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Fauchon, après l'épicerie, un grand hôtel-restaurant à Paris

La marque est présente dans cinquante pays, d’où une forte notoriété hors de l’Hexagone.

Le Grand Café Fauchon Paris | Gilles Trillard
Le Grand Café Fauchon Paris | Gilles Trillard

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Située à l’ombre de l’église de la Madeleine, à Paris, cette première adresse hôtelière dans un beau quartier de la capitale devrait donner naissance à un groupe hôtelier dont le premier maillon sera au Japon où Fauchon –trente boutiques– a imposé ses créations salées et sucrées. On sait la passion des sujets de l’Empereur pour la pâtisserie, les gâteaux, les glaces et les desserts à la française.

Inauguré il y a quelques semaines, l’Hôtel Fauchon est beau à voir, il donne envie d’y vivre, comme le Lutetia à Saint-Germain-des-Prés, rénové après quatre ans de travaux gigantesques par le groupe SET (adresses à Londres et à Amsterdam). Le Fauchon bénéficie de deux atouts majeurs: l’excellente localisation dans Paris et l’admirable façade haussmannienne parfaitement préservée sur cinq étages. L’escalier de bois, les moulures d’origine et les portes palières confèrent un cachet patrimonial à l’ensemble.

Boutique hôtel

L’architecte Richard Martinet voué aux chantiers de luxe et l’Atelier d’intérieur Paluel Marmont ont réussi une heureuse juxtaposition de l’esprit contemporain et du style classique axé sur le confort et les matériaux nobles. Le rose est la couleur emblématique de l’hôtel, comme le rouge est celle du Plaza Athénée et le bleu roi celle du Ritz.

Ainsi que l’écrit le Michelin 2019, «le Fauchon est assimilable à une boutique hôtel». Ce n’est pas un grand hôtel genre palace tels que le Four Seasons George V, le Crillon ou le Meurice.

Junior suite à l’Hôtel Fauchon | Gilles Trillard

Par la dimension des lieux d’abord, le Fauchon ne comporte qu’une cinquantaine de clés, un lobby étroit, un salon bibliothèque accueillant (pas de livres, mais des flacons divers) et un restaurant tout en longueur, le long du boulevard baigné de la lumière de Paris.

Le spa, indispensable à tout établissement hôtelier, n’a pas de piscine couverte mais un hammam et deux cabines. Il accueille la clientèle extérieure, un plus pour l’attractivité de l’hôtel. La maison Carita, bien implantée à Paris, diffuse des soins en matière de beauté et d’anti-âge. La pureté poudrée pour le visage est facturée 125 euros, les massages à partir de 140 euros, le rituel célébration Fauchon, quatre heures de soins incluant un rituel gourmand est proposé à 380 euros: des tarifs de cinq étoiles, voire de palaces.

Salle du restaurant le Grand Café Fauchon | Gilles Trillard

Côté restauration, le Grand Café est l’un des charmes de l’hôtel, la salle à manger tout en longueur est adossée aux baies vitrées laissant la lumière éclairer ces lieux de convivialité et de bien-être.

Terre, mer et douceur

Dès l’ouverture, la table très parisienne a drainé la belle clientèle du VIIIe arrondissement et les résidents de l’hôtel. Ce n’est pas une brasserie new look, mais un restaurant d’intimité et de rencontres dont le chef Frédéric Claudel, bourguignon d’origine, a été l’élève très doué d’Alain Solivérès, à l’époque le maestro aux deux étoiles de l’Hôtel Vernet, tout près des Champs-Élysées: il a été son bras droit et son chef poissonnier pendant quatre ans.

Au Grand Café Fauchon, les ravioles de langoustines à la coriandre | Gilles Trillard

La carte actuelle est divisée en quatre sections: les végétaux si à la mode, la mer, la terre et les douceurs. Et ces jours-ci, on trouvait l’excellent riso de pâtes au vieux comté truffe noire du Périgord, la tarte fine au crémeux d’artichauts copeaux de truffes, le cannelloni de saumon fumé rémoulade de céleri, les ravioles de langoustines au citron confit et wok de légumes dans un consommé au thé, les noix de Saint-Jacques rôties aux poireaux fondants, le filet de cabillaud doré à la grenobloise pommes grenailles et le merlan rôti aux supions –quelques suppléments sur l’addition pour de belles préparations.

Au Grand Café Fauchon, le riso de cresson | Gilles Trillard

La superbe assiette de hors-d’œuvre, c’est le pâté en croûte de volaille Fauchon, jus vinaigré et, côté viandes, le jambon noir de Bigorre à la crème d’artichaut, le filet de canette de Vendée et la mousseline de chou-fleur, le suprême de volaille orléanaise aux morilles et vin jaune, superbe composition. Tous ces plats sont à 28 euros l’unité, 37 euros les deux et les trois à 46 euros avec les douceurs Fauchon dont l’iconique Bisou-Bisou aux fruits rouges, l’éclair chocolat, l’éclair Paris-Brest, un délice, le tout présenté sur un plateau: c’est la pâtisserie du grand magasin qui est à l’œuvre.

Au Grand Café Fauchon, le Bisou-Bisou | Gilles Trillard

À ces réjouissances s’ajoutent le semainier et sept plats du jour comme chez Drouant: la pièce de bœuf aux rattes écrasées, jus truffé le mardi, les cuisses de grenouilles au riz vénéré, écume de raifort le mercredi, le poulet rôti, cœur de romaine au jus, mousseline de pommes de terre le samedi, et la lotte à l’américaine, bisque et riz coco le dimanche, une savoureuse préparation.

À côté de ces prix raisonnables pour le quartier –moins de 50 euros à la carte– il faut noter l’éventail remarquable des préparations, la gestuelle précise du chef, le souci des garnitures et des produits de saison, les divines morilles par exemple.

Au Grand Café Fauchon, le ceviche de dorade, pomelos et avocat | Gilles Trillard

En attendant la terrasse sur le boulevard, ce Grand Café va contribuer à l’attractivité de l’hôtel, c’est un élément clé de son image et de sa notoriété. L’étoile Michelin n’est pas loin.

Fauchon à la conquête du monde

Fauchon L’Hôtel Paris, un bon modèle pour une implantation à l’étranger? C’est le projet des deux groupes d’investisseurs, la Maison Fauchon et Esprit de France: une association d’hôteliers français qui ont bien conscience de la puissance de la marque, le bon goût français hors des frontières.

Disons-le, l’hôtellerie de luxe subit à Paris une crise larvée qui s’éternise. L’effet des «gilets jaunes», des manifestations violentes dans la capitale, aux Champs-Élysées, dans les boutiques de luxe est dévastateur.

Dans certains palaces et grands hôtels, la clientèle étrangère s’en va le vendredi soir. Le week-end n’est plus ce qu’il était, la crainte des débordements et des atteintes aux biens et aux personnes éloigne les amoureux de Paris qui filent vers Londres, Genève, Amsterdam (Van Gogh) et Venise aux cent hôtels, prix bradés hors saison (210 euros au Danieli). Restent pour Paris, le Louvre, le Musée d’Orsay, le Château de Versailles et la mode dont la magie ne faiblit pas (Chanel, Dior, Vuitton).

«Un grand hôtel français doit avoir une histoire, une âme et un passé pour installer des antennes hors de France. L’ADN de Fauchon, c’est la bonne chère, le grand traiteur français, le régal des papilles, mais est-ce suffisant?», indique Laurence Bloch, directrice du Plaza Athénée avenue Montaigne, bonne connaisseuse du milieu.

L’expansion de l’Hôtel Fauchon va dépendre de la visibilité du cinq étoiles, de son succès dans les médias et, surtout, de son image de luxe modéré. Son emplacement à deux pas de la Concorde, des grands magasins et du quartier de l’Opéra reste un «plus» indéniable.

Au Grand Café Fauchon, l’œuf mollet bio et premières morilles | lesrestos.com

Ancien directeur de la chaîne des Relais & Châteaux, Jacques-Olivier Chauvin, en charge du développement du groupe hôtelier, n’ignore pas ces éléments décisifs pour la création d’hôtels en Europe, aux États-Unis et en Asie. Il est à noter que des palaces parisiens comme le Peninsula, le Shangri-La, le Mandarin Oriental, le Hyatt (trois à Paris) ont fait converger à Paris une très importante clientèle asiatique venue de Chine, de Hong Kong, de Malaisie, de Corée, de Macao très portée sur le shopping de luxe –jusqu’à mille euros de dépenses par séjour pour certains touristes chinois.

Au Grand Café Fauchon, les éclairs | Gilles Trillard

Une clientèle plus large que les palaces

Il reste que le Fauchon n’entre pas dans la catégorie des palaces de légende comme le Ritz, le Meurice, le Bristol, le Crillon, le Plaza Athénée ou le Royal Monceau dont les chambres dépassent les mille euros par jour. Certaines enseignes de prestige ont plus de suites que de chambres, c’est le cas de la Réserve avenue Gabriel, 25 suites pour 15 chambres –le luxe affiché.

Quel est le premier prix des chambres à l’Hôtel Fauchon? Le Michelin indique 400 euros et les documents officiels une fourchette de 650 à 3.000 euros. Ce créneau de tarifs quotidiens n’inscrit pas l’Hôtel Fauchon dans le top ten des palaces mythiques cités plus haut, sauf pour les suites donnant sur l’église de la Madeleine. Situé là où il est, le Fauchon peut toucher une clientèle plus large, moins axée sur le luxe réservé aux happy few.

Au Grand Café Fauchon, la tarte au citron meringuée du chef pâtissier François Daubinet | Gilles Trillard

En cela, les investisseurs ont visé juste dans la lignée des meilleurs Sofitel de la capitale: premier prix à l’Arc de Triomphe à 400 euros, le San Regis, un hôtel particulier 1850 à 395 euros et l’Hôtel de Sens à 500 euros, tout près du Four Seasons George V, hors de prix.

Au Grand Café Fauchon, la tarte gianduja | François Daubinet

Les mois qui viennent et le retour du printemps si agréable sur les quais de la Seine diront le vrai positionnement de l’Hôtel Fauchon dans la galaxie des grandes adresses de la Ville Lumière: il s’agit de forger une image forte et constante.

Hôtel Fauchon

4, boulevard Malesherbes 75008 Paris. Tél.: 01 87 86 28 00. 37 chambres et 17 suites avec vue sur la Madeleine à partir de 400 euros, spa, bar, salon, voiturier. Affiliée à The Leading Hotels of the World.

 

Le Grand Café Fauchon

Petit déjeuner à 29 euros, menu au déjeuner à 49 euros les 3 plats, au dîner menu dégustation à 65 euros les 4 assiettes. Cocktails à partir de 18 euros. Pas de fermeture.

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