine nippone révélés par la grande gastronome Kazuko Masui, avec laquelle il a écrit un livre sur la noble table étoilée du Meurice.

Grâce à cette amie très chère, le chef français a connu le grand maître trois étoiles Hachiro Mizutani –une rencontre décisive, il a moulé des sushis pendant un quart de siècle!

Trente voyages au pays du saké –pas moins– ont suivi, et la création en 2018 de ce comptoir de sept mètres en bois clair d’où les fanatiques de sushis et sashimis peuvent observer le travail des mains de l’artisan du sushi et la quête de la cinquième saveur, l’umami.

La qualité du riz japonais vinaigré (80% du sushi) est l’obsession du chef Okazaki, comme le sont également son lavage, sa cuisson et son assaisonnement. Le sushi doit fondre dans la bouche et rester compact entre les doigts ou les baguettes. On ne tombe jamais deux fois sur le même sushi.

Au restaurant l’Abysse, chirashi de poissons nobles aux condiments | Nicolas Lobbestael

Au déjeuner, pas moins de quatorze sushis différents: au thon rouge (10 euros), au bar ikejime saigné (14 euros), à l’oursin (20 euros), au thon gras (24 euros), au wagyu (32 euros) et les sashimis (24 euros). Okazaki est le seul chef du comptoir qui les dresse et vous les tend avec civilité.

Suivent des huîtres de belon, crème de syari, délicate gelée au saké, le chirashi, un bol de poissons nobles et de riz qui comble l’appétit. Au second service, le bouillon minéralisé pour d’autres goûts liquides.

Au restaurant l’Abysse, homard à la vanille, nage prise au sésame | Nicolas Lobbestael

Le soir, deux festins nippons. D'abord le menu rencontre, composé de six plats, dont la collection de sushis nigiri, le homard à la vanille nage au sésame, la soupe claire de cèpes et miso et la sélection d’amamis (desserts) salés et sucrés. Vins et sakés à 80 euros.

Au restaurant l’Abysse, sashimis | Nicolas Lobbestael

Le si fameux omakase est un dîner d’exception élaboré selon l’humeur du chef, un événement nippon dans une vie de bon·ne vivant·e: neuf assiettes jamais savourées à Paris, dont des sashimis, des sushis nigiri, le homard à la vanille, la soupe miso et le dessert de l’excellent Aurélien Rivoire, d’une incroyable inventivité (280 euros, plus 160 euros avec une découverte de vins et sakés).

Au restaurant l’Abysse, tofu d’artichaut et œufs de brochet fumés | Nicolas Lobbestael

L’Abysse a obtenu sa première étoile en 2019: le Michelin a vu juste en saluant ce moment fort (deux heures) de splendide expérience japonaise au plus haut niveau. Chapeau M. Alleno!

> 8, avenue Dutuit (Carré des Champs-Élysées). Tél.: 01 53 05 10 00. Déjeuner très recommandé à 98 euros. Fermé samedi et dimanche.

 

Tables japonaises sélectionnées par le Michelin

Jin. Les sushis et sashimis délicieux du chef Takuya Watanabe sont composés devant vous sur un beau comptoir en noyer, un récital quasi parfait. Il est employé par l’Ambassade du Japon à Paris pour des repas hors pair.

> 6, rue de la Sourdière 75001 Paris. Tél.: 01 42 61 60 71. Menu au déjeuner à 95 euros. Carte de 145 à 190 euros. Fermé dimanche et lundi.


Aida. Neuf places seulement sur le plan de service de Koji Aida, artiste des découpes et assaisonnements pour sushis, crustacés et sashimis rarement savourés à Paris.

> 1, rue Pierre Leroux 75007 Paris. Tél: 01 43 06 14 18. Dîners seulement, très chers, menu à 280 euros. Fermé le lundi.

 

Okuda. Une vingtaine de couverts, des hôtesses en kimono et les plats kaiseki du chef nippon, ex-trois étoiles à Tokyo. Une parenthèse inoubliable.

> 7, rue de la Trémoille 75008 Paris. Tél.: 01 40 70 19 19. Menu à 85 euros au déjeuner, 200 euros au dîner. Fermé lundi et mardi midi.


EnYaa. Presqu’en face du Grand Véfour, une table confidentielle de cuisine traditionnelle épurée. Prix raisonnables, repas au comptoir et dans la salle à manger.

> 37, rue de Montpensier 75001 Paris. Tél.: 01 40 26 78 25. Menu au déjeuner à 29 euros. Carte de 35 à 70 euros. Sakés et champagnes. Fermé dimanche soir et lundi.


À lire: Sushis, un album sur la cuisine japonaise, l’art des sushis, le découpage des poissons, avec recettes et de magnifiques plateaux de bouchées stylisées. Un ouvrage quasi parfait. Hachette Pratique, 30 euros.

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