Politique

Wauquiez survivra-t-il aux élections européennes de 2019?

À l'aube d'une nouvelle année électorale avec les européennes, la droite est dans une situation compliquée: mauvais sondages pour son leader et intentions de vote en chute pour sa liste.

Laurent Wauquier lors d'une conférence de presse le 9 octobre 2018 à Paris. | Philippe Lopez / AFP
Laurent Wauquier lors d'une conférence de presse le 9 octobre 2018 à Paris. | Philippe Lopez / AFP

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Les sondages d'intentions de vote ne sont ni des prévisions ni des pronostics. Les instituts de sondage donnent à un temps T les tendances électorales d'un échantillon représentatif de la population française en âge de voter. Les enquêtes de popularité ne sont pas des sondages d'intentions de vote: les deux études ne mesurent pas la même chose. Ainsi, une cote de popularité élevée (ou basse) n'implique pas, forcément, des intentions de vote élevées (ou basses). Et inversement.

Mais quand tout va dans le même sens, il peut y avoir des raisons de se réjouir (ou de s'inquiéter). Surtout quand les mesures sont persistantes pour les unes (popularité) ou menacent de le devenir pour les autres (intentions de vote). Il en va ainsi pour le président du parti Les Républicains (LR) depuis un an. Élu au congrès de son mouvement en décembre 2017 avec 74,6% des suffrages exprimés au premier tour (participation de 42,5%), Laurent Wauquiez ne parvient pas à imprimer dans l'opinion. Et c'est difficile dans son parti.

Un dirigeant qui ne percute pas dans l'opinion

Huit instituts de sondage donnent grosso modo le même profil d'un dirigeant qui ne percute pas dans l'opinion. Sur huit enquêtes de provenance différentes donc, réalisées au cours de la toute dernière période, la plus ancienne, celle de Viavoice pour Libération effectuée les 28 et 29 novembre 2018, place Wauquiez à la trentième place des quarante personnalités testées avec 14% de «bonne opinion». Il se situe entre l'écologiste Cécile Duflot qui a quitté la politique et l'ancien Premier ministre Manuel Valls, qui est parti tenter sa chance à la mairie de Barcelone. Wauquiez capitalise 60% de «mauvaise opinion».

Début décembre (les 4 et 5), un autre baromètre, Elabe pour Les Echos, confirme la faiblesse de son score: 19% des personnes interrogées considèrent que le président LR a une «image positive», soit un gain de deux points sur le mois précédent, et 58% estiment le contraire. Ceci le place en dix-septième position, juste derrière Benoît Hamon, sur les vingt-neuf personnalités politiques soumises au test.

Auprès des seules sympathisantes et sympathisants de droite, son classement est à peine plus enviable puisqu'il est cinquième avec un score de 51%, derrière Nicolas Sarkozy (77%), Xavier Bertrand (62%), Alain Juppé (56%) et Valerie Pécresse (55%). Et s'il est en hausse de trois points en un mois, Sarkozy en engrange onze, le président des Hauts-de-France, Bertrand, et la présidente d'Île-de-France, Pécresse, en ramassent six. Excepté le maire de Bordeaux, Juppé, il profite moins de la séquence que les autres têtes d'affiche de la droite.

Même topo avec l'institut Ipsos pour Le Point (7 et 8 décembre) qui interroge les Français et Françaises sur le jugement qu'elles portent sur l'action de trente-quatre personnalités. Cette fois, Wauquiez se classe vingt-septième avec un taux de 15% en sa faveur (recul de trois points en un mois). Surtout, 67% des personnes sondées portent un jugement défavorable sur son action: seuls Hollande, Valls, Le Pen (Marine) et Fillon font pire que lui.

Le classement chez les sympathisantes et sympathisants de droite est peut-être encore plus tragique pour lui car il pointe à la neuvième place avec 36% d'avis favorables, soit une perte mensuelle de seize points. Mais en plus, il est derrière trois personnalités en marge de la politique active nationale (Sarkozy, Fillon, Baroin) qui trustent le podium, derrière Pécresse, Bertrand et Juppé, mais également derrière deux personnalités qui n'appartiennent pas à sa famille politique: l'ex-ministre écologiste, Nicolas Hulot, et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

À la même période (7 et 8 décembre), l'Ifop pour Paris Match a réalisé son tableau de bord mensuel mesurant la popularité de cinquante personnalités. Avec 29% de «bonne opinion» contre 61% de mauvaise, Wauquiez se classe vingt-quatrième, laissant passer devant lui toutes les têtes de gondole de la droite et du centre. Là aussi il laisse des plumes, puisqu'il perd quatre points par rapport à novembre.

De son côté, Kantar-Sofres, qui mesure la cote d'avenir des personnalités depuis plusieurs décennies, lui donne un score de 14% en décembre, ce qui place sa moyenne annuelle de 2018 autour de 13%. À titre de comparaison, Juppé qui a beaucoup reculé depuis 2016, année où il oscillait en permanence entre 35% et 40%, dispose encore d'une cote d'avenir mesurée à 22%.

Les 12 et 13 décembre, l'institut OpinionWay réalise pour LCI une enquête qui porte, notamment, sur la satisfaction comparée des leaders politiques, hors membres du gouvernement. Sur les douze personnalités testées, le président d'Auvergne-Rhône-Alpes est au milieu du paquet (septième) avec un taux de «satisfaits» de 23% et de «mécontents» de 73%. Là encore, Bertrand et Pécresse sont assez loin devant lui. Il est même derrière Lagarde (UDI) et Dupont-Aignan (Debout la France).

Dans la foulée, les 13 et 14 décembre, Odoxa pour France Inter relève que Wauquiez entraîne l'adhésion de 14% des personnes interrogées et se classe vingtième parmi les vingt-six personnalités étudiées. Parmi ces 14%, il reçoit 3% de soutien alors que 11% éprouvent de la sympathie pour lui. Pour cet institut aussi, il est en perte de vitesse par rapport au mois précédent. Auprès des sympathisantes et sympathisants de droite (hors Rassemblement national), il arrive en septième position –toujours derrière les mêmes– avec un score de 36%, en chute de dix points par rapport à novembre.

Et ce qui n'est guère plus encourageant pour lui, c'est qu'au palmarès du rejet, il arrive en cinquième position (47%) derrière Marine Le Pen (55%), Marion Maréchal (53%), Jean-Luc Mélenchon (51%) et Nicolas Dupont-Aignan (48%).

Dernière étude en date au moment où sont écrites ces lignes, celle de BVA pour La Tribune, effectuée les 18 et 19 décembre. Une partie de l'enquête est consacrée aux personnalités dont les Français et Françaises souhaitent qu'elles aient davantage d'influence dans la vie politique française. À cette aune, le chef de file de la droite parlementaire ne se classe que vingt-septième sur les quarante-cinq femmes et hommes testés. Ils sont 17% à nourrir cet espoir. Dans le même temps, Bertrand, le patron des Hauts-de-France qui détrône Hulot dans ce classement, fait 33%.

Et comme une litanie, la même chose se répète auprès des sympathisantes et sympathisants de droite et du parti LR. Wauquiez est cinquième (53% souhaitent qu'il ait davantage d'influence), entre Marion Maréchal et Nicolas Dupont-Aignan. Une prise en sandwich qui illustre assez clairement l'effet ciseau dans lequel est pris, actuellement, le patron de la droite française.

À cinq mois des élections européennes, la situation est extrêmement compliquée pour Wauquiez. Certes, la popularité, les bonnes opinions, l'image positive, la satisfaction, l'adhésion ou l'espoir d'avoir une influence plus importante dans le futur sont autant d'indicateurs qui ne renseignent pas avec précision sur les intentions de vote en faveur des personnalités ou des partis concernés. On l'a déjà signalé: il s'agit de mesures différentes. Mais quand les intentions de vote, justement, vont dans le même sens, positif ou négatif, cela peut conduire les principaux intéressés ou leurs soutiens à s'interroger.

Coincé entre les pro-européens et les eurosceptiques

Ce désarroi risque, du reste, de s'accroître avec la dernière tendance connue des intentions de vote en faveur du parti présidé par Wauquiez aux élections européennes du 26 mai 2019. Selon un sondage Odoxa réalisé les 19 et 20 décembre, la liste LR est créditée de 8%, soit une chute de six points par rapport à la mi-septembre. Détail rassurant pour lui, si l'on peut dire, ce score n'est pas modifié avec la présence hypothétique d'une liste «gilets jaunes».

La moyenne de toutes les autres enquêtes effectuées en 2018 (hors celle ci-dessus) par six instituts (dont Odoxa) donne légèrement plus de 13% d'intentions de vote à une liste soutenue par Wauquiez. La crise des «gilets jaunes» aurait donc provoqué un décrochage que les prochains sondages devraient confirmer ou infirmer. En tout état de cause, l'attitude ambiguë et zigzagante du leader de la droite parlementaire depuis le début de la crise n'est peut-être pas étrangère à ce décrochage.

Successivement accélérateur puis ralentisseur du mouvement de contestation, en poussant à manifester avant d'appeler à cesser, Wauquiez a renforcé son image velléitaire doublée, selon certains de ses interlocuteurs, d'une absence surprenante de convictions qui lui fait dire une chose et son contraire sur le même sujet, en un temps record. Pour une part non négligeable de l'opinion, deux traits de caractère dominent sa personnalité: l'insincérité et l'opportunisme.

À sa décharge, il est vrai que Les Républicains n'ont pas encore désigné leur tête de liste pour les européennes. L'opération ne sera pas aisée car bien malin qui peut dire ce que pense vraiment Wauquiez de l'Union européenne actuelle. Et donc du choix de la tête d'affiche qui en découle. Coincé entre les pro-européens de son parti prêts à l'abandonner en cas de «mauvais choix» et les eurosceptiques, déjà tentés par Dupont-Aignan ou même l'extrême droite, Wauquiez a beaucoup de souci à se faire pour son avenir politique. L'année 2019 pourrait lui être fatale.

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