Sciences

En 2019, la raison doit s’imposer aux émotions

Le monde a plus que jamais besoin de la lumière des sciences pour lutter contre l'obscurantisme

Les sciences pourraient nous aider à inverser la tendance populiste qui a marqué 2018 | Franck V. via Unsplash CC License by
Les sciences pourraient nous aider à inverser la tendance populiste qui a marqué 2018 | Franck V. via Unsplash CC License by

Temps de lecture: 4 minutes

On le sait tous, le monde est entré dans une transformation radicale. Le monde? Il ne faut rien exagérer. L’univers se moque bien de ce qui se passe sur la Terre. Elle peut bien exploser ou fondre ou prendre son manteau et quitter le soleil. Les étoiles s’en moquent, les milliards de galaxies en rient.

Cela nous amène à la première des cinq grandes questions qui se posent à notre planète en 2019 et à cet être unique à deux jambes qui l’occupe. La science va-t-elle nous apporter enfin des nouvelles salvatrices fracassantes? Il est curieux de voir qu’il n’y a jamais eu autant de scientifiques, d’appareils et de données en tout genre et que la dernière grande percée théorique sur le plan qui nous occupe ici-bas, la physique, remonte à plus d’un siècle. Nous avons en fait deux théories partielles et incompatibles, la relativité et la mécanique quantique. Et nous sommes toujours incapables de trouver la théorie supérieure qui les unifie.

L’impuissance est générale. La science nous fait faire mille pas. Elle ne nous tire pas pour autant d’affaire. Nous restons collés à un destin pénible, devenu confortable pour des milliards mais dont on sait qu'il ne peut plus durer. À quand les génies théoriques pour nous éclairer sur le big bang? À quand les grandes avancées pour nous guérir du cancer, de la vieille arthrose, du simple rhume? À quand l’invention internet réellement utile à notre sort pour nous extraire de l’aliénante machinerie actuelle? À quand une fusion nucléaire pour nous sortir de notre existentielle pénurie d’énergie?

Rebâtir la pédagogie scientifique

La science, donc. C’est le plus important des importants. On a un besoin furieux de ses résultats pour sortir des impasses actuelles sur tous les plans terriens. Retrouver un rapport à la nature, aux autres, à l’alimentation et la consommation, aux transports, à l’habitat qui réintroduise la qualité, la bonté d’âme, la gratuité et qui stoppe tout ce qui est apparu vainqueur en 2018: la bêtise, l’irraison, la violence, la passion. Croisée des chemins: soit nous entrons dans un hiver populiste, avec pour ligne de force la nostalgie et la régression, soit nous trouvons des solutions aux maux actuels et pour entrer dans un nouvel âge. Les sciences, toutes les sciences, de la physique aux sciences sociales, sont les clés de ce (re)nouveau.

Au passage, la pédagogie scientifique est à rebâtir d’urgente pour lutter contre les complots obscurantistes qui envahissent la société et les médias sociaux. La raison ne peut vaincre sans qu’une culture de la connaissance soit revivifiée à l’école et dans tous les lieux de débats publics. La «vérité», a souhaité Emmanuel Macron lors de ses vœux du Nouvel an.

Oui, mais la vérité est aujourd’hui dénoncée comme la vérité de l’élite, comme une vérité qui s'efface au profit de l’argent. Rétablir les faits vrais ne se fera pas simplement comme par magie. Il faut que les scientifiques prennent la parole au moyen d’un appareil incontestable. Ce ne sera pas facile tant les idéologies ont gangréné en profondeur les esprits y compris ceux de certains professeurs, de chercheurs et de savantes. Il faut sans doute commencer par un compromis plus satisfaisant entre éthique et commerce, qui mette un point d’arrêt à la dérive qui ne cesse de s'accélérer. Une dérive qui donne des arguments aux théories du complot émanant des sectes anti-science. Ensuite, la science doit savoir dire non. Trouver, par exemple, comment expliquer gentiment aux 9% de gens qui pensent que la Terre est plate qu’ils disent une ânerie.

La démographie au secours de l'immigration

Les déplacements de populations sont dans la nature humaine. De tout temps, les peuples se sont déplacés vers les meilleures terres. Penser que cela va s’arrêter au pied d’un mur est penser court. Rien ne dissuadera le nomade –encore moins aujourd’hui– qu’il est très bien informé de ce qu’il y a au-delà. En outre, condamner une population à rester dans sa misère est contraire au droit à la liberté conquis il y a deux siècles en Occident. Ceux qui élèvent des murs savent au fond d’eux que c’est la solution du désespoir. Rien ne stoppera les migrations mais beaucoup peut être fait pour les maîtriser. Croisée des chemins: choisir le rejet par la politique de l’autruche ou organiser un phénomène qui fait irrémédiablement partie de notre siècle. Organiser, comme l’a proposé l’Onu, c’est mieux intégrer ici mais c’est d’abord aider à limiter les départs, à développer les économies et, pour ce qui concerne l’Afrique, à donner du pouvoir aux femmes et généraliser le planning familial. La science démographique a du pain sur la planche.

L’écologie, une science à réinventer

L’année 2018 a été celle des refus, de Trump aux «gilets jaunes», parce que le «coût de la transition» est apparu trop élevé. Aucun État signataire des accords de Paris n’a respecté ses engagements de CO2. L’écologie a subi un échec cinglant l’an passé, comment changer vraiment le cours climatique? Les écologistes devraient être les premiers à s’interroger sur les politiques restrictives qu’ils préconisent depuis vingt ans. Que proposer d’autre? La science écologique est à réinventer.

La démocratie contre les «gueulards»

La désaffection observée l’an dernier est alarmante. Dans les sondages, puisque croît le nombre de ceux et celles, y compris des jeunes, qui rêvent d’un régime fort. Dans la rue, puisque les manifestations se multiplient pour dénoncer les élus et la démocratie représentative. Les «peuples» réclament à être consultés par référendum sur les sujets qu’ils choisissent. L’histoire a montré qu’en général, ces scrutins se fourvoient parce qu’ils donnent le pouvoir aux gueulards. La science politique devra néanmoins trouver une solution qui réponde à ce besoin participatif mais qui donne, tout au contraire, le pouvoir aux modérés, aux pragmatiques et aux gens de connaissance.

L'économie en mal d'un nouveau paradigme

Il faut rebâtir le couple capital/travail, le profit versus les salaires, le commerce international, le système monétaire international, redéfinir le rôle de l’entreprise et celui de la banque. Le bilan du capitalisme actuel n’est pas beau à voir et on comprend en effet que «l’élite» refuse de regarder sa responsabilité dans la montée des populismes. Le système est bouclé serré: chaque entrepreneur ne fait que se plier aux règles qu’il ne définit pas lui-même, il «n’y peut rien». Et en effet, changer les règlementations relève des États. Mais ils sont, à leur échelle, largement impuissants puisqu’en compétition les uns avec les autres pour «attirer» les investissements et les emplois chez eux. Comment faire pour dénouer cet écheveau? Comment trouver une croissance saine et partagée? La science économique n’a pas trouvé le nouveau paradigme. Ce qui est sûr est que la solution impose une coordination internationale que les régimes nationalistes, Trump ou Xi, interdisent.

L’année 2019 doit en somme inverser 2018: la raison doit s’imposer aux émotions, l’intelligence (vous avez vu comme le mot est devenu interdit parce que considéré, c’est un comble, comme insultant ) à la connerie. Et puissent les médias parler des grandes questions plutôt que 24/7 de l’affaire du conseiller Alexandre Tralala. La science journalistique a elle aussi besoin de s’interroger sur elle-même. Mais, sur ce dernier point, je rigole. La presse est dans ce pays la seule institution auto-satisfaite.

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