Culture

Cinq films pour celles et ceux que la magie de Noël indiffère ou exaspère

Allergiques aux traditions, aux réunions de famille ou aux sapins, il y a forcément un film pour vous.

Billy Bob Thornton dans «Bad Santa» de Terry Zwigoff (2003) | Capture d'écran via YouTube
Billy Bob Thornton dans «Bad Santa» de Terry Zwigoff (2003) | Capture d'écran via YouTube

Temps de lecture: 7 minutes

Décembre. Ce mois de frénésie, de verres de vin chaud, d'emplettes à n'en plus finir. Ces chansons de Mariah Carey, ces calendriers de l'Avent pour adultes, ces après-midi entiers dédiés aux films de Noël... Sur M6, comme chaque année, le rythme est de deux chefs-d'œuvre par jour, six jours sur sept. Les titres suffisent à faire envie: avec Mon beau sapin, La liste de Noël, Noël sans cadeaux, Le bébé de Noël, Les 12 vœux de Noël ou encore Mademoiselle Noël, on nous promet mille bons sentiments à la seconde, des atmosphères enneigées et de chastes baisers devant le sapin.

Netflix n'est pas en reste, proposant des cargaisons de films de Noël, à binge watcher le week-end en mangeant des Kinder Schokobons. Il m'a suffi de taper «Noël» dans la barre de recherche pour être aussitôt enseveli.

Pendant ce temps, les personnes que Noël déprime ou angoisse ont juste envie de disparaître jusqu'au 26 décembre. Ou jusqu'au 1er janvier, afin d'éviter aussi la Saint-Sylvestre. Ou peut-être jusqu'au 1er février, pour ne pas se taper les vœux. Plombées par les décorations de Noël, les préparatifs pénibles, la fausse candeur qui se dégage de tout cela, les Noëlophobes souffrent.

La liste de films qui suit n'allégera pas forcément leur fardeau. Elle pourra en tout cas éviter de l'alourdir, et leur faire comprendre que partout, il y a des femmes et des hommes qui partagent leur façon d'envisager Noël. C'est-à-dire de façon désabusée, décalée ou totalement désintéressée.

À la recherche de Turbo Man

Quand j'étais ado, Noël me filait déjà le cafard. Sans raison apparente, puisque j'ai une famille aimante et que j'ai toujours été très gâté. Sans qu'il y ait de réflexion politique poussée derrière cela, je crois que le mercantilisme absolu de cette fête me mettait profondément mal à l'aise. Ne le croyez pas si vous voulez, mais La Course au jouet m'a fait beaucoup de bien. Oui, le film avec Arnold Schwarzenegger. Les fans de Star Wars pourront d'ailleurs y retrouver aussi Jake Lloyd, le futur Anakin Skywalker.

Je me souviens que La Course au jouet avait récolté la note minimale dans Première, mon magazine de référence de l'époque, mais que j'avais fini par le regarder, un matin de désœuvrement, alors qu'il passait sur Canal+ (vous vous souvenez de Canal+?). Le réalisateur Brian Levant (Beethoven et l'adaptation live des Pierrafeu) n'est clairement pas Frank Capra, mais le film fonctionne assez bien quand même.

La Course au jouet, c'est l'histoire d'un père jamais là quand il faut, qui a oublié d'acheter LE jouet tant désiré par son fils, et qui tente de se rattraper la veille de Noël en partant à la recherche du fameux Turbo Man, en rupture de stock depuis des lustres. Sa rivalité avec un autre père aussi à la ramasse qui ne lui facilitera pas la vie, pas plus que les embûches qui vont se présenter à lui tout au long de la journée.

Plus la journée avance, plus le fiasco se précise pour le héros, et plus il agit de façon bête et méchante. C'est en tout cas l'impression que donne un scénario souvent un peu idiot, mais qui retranscrit bien la folie que constitue cette course au cadeau, censé pouvoir panser toutes les plaies et faire oublier tous les manquements de l'année. Évidemment, la morale finale est très niaise (le gamin récupère son fameux Turbo Man mais le file au gamin du papa rival, parce qu'avoir un père aussi «génial» que celui joué par Schwarzie suffit à son bonheur). Mais La Course au jouet donne néanmoins l'impression de nous avoir expliqué en filigrane pourquoi Noël était une fête d'imbéciles. Ce qui peut faire du bien.

Le sapin de Danny Trejo

Au départ était Harold et Kumar chassent le burger, un stoner movie réalisé par Danny Lerner, connu pour le culte Eh mec, elle est où ma caisse? et décédé récemment. L'histoire de deux types fumant trop de joints et tentant tant bien que mal de rallier leur fast-food préféré. Après une deuxième aventure nommée Harold et Kumar s'évadent de Guantanamo, on a pu découvrir en 2011 le dernier volet de la trilogie, Le Joyeux Noël d'Harold et Kumar.

Le film raconte comment Harold (John Cho) tente enfin de mener une vie d'adulte, reçoit pour Noël la famille de sa fiancée sud-américaine, et doit courir à la recherche du sapin parfait après qu'un début d'incendie provoqué par Kumar (Kal Penn) a détruit le sien. Le tout sous le regard pas bienveillant du tout d'un beau-père excellemment incarné par le flippant Danny Trejo, yeux de tueur et pull de Noël.

Allez, prenons des risques: cet épisode de Noël est sans doute le plus jubilatoire de la série, notamment parce qu'il monte en gamme niveau mise en scène. Il faut dire que le film a été tourné pour être projeté en 3D, ce que sa sortie française en VOD a évidemment passé sous silence. Même en deux dimensions, on sent bien que Le Joyeux Noël d'Harold et Kumar exploite à merveille les fonctionnalités du relief, en nous jetant mille choses au visage (parmi lesquelles un œuf, des excréments et un pénis en pâte à modeler).

Il serait assez exagéré de dire que le film a du fond, mais il n'empêche que cette aventure porte en elle toute l'absurdité des courses contre la montre dont la période de Noël raffole tant. Risquer mille fois sa vie pour ramener le sapin parfait, tout cela afin de respecter une tradition dont on a oublié l'origine, c'est le genre de sentiment qui peut accabler celles et ceux qui ne ressentent réellement pas la magie de Noël, et préféreraient clairement s'asseoir sur le perron de la maison familiale et fumer un joint (ou boire un café, pas d'injonction) entre potes.

Les miracles d'Arnaud Desplechin

Loin, très loin de Schwarzie et Danny Trejo, on peut aussi s'installer dans la partie bourgeoise de Roubaix, et y passer un Noël fictionnel en compagnie du clan Desplechin. Je tiens Un conte de Noël pour son meilleur film, ce qui me vaudra sans doute plus de réactions que pour la trilogie Harold et Kumar, mais je défendrai mon opinion jusqu'à la mort.

Il faut entrer dans Un conte de Noël, qui ne démarre pas de la façon la plus chaleureuse qui soit: c'est tout de même l'histoire d'une famille dont la matriarche a besoin d'un don de moelle osseuse, laquelle ne peut lui être fournie que par un petit-fils instable ou un fils exclu de la famille. Il n'empêche: plus le film de Desplechin avance, plus il tourne autour de Noël (festivités et préparatifs), plus il se produit quelque chose d'incroyable.

Tous les membres de cette famille ne sont pas extrêmement fonctionnels. Il arrive à certaines ou à certains de se montrer désagréables. Il y a des frictions, des débuts de bagarres, de vieilles aigreurs qui remontent. Il y a des conversations hallucinantes comme celle où Junon (Deneuve, impériale) explique chaleureusement à son fils Henri (Amalric, inconfortable) qu'elle ne l'a jamais aimé, et où il reconnaît que c'est réciproque.

Et pourtant, on crève d'envie d'appartenir à cette famille-là. De faire le sapin avec elle, d'être là pour le spectacle préparé par les enfants, d'aller chercher des bouteilles à la cave avec Jean-Paul Roussillon. Ça donne envie parce que ça ne triche pas, ce qui rend d'autant plus beaux tous les bons sentiments.

C'est aussi un film duquel un personnage génial peut disparaître en cours de route parce qu'il n'a pas pour habitude de fêter Noël. Il faut voir Faunia, interpétée par Emmanuelle Devos, reprendre le train et rentrer chez elle afin de ne pas se soumettre à des traditions qu'elle n'a pas envie de faire siennes. Un conte de Noël est absolument salvateur. Il faut aimer le cinéma que d'aucuns qualifient avec jubilation de bobo-intello, mais à cette simple condition, c'est un délice absolu.

Des tics et des couacs

Dans le même ordre d'idée, mais en plus hollywoodien, signalons l'existence du méconnu Esprit de famille, qui raconte comment un week-end de Noël risque de tourner au fiasco à cause des relations compliquées qui unissent les membres d'une famille américaine.

La singularité du film de Thomas Bezucha, c'est que son héroïne est beaucoup moins «normale» et sympathique que la moyenne. Interprétée par Sarah Jessica Parker, Meredith Morton est anxieuse, coincée, sujette à des tics qui pourraient être des TOC, et l'injonction à être heureuse et souriante durant Noël lui fait clairement du mal. Rencontrer sa belle-famille à l'occasion des fêtes n'est clairement pas la situation la plus confortable du monde.

De façon plus globale, le film entend jouer avec les conventions de genre et avec la notion de norme. C'est ainsi que parmi les convives, on trouve un couple homosexuel formé de deux hommes sourds, l'un étant blanc et l'autre noir. Des personnages insuffisamment exposés sur l'intégralité du film, mais dont la présence permet de dynamiter quelques clichés –et de brocarder l'esprit étriqué du personnage de Sarah Jessica Parker.

Père Noël = ordure

J'ai l'impression que le film a mal vieilli et que ses défauts semblent plus énormes d'année en année, mais je ne peux décemment pas passer à côté de Bad Santa, réalisé par Terry Zwigoff. J'en profite pour lui adresser un message: Terry, tu me manques. Après un documentaire sur Robert Crumb dans les années 1990, puis une adaptation tellement chouette du Ghost World de Daniel Clowes, Zwigoff a donc réalisé Bad Santa, puis un Art School Confidential franchement bon. Puis il s'est évaporé. Pas de nouvelles depuis 2006, hormis la réalisation d'un pilote pour Amazon en 2017. Un peu triste.

Si vous voulez du Noël truffé de désillusions et de mauvais esprit, il n'y a rien de mieux que Bad Santa. C'est l'histoire de Willie, un type pas recommandable du tout, aussi misanthrope que filou, qui parvient à se faire engager comme père Noël d'un grand magasin et tente d'en profiter pour repartir avec l'intégralité du rayon bijouterie. Alcoolique, crasseux, queutard, Willie n'est pas exactement le genre d'homme à qui il faudrait confier des enfants. Mais c'est pourtant ce qui arrive.

Le scénario de Glenn Ficarra et John Requa (les génies de I love you Phillip Morris, hélas rentrés dans le rang depuis) parvient à offrir à Willie une forme de rédemption tout en préservant la nature même du personnage, c'est-à-dire un être foncièrement détestable, à mille lieues du sacro-saint esprit de Noël. Il finit par prendre sous son aile un gamin livré à lui-même, aussi candide que crado, victime de harcèlement de la part d'une bande de petites vermines. Et sur le thème de l'union fait la force, la réaction de Willie met du baume au cœur. Du mauvais esprit mais de bonnes actions: voilà sans doute le cocktail qui m'aiderait à trouver Noël plus supportable.

Vous pouvez aussi continuer à préférer un Noël cinématographique ressemblant à ceci:

Personne ne vous juge. Tant que vous ne nous imposez pas de visionner l'intégralité des films de la liste.

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