Boire & manger

Une sélection de bistrots parisiens validés par Alain Ducasse

Voici quelques adresses de bon rapport qualité-prix.

Couverture du livre <em>Le Paris des Bistrots</em>, paru chez Ducasse Édition le 29 novembre 2018 (35 euros) | Cécile Chabert
Couverture du livre Le Paris des Bistrots, paru chez Ducasse Édition le 29 novembre 2018 (35 euros) | Cécile Chabert

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Coq Rico

En haut de la butte Montmartre, face au Moulin de la Galette retapé, Antoine Westermann, ex-trois étoiles au Buerehiesel à Strasbourg cédé à son fils, a inventé cette excellente table bistrotière vouée aux oiseaux de basse-cour. À côté des volailles fermières rôties à la broche, frites et salade, les chefs Anthony Clément et Thierry Lebé mitonnent des beignets exquis, des saint-jacques au magret fumé, des bouchées à la reine et un vol-au-vent à la crème de volaille, rarissimes à Paris. Plats du jour, le superbe coq au vin et tagliatelles aux œufs le mardi. Au dessert, le millefeuille au chocolat et la meringue glacée aux marrons. Une adresse pour les meilleurs gourmets. Complet aux deux services, on sert au bar.

Au restaurant Coq Rico, le coq Barbezieux et ses accompagnements maison | lesrestos.com

98 rue Lepic 75018 Paris. Tél: 01 42 59 82 89. Menu au déjeuner à 27 euros. Carte de 50 à 90 euros. Pas de fermeture. Voiturier.

 

Chez L’Ami Jean

Ami de Christian Constant et d’Yves Camdeborde, Stéphane Jego s’est forgé une clientèle de bons palais qui apprécient les produits bien sourcés et le traitement culinaire exact: la soupe de parmesan et le ris de veau, le Rossini d’encornets à la plancha, le gros céleri cuit entier aux oignons, ail et anchois et la poitrine de canard aux petits légumes, lièvre à la royale en saison. Oui, une créativité et un répertoire vastes à des prix décents. On comprend le succès de cet ami fraternel.

Au restaurant Chez l’Ami Jean, riz au lait grand-maman, caramel au beurre salé | Gourmets&co

27 rue Malar 75007 Paris. Tél: 01 47 05 86 89. Menus au déjeuner à 35 et 55 euros, 80 euros au dîner. Carte de 65 à 85 euros. Fermé dimanche et lundi.

 

Anicia

Enfant du Puy-en-Velay, François Gagnaire est monté à Paris pour faire découvrir aux travaillés du palais les lentilles vertes à la gelée de crustacés, l’omble chevalier de l’Isère, le colvert de chasse à l’épeautre et la souris d’agneau confite. Voilà un excellent praticien dont la palette dépasse largement le style bistrotier nature. On est là aux lisières de la grande cuisine, surtout le soir.

Au restaurant Anicia, filets de daurade bio, jus au thé fumé et polenta crémeuse | Gourmets&co

97 rue du Cherche-Midi 75006 Paris. Tél: 01 43 35 41 50. Menus au déjeuner à 24 et 29 euros. Dîner à 49 et 58 euros (cinq services), et 95 euros vins compris. Carte de 65 à 75 euros. Fermé dimanche et lundi.

 

L’Épi Dupin

François Pasteau a inventé le bistrot écoresponsable, il est président de l’organisation environnementale Ethic Ocean et se soucie de la pêche durable, des produits locavores et de la chasse au gaspi. Voilà un homme de qualité, doublé d’un excellent chef au répertoire choisi. Il faut s’orienter vers le pressé de queue de bœuf aux langoustines, le gigot d’agneau de sept heures, une merveille de cuisson lente, la salade d’asperges à l’œuf mimosa, et ne pas négliger les légumes. La bistronomie moderne c’est cela, on se fait plaisir et on respecte la planète.

Au restaurant L’Épi Dupin, pointes d’asperges, tagliatelles de carottes et courgettes | lesrestos.com

11 rue Dupin 75006 Paris. Tél: 01 42 22 64 56. Menus au déjeuner à 30 euros, 42 et 56 euros en six services. Prix plaisir parfait. Fermé samedi, dimanche et lundi.

 

Café Constant

L’enfant de Montauban, Christian Constant, étoilé au Violon d’Ingres –cassoulet d’anthologie– a transformé ce bar d’angle en un bistrot de rare convivialité. On sert aussi sur le trottoir, en saison, les ravioles de langoustines, le pavé de cabillaud au court-bouillon, la volaille fermière aux petits oignons, les profiteroles sauce au chocolat chaud, bref, une cuisine bien sentie, exacte et à prix doux. On comprend le succès constant de ce repère d’affamés au gosier en pente.

Au Café Constant, le pavé de cabillaud au court-bouillon et légumes en aïoli | lesrestos.com

139 rue Saint-Dominique 75007 Paris. Tél: 01 47 53 73 34. Menus au déjeuner à 18, 26 et 36 euros. Carte de 40 à 75 euros. Service continu. Pas de fermeture.

 

Bistrot Belhara

Tout près de l’École militaire, Thierry Dufroux, ancien des maîtres Guérard et Ducasse, a investi ce bistrot de quartier pour en faire un rendez-vous de solides mangeurs en quête d’émotions gustatives –c’est plein aux deux services. Foie de canard confit, noix de saint-jacques dorées, viande du jour au barbecue et soufflé à la pomme. Du coude-à-coude sur les banquettes et une jolie convivialité dans un cadre peu banal. Vins à des tarifs humains et service fluide.

Au Bistrot Belhara, polenta crémeuse et olives noires | Gourmets&co

23 rue Duvivier 75005 Paris. Tél: 01 45 51 41 77. Menus à 24, 34, et 41 euros (au dîner), 58 euros pour six plats. Fermé dimanche et lundi.

 

Les Petites Sorcières

C’est l’excellent bistrot de la Belge Ghislaine Arabian, grande cuisinière –elle a décroché deux étoiles chez Ledoyen dans les années 2000 et aurait pu viser la suprême récompense. Cette adresse près de Denfert-Rochereau est une aubaine pour les fins becs qui peuvent redécouvrir la patte, le talent de cette cuisinière hors pair. Foie de canard au speck, waterzoï de morue fraîche (rarissime), foie de veau et purée d’oseille en sauce, filet de bœuf à la Gueuze, gaufres de Bruxelles. Une carte étonnante, pleine de surprises goûteuses.

Au restaurant Les Petites Sorcières, les croquettes aux crevettes grises et persil frit | lesrestos.com

12 rue Liancourt 75014 Paris. Tél: 01 43 21 95 68. Menus au déjeuner à 21 et 26 euros, 35, 49 et 59 euros au dîner. Fermé dimanche et lundi.

 

L’Assiette

C’était chez Lulu Rousseau, une cuisinière au caractère bien trempé qui accueillait le dimanche soir François Mitterrand et ses épigones pour des repas fins et poissonniers. David Rathgeber, un chef auvergnat passé par Benoît et le Plaza d’Alain Ducasse, a repris le flambeau et envoie des assiettes ciselées: la terrine de crevettes Obsiblue fondantes, la tête de veau ravigote, le cassoulet, le canard rôti aux navets et la crème caramel au beurre salé, une merveille de légèreté à réserver dès votre arrivée. Les habitués sont légion dans ce bistrot chaleureux, l’un des plus sérieux de la capitale. Notez la créativité permanente du propriétaire, un bienfaiteur pour les travaillés de la gueule.

Au restaurant L’Assiette, quenelle de sandre sauce Nantua | lesrestos.com

181 rue du Château 75014 Paris. Tél: 01 43 22 64 86. Menus au déjeuner à 19 et 23 euros. Carte de 46 à 65 euros. Fermé lundi et mardi.

 

La Causerie

Les bistrots alléchants sont l’exception dans le XVIe arrondissement de Paris. Celui-là a été fameux, c’était Chez Géraud, un chef de réputation très versé dans le répertoire charcutier. Les nouveaux propriétaires, l’un en salle Arnaud Bachet, l’autre au piano Gabriel Grapin, liés d’amitié depuis l’époque Royal Monceau, envoient des plats classiques qui rassurent les mangeurs: pavé de saumon, araignée de bœuf goûteuse. Sur l’ardoise, un choix de plats du jour: gnocchis à la parisienne, Saint-Jacques à la fondue de poireaux, lièvre à la royale, riz au lait et tarte aux pommes. Cette Causerie fait parler d’elle à Passy et ailleurs: l’addition permet une autre visite. Carte des vins bien fournie.

Au restaurant La causerie, haddock fumé et raifort | Gourmets&co

31 rue Vital 75016 Paris. Tél: 01 45 20 33 00. Menus au déjeuner à 29 et 36 euros. Carte de 53 à 63 euros. Fermé samedi et dimanche.

 

Vantre

C’est le ventre dans l’antre de Iacopo Chomel, un très bon cuisinier italien, et de Marco Pelletier, sommelier-directeur, producteur de vins à Bordeaux. Tous deux sont associés dans ce bistrot basique, niché derrière la place de la République. Mieux qu’un rade de quartier, ce Vantre offre des assiettes revisitées: la caille rôtie aux topinambours et cédrat, le turbot à la purée de brocolis, et un bouillon de langoustines à l’aubergine et framboises –l’art si raffiné du sucré-salé. Gnocchis et spaghettis selon l’humeur du chef et menus à des prix défiant toute concurrence. Grands crus à des tarifs cadeau et, au dîner, ça décolle vers un certain raffinement.

Au restaurant Vantre, topinambour, œuf parfait, et truffe noire du Périgord | Vantre

19 rue de la Fontaine au Roi 75011 Paris. Tél: 01 48 06 16 96. Menus au déjeuner à 16 et 21 euros. Carte de 45 à 65 euros. Fermé samedi et dimanche.

 

Joséphine Chez Dumonet

À deux pas de l’hôtel particulier de Gérard Depardieu, ce bistrot 1900 au décor dans son jus a vu défiler les plus fieffés gourmets attachés à des préparations du Larousse gastronomique ou d’Auguste Escoffier: la tradition bien interprétée. À côté de la terrine de campagne, voici la lotte à l’américaine, le châteaubriand grillé aux pommes de terre landaises, le pigeon pommes Maxim’s et le millefeuille caramélisé. Une adresse connue à l’international.

Au restaurant Joséphine Chez Dumonet, carré d’agneau en croûte d’herbes et petits légumes | Joséphine Chez Dumonet

117 rue du Cherche-Midi 75006 Paris. Tél: 01 45 48 52 40. Carte de 65 à 90 euros. Fermé samedi et dimanche.

 

Allard

À deux pas de l’Odéon, le fameux bistrot des dames Allard, la mère bourguignonne puis la belle-fille Fernande, a été le premier étoilé dans la catégorie «canaille», et le rendez-vous de sacrés mangeurs de l’après-guerre. L’Aga Khan et la Bégum, Pierre Daninos auteur des Carnets du Major Thompson et les éditeurs du quartier dont Jean-Claude et Nicole Lattès, des habituées, venaient pour les escargots en coquilles, la frisée jaune aux lardons, le canard de Challans aux olives et le turbot au beurre blanc, toujours onctueux, le grand plat de la maison.

Au restaurant Allard, cassoulet | Patrick Faus

Toutes ces spécialités sont concoctées avec finesse et doigté par Fanny Herpin, bien formée dans les établissements Ducasse, au Byblos de Saint-Tropez, au Jules Verne à Paris et à New York: une expérience décisive pour la survie de l’adresse qui se porte bien. Il n’y a qu’un Allard en France!

Il faut s’orienter vers les cuisses de grenouilles persillées, la poule faisane à la truffe noire, la joue de bœuf fondante aux carottes et le poulet du Bourbonnais. C’est un conservatoire de la cuisine mémorielle en voie d’extinction.

On se réjouit de savourer les profiteroles au chocolat chaud, le savarin au rhum (disparu des cartes), la tarte Tatin divine ou l’île flottante à damner un saint.

Joli éventail de vins de Bourgogne au verre et plats du jour (rognons à la moutarde) à des tarifs humains. Le Michelin devrait étoiler à nouveau ce bistrot fondé en 1932, c’est l’âme de la France gourmande à préserver dans son jus.

41 rue Saint-André-des-Arts 75006 Paris. Tél: 01 58 00 23 42. Menus au déjeuner à 34 euros, six plats au choix. Carte de 65 à 90 euros. Voiturier. Pas de fermeture.

 

Et demain?

Pour Alain Ducasse, auteur de la postface, le succès de ces bistrots réside dans l’expérience individuelle et collective vécue dans ces établissements populaires. Les jeunes générations découvrent la curiosité et le plaisir de manger. La sortie au restaurant est restée un loisir et surtout une occasion de partage et de rencontres joyeuses. La grande chance des bistrots du XXIe siècle, c’est qu’ils savent parfaitement ce que sont les moments précieux du vivre-ensemble. Les bistrots de qualité dans leur diversité vont contribuer à refaire de Paris –et du Grand Paris en gestation– une destination unique au monde. Un bistrot, ça ouvre l’appétit, pour boire et manger et encore plus pour l’appétit de la vie. Signé Alain Ducasse.

Le Paris des Bistrots. 120 adresses et 120 recettes en couleurs. Préface signée de Bill Buford et photos réalisées par Cécile Chabert. Ducasse Édition, 278 pages, 35 euros. Un ouvrage de référence pour les gourmets.

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