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Huitième année pour le meilleur du pire des comédies françaises. En ajoutant entre cinquante et soixante films par an, je devrais bientôt dépasser le cap des 500 depuis que je regarde et me remémore la quasi-intégralité des comédies made in France.
Au risque de décevoir les déclinologues et les personnes espérant voir ici un enchaînement de daubes, 2018 est un cru étonnamment bon. Plusieurs hypothèses: un sursaut qualitatif, l'alignement des astres ou encore la relative absence de Christian Clavier et de l’équipe de Babysitting, aucune possibilité n’est à écarter. Mais les faits sont là: en 2018, le malaisant a cédé sa place à un équilibre entre bon et mauvais.
Globalement, les comédies se sont très bien tenues: rien d’aussi atroce que Si j’étais un homme ou Épouse-moi mon pote, rien d’aussi pathétique que Les Visiteurs 3. On n’a même pas vu le pénis de Didier Bourdon cette année. Le bas du classement –ou le sommet, ça dépend comment on l’entend– est juste vraiment très mauvais.
J’ai même fait un peu de place dans cette sélection pour quelques bons films, au détriment de ce que j’appelle «le ventre mou», ces comédies qui sortent par dizaines et qui ne valent même pas la peine qu’on en parle.
Souvenez-vous juste que c’est en 2018 qu’est sorti J’ai perdu Albert, avec Albert Einstein qui parle dans la tête de Stéphane Plaza. Bye bye Milf, horrible comédie dans l’air du temps. Repose en paix Christ(off), petit ange parti trop tôt, sorte de Sister Act loupé avec Michaël Youn. Qui se souviendra encore de Comment tuer sa mère? avec Chantal Ladesou? Ou bien de Mon Ket, Abdel et la comtesse, Je vais mieux, Brillantissime ou encore du déjà mythique Les dents, pipi et au lit, aussi nul que son titre? Une pensée aussi pour le Jaoui-Bacri millésime 2018 et son pastiche d’Ardisson de fin de règne. Je me suis aussi retenu de mettre le très déroutant et réussi Roulez jeunesse avec Eric Judor, qui commence comme une grosse farce avant de mettre le curseur sur la mort de la manière la plus glauque qui soit.
C’est maintenant une habitude: ce bilan se lit du meilleur film au pire (et pour relire les tops des années précédents, voici ceux de 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017).
Merci de rester fidèles à ce rendez-vous, après ces huits années. Merci également à toute l'équipe du podcast MDR, qui s’enquille également ces films –ensemble, on est plus fort.
Et maintenant, place au meilleur du pire.
25. «Le grand bain»
Pédiluve pour tous
Ne cherchons pas plus loin le grand vainqueur de l’édition 2018: c’est le succès populaire mérité d’une comédie ultra positive, qui transforme des losers flamboyants en héros d’un samedi soir. Il s'agit aussi du film de la revanche absolue pour Gilles Lellouche, qui après des années de rôles de gros beauf avait presque fait oublier le sympathique Narco.
Le grand bain est ce cas trop rare où un petit miracle se produit –le bon casting, le bon script, le liant nécessaire. Chacun trouve sa place ici, de Benoît Poelvoorde à Philippe Katerine, absolument magistral.
Mais le plus important, c'est que contrairement à de nombreuses comédies, les personnages finissent par s'élever au lieu d’être humilié. Et en 2018, Le Grand Bain a fait cela mieux que les autres.
24. «Au poste!»
Dupieux débouche le champagne.
Tout le monde est surpris par le succès de Au poste!, Quentin Dupieux en premier lieu. Les fans savaient pourtant que ce jour arriverait. Le film relate un interrogatoire entre un commissaire et son suspect en garde à vue, et plein de trucs bizarres arrivent tout autour d’eux.
Le plus étonnant, c’est qu'un film d'une heure et treize minutes arrive quand même à se payer le luxe d’avoir un gros ventre mou au milieu, avant de terminer sa pochade avec panache.
Quoiqu’il en soit, pour la micro-économie du cinéma de son réalisateur, Au poste! est un carton, dont on reparlera dans les rétrospectives à la Cinémathèque en 2050 comme d’un «Dupieux important». Bravo, Quentin.
23. «Le retour du héros»
Comme un air de Cyrano
Après des années à désespérer –souvenons-nous d’Un homme à la hauteur ou d’Astérix et Obélix: au service de Sa Majesté–, Laurent Tirard nous sort la comédie imparable avec un Jean Dujardin revenu au firmament de sa drôlerie.
L'histoire d’un capitaine lâche qui revient au bercail et qui joue au héros est désopilante. Il n'en serait rien sans celle qui lui a écrit un rôle sur mesure durant son absence, la surprenante Mélanie Laurent, qui se donne entièrement à la tâche.
Derrière la comédie d’aventure façon Broca et Rappeneau, Le retour du héros est un peu le hors-série inattendu de OSS 117 à l’époque napoléonienne.
22. «Tout le monde debout»
Jouer avec le malaise, version long-métrage
Franck Dubosc qui prétend être handicapé pour séduire une femme en fauteuil roulant jouée par Alexandra Lamy: tout paraît malaisant comme un Dubosc qui patauge pour expliquer ses prises de position tantôt «gilets jaunes», tantôt pas du tout.
Reste la surprise: Tout le monde debout est le film le plus Dubosc de l’univers, c’est-à-dire un conglomérat de vista incroyable et de fragilité, comme un château de cartes qui menace de s’écrouler à chaque vanne de fauteuil qui ne passe pas la porte. Et pourtant, ça fonctionne, sans que cela ne soit insultant, sans sentir ce sentiment de gêne traversant l'échine.
À la fin, la grande victorieuse est Alexandra Lamy, qui cette année joue la meilleure saison de sa vie –comme on dit au foot.
21. «Le poulain»
2018, l’année Lamy
Double impact en 2018 pour Alexandra Lamy donc, avec cette fois un rôle de dircab' vapoteuse qui coache un candidat à l'élection présidentielle. C’est le coup réussi de Mathieu Sapin, qui adapte sa propre BD: lui donner un rôle d’horrible personnage.
L'actrice est merveilleuse en némésis arriviste, à tel point que l'on se demande si elle n’aurait pas du potentiel dans une carrière plus audacieuse –pour ne pas dire tumultueuse– comme Isabelle Huppert.
Si la critique n’est jamais très acerbe à cause des personnages fictifs, Le Poulain est divertissant et particulièrement bien réalisé. L’année Lamy, c’est certain.
20. «Le doudou»
Vannes transitionnelles
Le doudou, seule comédie grand public qui ose faire une blague sur les nazis, se vautre un peu au box-office –y'a pas de justice. Kad Merad embarque Malik Bentalha à la recherche du doudou de sa fille; s'en suit toute une série de péripéties.
On assiste évidemment à une succession de petites scènes improbables, où l’on trouve la fameuse blague nazie, mais aussi Élie Semoun en gourou d’une secte, Guy Marchand et le très sous-coté David Salles dans le rôle d’un maître-chien complètement barré.
19. «I Feel Good»
«Tomber la chemise», le film
Énorme sursaut qualitatif de la part du duo Delépine-Kervern pour I Feel Good, avec en bonus un Dujardin en très grande forme.
L'acteur, qui n’est jamais meilleur que quand il joue les idiots sûrs de lui, incarne ici Jacques, arnaqueur patenté et dépositaire de la philosophie de la gagne façon start-up nation. En gros profiteur qu’il est, il se rend chez sa sœur Monique (Yolande Moreau, géniale), responsable d’un village Emmaüs. La communauté est tout simplement fascinante, et voir Dujardin faire l’affreux jojo a quelque chose d’explosif.
Il est toujours délicat de faire un film drôle et politique à la fois. Après de nombreuses tentatives plus ou moins réussies, et plus ou moins brouillonnes, Delépine et Kervern trouvent enfin une mélodie, celle que l'on fait avec du matos de récup et des bouts de ficelles.
18. «Ami-ami»
SOS romcom en danger
Pourquoi les romcoms ont-elles petit à petit disparu? Chaque année, ce mystère s’épaissit un peu plus. En 2018, rappelons que les trois films de la Saint-Valentin ont été Black Panther, Phantom Thread et Belle et Sébastien 3.
De ce Omaha Beach du film léger et du casting dont on tombe amoureux se dégage un groove différent et décalé, malgré un mensonge absolument improbable –il faudrait écrire un livre sur le pipeau comme unique moteur d’une comédie aujourd’hui.
Ami-ami est porté par de jeunes gens plein de talent, William Lebghil et Margot Bancilhon –que l'on aimerait voir plus souvent–, et par un Jonathan Cohen qui s’est désormais fait un nom en sniper imparable.
17. «Neuilly sa mère, sa mère!»
La comédie testament du Parti socialiste
Vous n’avez jamais voulu d’une suite à Neuilly sa mère!, et pourtant, la voilà. Cette fois-ci, on inverse les situations et c’est la très bourgeoise famille de Chazelle qui se retrouve dans la cité Picasso à Nanterre.
Très vite, Charles va monter les échelons de la municipalité en énorme opportuniste, caricature hybride de Jean Sarkozy et d'Emmanuel Macron. Comme le précédent film, le scénario semble avoir été écrit à coups de pages 2 du Canard enchaîné.
Si l’intrigue et tous les personnages sont moins intéressants que dans le premier, on ne manquera pas d’apprécier les caméos masochistes des socialistes Arnaud Montebourg et, surtout, Julien Dray. Son sourire crispé devant le jeune génie de la politique démago, l’air de dire: «Ah, on s’est bien fait défoncer par le petit jeune», ne laisse aucun doute sur une chose: Neuilly sa mère, sa mère! est la comédie du socialisme désabusé.
16. «Bécassine!»
#Pasmacousine
Voilà le genre de film idéal pour les grands-parents. Déboussolés par les films Marvel, c’est précisément vers Bécassine! qu’ils se tournent, comme un lien générationnel: «Tu vas voir ce que c’était, les illustrés de mon temps, mon petit Hugo.» Évidemment, Bécassine sent la vieille France et la naphtaline. Comment pouvait-il en être autrement?
On se surprend en revanche à découvrir la fidélité de Bruno Podalydès au matériel d’origine, tout en évitant de faire de Bécassine une gourde complète. Elle l’est, c’est certain, mais c’est aussi une fille géniale et un grand cœur qui finit par sauver les gens pour qui elle travaille.
À ne pas louper, quelques minutes de la trop rare Vimala Pons.
15. «Le monde est à toi»
Lontrajmé
Plus qu’une envie de cinéma, il y a une vraie voracité dans Le monde est à toi; on pense pas mal aux premiers Guy Ritchie. Le film est parfois inégal, mais c’est un peu le risque que l'on prend en mélangeant Vincent Cassel, Isabelle Adjani, des Anglais et l’esprit Kourtrajmé.
L’empathie que l'on éprouve pour les personnages du film de Romain Gavras est remarquable, qu’il s'agisse de pickpockets, de mafieux, de complotantes ou simplement de son héros, qui rêve de franchiser Mister Freeze au Maghreb –big projet, quand même.
Étant donné que c'est le troisième film de ce classement avec Philippe Katerine, on peut dire qu'il est le héros surprise incontesté de cette année.
14. «Gaston Lagaffe»
M'enfin
En cette année «- 1 avant Nicky Larson», Gaston Lagaffe n’est pas l’horrible daube que tout le monde annonçait. Dans une année critique pour les adaptations –remember Les aventures de Spirou et Fantasio, Tamara Vol.2 et tant d’autres–, Gaston Lagaffe essaye tant bien que mal d’insérer des éléments qui font de la bédé de Franquin un monument du gag.
Bien entendu, c’est impossible; on a déjà vu combien c’était compliqué avec Boule et Bill 1&2, alors l’œuvre de Franquin, imaginez! C’est sans doute ça, le principal défaut de ce film: il y a tellement d’éléments et de gags cités que l’histoire manque de liant.
S’il y a une réussite, c’est celle du duo formé par l’incroyable Théo Fernandez et Alison Wheeler, Gaston et Mademoiselle Jeanne, qui font oublier les trop nombreux ventres mous du film.
13. «Larguées»
Regarde ta mère choper
Pourrait-on demander un moratoire sur les comédies basés sur le simple concept du départ en vacances? Parce qu’il faut vraiment avoir un sérieux propos pour éviter l'ennui. Deux sœurs essayent ici de rendre le sourire à leur maman qui vient de se faire plaquer.
Camille Cottin et Camille Chamoux ont une vraie énergie, qui tourne à vide pendant que Miou-Miou fait du tir à la carabine et de l'accrobranche. Pour mettre un peu de sel dans le néant de l’intrigue, un petit garçon essaye de remettre son père dépressif sur le chemin de l’amour.
Remake d’un film danois, Larguées est un film qui s’adresse avant tout aux fétichistes de Miou-Miou qui chope du beau quinqua. Je suis persuadé qu’il existe un public pour ça.
12. «Budapest»
Et si on arrêtait avec les pays de l’Est?
Ça commence comme une comédie habile sur le monde des écoles de commerce, pour finir par enfiler les pires clichés dégueulasses sur la Hongrie.
Au début, c'est l'histoire de deux jeunes gaillards qui montent leur entreprise d’enterrements de vie de garçon. Pourquoi pas. Mais très vite, le film répond à la promesse du titre, avec de nombreux allers-retours entre la France et la Hongrie, ou du moins une vision ultra caricaturale du pays: beuveries, sexe, armes, tout y est.
Malgré toute l'énergie débordante de Jonathan Cohen, Budapest est une expérience de cinéma désagréable. Le film essaye de trouver sa voie, se croyant si malin qu’il se termine en offrant littéralement un twist façon Les trois frères, le retour. Et ça, ce n’est vraiment pas bon signe.
11. «En liberté!»
Le choix des professionnels
Malgré une presse dithyrambique –et je pèse mes mots–, En liberté! m’a laissé complètement froid. Pas un rire, si ce n’est les cinq très bonnes premières minutes de Vincent Elbaz en proto-Belmondo. Est-ce la présence de la toujours excellente Adèle Haenel qui a valu un écho favorable à ce film? Ou peut-être son prix à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes?
Il y a clairement une atmosphère mélancolique dans l’histoire de cette policière qui découvre que son mari, mort en héros, était en fait un flic ripou. C’est même plus fort que ça, il y a quelque chose de poétique là-dedans.
Ce qui m’a le plus énervé, c’est que la plupart des vannes importantes reposent sur le fait que les gens ne se comprennent pas, soit métaphoriquement, soit physiquement, à cause des masques. Le reste des blagues essayent de se donner un genre un peu lunaire et burlesque. Quand à la caricature du monde de la nuit et du milieu SM, elle est digne d’un mauvais sketch parodique des années 1980.
10. «Les Tuche 3»
Les Tuche, démission
Le principal grief que j’ai envers Les Tuche 3, c’est de m’avoir fait croire que ce coup-ci, j’allais aimer. Les quinze premières minutes racontant l’arrivée de Jeff Tuche aux portes de l’Élysée sont désopilantes. Sauf qu'une fois au pouvoir, on s’emmerde pendant le temps qui reste. Si c’est une parabole de la vie politique française, c’est bien vu. Mais en tant que film, c’est tout simplement soporifique.
Au bout de trois films, tout le monde maîtrise à peu près son personnage, à commencer par Jeff Tuche, alias Jean-Paul Rouve, qui sort au moins trois fois ses laïus énumératifs. Celui qui s’est habilement exfiltré de l’entreprise, c’est Coin-coin, Théo Fernandez, qui n'apparaît que dans trois scènes, sans doute tournées fissa à l’iPhone –bien joué!
Allez, c’était bien essayé. Sans rancune et rendez-vous pour le numéro 4.
9. «Les affamés»
Zebda pour les jeunes
Quand on vous vend la révolte de la jeunesse et que l'on voit ces mêmes kids ralentir les travailleurs en col blanc dans les escalators de la Défense, on se dit que la révolution, elle a bon dos.
Basé sur le livre de Léa Frédeval qu’elle adapte elle-même à l’écran, Les affamés tient un très bon sujet social, celui du ras-le-bol des stagiaires, de leur précarité et la difficile entrée dans le monde du travail. Mais regroupés dans une sorte de film choral, ces thèmes épuisent. La morale improbable de ce récit est d'ailleurs que l’héroïne, interprétée par Louane Emera, sera sauvée par McDo, où elle retourne des burgers.
Ils sont «motivés», ils sont «unis», ils «ne lâchent rien», ils ne vont «pas se laisser faire», mais finalement, on est face à une comédie sociale qui pompe l’air.
8. «Taxi 5»
Il faut sauver le soldat Farcy
Bernard Farcy comme maire de Marseille, quelle idée géniale! Dommage que ce soit la seule.
La grande tradition des Taxi, c’est la connerie. Je ne dis pas ça comme un défaut, il s'agit de l’ADN de la saga. Et sur ce plan, Taxi 5 remplit le cahier des charges: un peu raciste, assez nul en plus d’être paresseux, à l’image du recyclage des musiques des précédents volets. L’héritage et le lore de Taxi pèsent très lourd, au point d’utiliser de nombreux flashbacks et de répéter à quel point le duo Naceri-Diefenthal était génial.
On y retrouve également quelques gimmicks de Franck Gastambide, le nouveau réalisateur: des courses-poursuites avec des nains, mais aussi des vannes sur les gros, parce que pourquoi pas?
Le pauvre Malik Bentalha n’a pas l’air très content d’être là, surtout quand il se met à nu dans un strip-tease un peu piteux. Pauvre Malik, rappelle-toi que ça aurait pu être pire: il s’agit quand même d’une production Luc Besson.
7. «Alad’2»
Le retour de la flûte dans le uc
La fameuse «flûte dans le uc», le meilleur gag du premier opus, revient ici en version méta, quand tous les génies se mettent à scander le nom d’Aladin, resté dans la légende. C’est fun, et un peu triste à la fois.
La promesse d’un Éric vs Ramzy, deux génies forts en gueule dans le monde d’Aladin, je dis oui. Mais assister au spectacle poussif d’une suite qui essaye de retrouver les mêmes moments, le même tempo que le premier volet, je dis stop.
Dans Alad'2, Jamel Debbouze nous sort son meilleur Jamel, à savoir la prononciation hasardeuse et rapide, tandis que Kev Adams est un peu en pilote automatique.
Une blague rigolote quand même, qui ne repose pas sur du recyclage: un caméo autoparodique de Gérard Depardieu qui vaut le coup d’oeil –il dure trente secondes, donc ne vous endormez pas.
6. «Les Déguns»
Le film collector de l’année
Pour l’instant, les YouTubers n’ont pas encore trouvé une place durable dans les salles de cinéma, n’arrivant qu’au compte-gouttes dans le petit monde des comédies françaises. C’était sans compter sur Les Déguns. Nono et Karim font une effraction, passent par la fenêtre sans crier gare et sans prévenir personne.
Les Déguns est l’adaptation cinématographique de leur web-série populaire. J’ignorais tout de leur univers avant de pénétrer dans la salle 14 du Gaumont Aquaboulevard, seul bastion où l’on pouvait découvrir ce film à Paris. Et bon sang, je n'ai pas été déçu du voyage.
Les Déguns sont deux losers marseillais qui se retrouvent dans un camp de redressement. Suivent des blagues pipi-caca vraiment nulles et des caméos improbables, dont le déjà mythique Cyril «Baba» Hanouna venu témoigner à la barre de la bonne foi des Déguns. Rien ne fonctionne, mais hé, ils ont l’air de s’être fait plaisir et on est content pour eux.
5. «Love Addict»
Le Coeur des hommes junior
«Kev Adams dans son premier rôle adulte.» Restez-là, n’ayez pas peur, ça veut juste dire que désormais, il porte un costume. Sorte de Don Draper du pauvre, il vit chez son oncle, joué par Marc Lavoine dans une variante de son personnage du Coeur des hommes, c’est-à-dire le vieux queutard à la dérive.
Le personnage incarné par Kev Adams est sous le coup d'une malédiction: il ne peut s’empêcher de coucher avec toutes les femmes qu'il croise, et aucune ne lui résiste. Il entreprend une thérapie avec une coach, chargée d’une certaine manière de le faire débander.
Mélanie Bernier fait tout ce qu’elle peut pour rendre la situation crédible, mais on la plaint. Son rôle de castratrice la rend malheureusement très antipathique. C’est aussi le problème fondamental de cette romcom: Love Addict repose sur l’idée que la sexualité est honteuse et qu’il faut la soigner, par électrochocs si besoin.
Serait-ce pour ne pas choquer le public de Kev Adams qu'il fait tout pour ménager la chèvre et le chou? On ne peut pas à la fois s’encanailler et la jouer comme dans Soda. Jamais suffisamment frappant, ni sage, ni fripon, Love Addict est une endive moite, un sommet d'auto-congratulation, et plus simplement un exemple de très mauvaise romcom.
4. «Le jeu»
Spectacle bourgeois à l’exportation
Dans la salle, des gens ont rigolé quand l'un des personnages a fait son coming out. C’est toujours un souci quand les gens rient de bon cœur pendant les scènes de malaise.
Beau succès donc pour le film le plus consternant de Fred Cavayé, qui continue un arc de carrière vraiment à part. Des polars ultra nerveux, il est passé à la comédie avec le noir et réussi Radin!. Il aurait tort de s'en priver: les comédies constituent désormais ses plus gros succès.
Le jeu se fourvoie dans tout ce dont il veut se moquer: les bourgeois, les mœurs, les moyens de communication, les vegans… N’en jetez plus, de toute manière, c’est le remake d’un film italien qui a déjà été adapté en Espagne, en Turquie et en Corée, en attendant la version mexicaine, polonaise, allemande, chinoise et suédoise. Ça en dit long sur la valeur du cinéma, simple archétype que l'on se refile de pays en pays, interchangeable et finalement irritant.
De toute manière, ça n’a aucune importance parce que, comme dans toute fin paresseuse, tout cela n’était qu’un rêve.
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3. «Amoureux de ma femme»
Male gaze mon amour
On peut voir Amoureux de ma femme comme une fable ironique qui pastiche Bertrand Blier. On peut surtout y voir un petit spectacle exécrable de deux vieux gars, Daniel Auteuil et Gérard Depardieu. Ce dernier lui présente sa nouvelle copine, jouée par Adriana Ugarte, tout simplement la moitié de son âge. Daniel Auteuil, qui réalise aussi, tant qu’à faire, va fantasmer sur elle durant l’heure et demie interminable que dure cette romcom.
Vacances à Venise, repos dans le sud de la France, tous les événements pathétiques du film se déroulent dans la tête d’Auteuil au cours d’un dîner gênant. Et à la fin, aucun mal n'a été fait; il ne s’est rien passé, parce que tout n’était qu’un rêve.
Adapté d’une pièce de Florian Zeller, Amoureux de ma femme redéfinit pour l’éternité la notion de perte de temps.
2. «Mme Mills, une voisine si parfaite»
Sophie Forever
2018 aura été l’année de Pierre Richard grimé en vieille Américaine pour voler une œuvre d’art à Sophie Marceau, réalisatrice de ce long-métrage.
Petit à petit, il devient son confident, puis l’égérie d’une collection de romans à l’eau de rose, avant que l’histoire ne se téléporte en Chine. Sans. Que. Personne. Ne. La. Trouve. Un. Peu. Bizarre, cette vieille dame avec son accent anglais bidon.
Sophie bascule en roue libre, état qu’on ne lui avait pas connu depuis Belphégor (2001), et personne n’essaye d’arrêter Pierre Richard, qui s’enfonce dans le malaise. Il existe peu de vérités absolues dans l’univers, à part une: Mme Mills, une voisine si parfaite provoque chez la personne qui le regarde un profond embarras. C’est scientifique.
1. «Les municipaux, ces héros»
«Gilets jaunes» Origins
Non, ce n’est pas vraiment une vanne sur les protestataires, c’est juste un fait: sur l’affiche du film, les Chevaliers du fiel portent les fameux gilets jaunes qui font la une des journaux. Et à la place du mouvement, je porterais plainte pour ne pas être associé à ce film.
Au programme, un employé municipal prend sous son aile un petit nouveau et lui explique comment ne rien foutre de la journée. On peut leur reconnaître une certaine tendresse avec leurs personnages, tous bons vivants élevés au Pastis, pas si éloignés justement de Gaston Lagaffe.
La ressemblance s’arrête là, car les rebondissements classent Les municipaux, ces héros dans la catégorie des nanars. Le comique du «bon sens populaire», celui du gros flemmard caractérisé, est un classique universel. Mais les Chevaliers du fiel propulsent à un degré inimaginable la nullité et l’ineptie. Le pire, c’est que l'on a du mal à les croire sincères, comme si tout le projet ne reposait que sur un positionnement marketing démagogique.
Sorti le même jour qu’Avengers: Infinity War, le film a fait suffisamment recette pour annoncer une suite. L’ironie, c’est que ces Municipaux 2 sortiront à nouveau le même jour que le prochain Avengers. On n’a peut-être pas les héros que l'on voulait mais, c’est certain, on a ceux que l'on mérite.