Culture

Le chat et l'écrivain, une histoire d'amour qui dure

[BLOG You Will Never Hate Alone] Les deux sont fous, les deux sont poètes, les deux sont paresseux, les deux sont inséparables.

Le chat et l'écrivain se tiennent compagnie. Catputer | Sarah via <a href="https://www.flickr.com/photos/dm-set/3684921519/">Flickr</a>
Le chat et l'écrivain se tiennent compagnie. Catputer | Sarah via Flickr

Temps de lecture: 3 minutes

Depuis la nuit des temps, les chats et les écrivains entretiennent des correspondances secrètes. Leurs deux solitudes se rejoignent et leur désir d’indépendance et de liberté se complètent. Ensemble, ils forment un couple invincible où au silence de l’un répond les miaulements de l’autre. Entre eux, pas l’ombre d’une dispute; les deux étant un peu fous et un peu poètes à la fois, ils se soutiennent l’un l’autre dans une existence où prédomine leur besoin de calme et de silence.

Et comme bien souvent l’écrivain est un oiseau solitaire qui fuit la compagnie des hommes, il trouve dans le chat son compagnon idéal. S’étant apprivoisés, se comprenant sans même avoir à se parler, les deux cohabitent dans la plus parfaite des harmonies. L’un vit dans ses rêves quand des morceaux de papiers roulés en boule prennent des allures de souris intrépides tandis que l’autre invente des histoires où ses personnages existent seulement dans les ensorcèlements de son esprit. La réalité les ennuie, ils la fuient comme la peste, et à ce monde sordide hanté d’hommes occupés à se détester, ils lui préfèrent le royaume des songes où leur imagination s’envole pour mieux leur raconter des histoires fantastiques.

Les deux sont formidablement paresseux. Leurs siestes durent des heures, et quand ils ont fini de s’adonner à cette occupation essentielle à leur bien-être, ils vont dans l’appartement, languides et encore ensommeillés, à la recherche d’une occupation qui pourrait les aider à combler le vide du temps. L’écrivain s’oublie dans une lecture, boit, joue au cerceau avec son cerveau sous le regard vaguement ennuyé du chat qui de meuble en meuble, de bibliothèque en bibliothèque, promène sa silhouette lascive à la recherche d’une occupation capable de l’amuser et de le transcender.

Le chat et l'écrivain, ces illuminés 

Soudain, tous les deux s’animent.

Le chat, pris d’une soudaine crise d’hystérie, hérisse ses moustaches et prenant son élan, sous l’emprise de visions qui l’illuminent tout entier, s’en va défier les lois de la pesanteur. Rien ne lui résiste: aussitôt l’appartement se transforme en une vaste fête foraine où tout devient prétexte à jouer –les chaises sont des chevaux, les tables des aires de repos, les commodes des pics à escalader, les buffets des pentes à dévaler, les miroirs des moulins à vent et, fou parmi les fous, il court un peu partout comme si le diable en personne le poursuivait. Il est ici et là, il se démultiplie, il est chasseur et proie à la fois, et sous le regard amusé, parfois un brin effrayé de l’écrivain, le voilà suspendu à un lustre, caché sous un canapé, emmitouflé au plus profond de la corbeille à linge, toupie hallucinée qui semble avoir fait le deuil de sa raison.

L’écrivain est pareil. Quand, après des heures d’attente, l’inspiration finit par le visiter, il ne s’appartient plus. Il galope sur les sentiers de son imagination enflammée. Possédé, il couche sur le papier les visions qui le transcendent et dans son effort de demeurer au plus près de sa voix intérieure, il plonge si profondément en lui que les murs de la maison viendraient à s’écrouler, à peine s’en apercevrait-il, tout enchaîné qu’il est à dessiner des phrases, vaisseaux amiraux de sa pensée ainsi transcendée.

Quand les deux s'extirpent de leur moment d’égarement, ils ont ce regard des illuminés qui viennent d’apercevoir le visage de Dieu en personne. Ils ne reconnaissent plus rien de leur environnement naturel, ils errent hagard de pièce en pièce, de fauteuil en fauteuil, et chacun se demande où leurs excentricités les ont encore transportés. Tremblants comme tremblent les feuilles quand l’orage gronde au loin, affamés comme des prisonniers du désert, ils s’en vont s’offrir une portion de croquettes, un verre de bourbon pour se remettre de leurs émotions.

Se soustraire à la pesanteur du monde

Alors, revenus au monde, riant de leurs mésaventures, ils s’apprivoisent l’un l’autre, et aux caresses de l’un répond les ronronnements de l’autre. Ils ne sont plus au monde, et dans ce débordement de tendresse, ils se confient leurs peines et leurs rêves, leurs envies d’ailleurs et leur besoin d’absolu. Et comme les deux savent bien que la vraie vie est ailleurs, ils passent le reste du temps à jouer dans cette innocence naïve de l’enfance qui cherche à tout prix à se soustraire à la pesanteur du monde.

À l’heure où la maison se remplit, quand rentrent les pensionnaires du logis, ils affectent une nonchalance dont eux seuls connaissent la véritable nature. Ils reçoivent les confidences et les attentions des uns et des autres, et pendant tout ce temps, ils affectent de ne pas se connaître comme ces duos de comiques qui, une fois le rideau baissé, le spectacle achevé, s’en vont chacun de leur côté vivre leurs vies. Ils ne sont dupes de rien. Ils savent qu’ils sont liés pour la vie, et quand vient le moment de dormir, ils se saluent brièvement en espérant être déjà demain.

Et lorsque l’écrivain se met à écrire sur son chat, dans l’hommage de l’esclave à son maître, c’est sur sa tête que se positionne ce dernier, prompt à décocher un coup de griffe à la première bêtise contée. Avant de descendre de son Olympe et de sauter à pieds joints sur le clavier de l'ordinateur au moment même où l'écrivain s'apprêtait à jdpzôdkdkekla^lslel^zlslslzmc,vboroozddazazkdkdkkekeoéoa,v"=)é'"ddzaoeé"àeas

Pirouette bordel, tu ne peux pas faire attention, j'écris un papier pour Slate!

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