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La nouvelle gauche latino-américaine de López Obrador

Le nouveau président mexicain entre en fonction le 1er décembre. Alors que le Brésil vire à l’extrême droite et que la Colombie redevient conservatrice, Andrés Manuel López Obrador incarne la nouvelle gauche latino-américaine. Mais de quelle gauche s’agit-il?

Andrés Manuel López Obrador à Mexico le 29 octobre 2018 | Ulises Ruiz / AFP
Andrés Manuel López Obrador à Mexico le 29 octobre 2018 | Ulises Ruiz / AFP

Temps de lecture: 13 minutes

«Notre gauche est une sorte de mélange des différentes gauches latino-américaines. C’est un cocktail. Mais pas un cocktail Molotov!» Marcelo Ebrard n’est pas un rigolo. Lorsque je rencontre l’ancien maire de Mexico dans son bureau au centre-ville de la capitale –il devient ce samedi le nouveau ministre des Affaires étrangères du pays–, il ne fait guère preuve de sens de l’humour. Sa formule n’en est que plus inattendue: la gauche mexicaine ne serait pas un «cocktail molotov»!

Ebrard fut l’un des successeurs de López Obrador à la tête de la municipalité de Mexico, l’entité centrale de cette mégalopole de plus de vingt millions d’habitants et habitantes. Il connaît parfaitement Andrés Manuel López Obrador, surnommé AMLO. Il a été son ami, puis son opposant; il s’est présenté contre lui aux primaires de 2012; il sera désormais le chef de sa diplomatie. Le nouveau président mexicain, élu au suffrage universel le 1er juillet dernier, entre en fonction ce samedi 1er décembre.

La gauche mexicaine, une auberge espagnole

 

Lorsque j’ai tenté de comprendre ces dernières années la gauche mexicaine, au cours d’une dizaine de voyages sur place, chaque année depuis 2009, un certain brouillard idéologique m’a toujours frappé. Pour les uns, la gauche mexicaine serait castriste et chaviste; les guérillas ne sont pas loin et le coup d’État révolutionnaire inévitable en cas de victoire électorale. Pour les autres, le gauche serait à ce point pragmatique qu’elle aurait abandonné le peuple pour plaire aux yankees américains et oublié les droits de l’homme pour tenter de juguler la violence narco-traficante. Entre ces deux extrêmes, toutes les lectures sont possibles: il existe une gauche catholique et une autre sécuritaire; une gauche rurale et une proche des guérillas; une gauche bobo et une autre encore indigène; sans oublier une gauche marchande qui vit principalement du commerce avec les États-Unis.

Marcelo Ebrard, ex maire de Mexico et nouveau ministre des Affaires étrangères | Lars Hagberg / AFP

Le PRD, ou Parti de la révolution mexicaine, a longtemps représenté cette coalition des contraires: les libéraux et les trotskistes, les écolos, les catholiques et les syndicalistes, tous se retrouvaient dans cette force politique attrape-tout. «C’était une synthèse, mais aussi une auberge espagnole», m’a dit José Woldenberg, un important intellectuel mexicain, qui fut parmi les co-fondateurs du PRD. Lequel a ajouté: «J’aimerais que la gauche mexicaine devienne social-démocrate, ce qui montrerait qu’elle a pris en compte la liberté et l’égalité et qu’elle s’éloigne de l’expérience cubaine et vénézuélienne».

Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard reconnaît la nécessité de l’unité mais tout en n’ignorant rien des singularités de la gauche de son pays: «La gauche mexicaine, c’est deux choses. D’abord, une nécessité ici: 53% de la population est dans la pauvreté et depuis vingt-cinq ans cette situation n’a guère évolué. La gauche doit donc réformer l’économie pour sortir les gens de la misère. Ensuite, la gauche mexicaine c’est une agrégation de partis, de mouvements, tous un peu divisés en chapelles».

Les gauches de López Obrador 
 

Dans cette équation complexe, où se situe Andrés Manuel López Obrador, qui à 64 ans devient le nouveau président mexicain? «AMLO est plus à gauche que moi», m’a simplement dit Marcelo Ebrard, ce qui veut tout dire –ou rien. 

Pour Enrique Krauze, un célèbre éditorialiste mexicain, que j’ai interviewé à Mexico, la pente possible des leaders de gauche c’est de devenir, comme Castro ou Maduro, des «redeemers» (des «rédempteurs», ceux qui veulent réparer les péchés du passé en faisant la révolution). AMLO n’est pas à l’abri de cette critique. Sera-t-il un président révolutionnaire? Nous verrons.

AMLO a résolu la quadrature du cercle: incarner une gauche à la fois souverainiste, anti-capitaliste et écologique et s’attaquer à la corruption ou aux pots de vin

Vieux routier de la politique, éternel prétendant au poste suprême, AMLO fut l’une des figures emblématiques du PRD. En son nom, il a été élu maire de Mexico, dont il a fait, me disent ses proches, «un laboratoire politique de grande envergure». La ville de Mexico, qui représente 15% de la population du pays, mais seulement 1% de son territoire, aurait nourrit ses expérimentations politiques. «Depuis des décennies, la gauche mexicaine s’est construite dans la ville de Mexico», m’a dit Martí Batres, alors élu local, et aujourd’hui nouveau président du Sénat. «Ma vision était de bâtir une communauté. Les problèmes de sécurité, par exemple, illustrent un défaut de communauté. Ce n’est pas simplement une question de politique publique, d’État providence ou de sécurité, c’est d’abord une question de relations aux autres», m’a expliqué l’ancien maire Marcelo Ebrard.

Après la mairie de Mexico, AMLO a porté à deux reprises les couleurs du PRD pour la présidentielle (2006 et 2012). Bientôt, pourtant, il crée son propre mouvement dit «de régénération nationale», baptisé MORENA. Celui-ci connaît ses premiers succès lorsque la gauche, notamment le PRD, accepte de gouverner avec la droite dans une grande coalition d’union nationale. AMLO, qui refuse ce pacte contre-nature, décolle dans les sondages et MORENA avec lui. C’est sous cette étiquette qu’il vient d’emporter la présidentielle. «MORENA a réussi à s’imposer parce que le PRD, qui était la force la plus importante à gauche, a décidé de gouverner avec la droite. Ce pacte a été un désastre pour la gauche. C’était une erreur stratégique et AMLO en a profité», m’a confirmé Marcelo Ebrard. La victoire d’AMLO et de son parti dissident semblent même avoir signés l’arrêt de mort du PRD!

Pour s’être éloigné de l’ADN de la gauche mexicaine, la plateforme qui a porté au pouvoir le nouveau président n’en est pas moins résolument de gauche: elle propose la gratuité de l’école et des soins, l’augmentation du salaire minimum et une politique économique rationnelle qui s’appuie sur un État providence renouvelé (une sécurité sociale pour tous et toutes, des aides financières massives aux jeunes, de meilleures retraites). Elle se veut gay-friendly, écologique, pro-«indigènes» et favorable aux start-ups. C’est d’ailleurs sur ce terrain des valeurs, des mœurs, de l’écologie et des technologies que AMLO a marqué des points.

En s’attaquant par exemple aux grands conglomérats industriels étrangers, responsables selon lui de la déforestation, de la pollution des eaux ou de la marginalisation des communautés indiennes, il a résolu la quadrature du cercle: incarner une gauche à la fois souverainiste, anti-capitaliste et écologique et s’attaquer à la corruption ou aux pots de vin. Et, de fait, cette stratégie a payé: «Le parti Vert, au Mexique, est maintenant proche de la droite et il n’est plus écolo!», souligne l’intellectuel José Woldenberg.

Un nouveau caudillo?

Certains des détracteurs de López Obrador voient néanmoins en lui un populiste de gauche ou, comme on le dit en Amérique latine, un «caudillo». Est-il le populiste que la droite dénonce sans relâche, le pendant à l’extrême gauche d’un Bolsonaro brésilien, à l’extrême droite? On m’a fait remarquer qu’il traite les médias avec suspicion et qu’il a pu se montrer brutal avec ses ennemis politiques. D’autres m’ont signalé un personnage plus complexe, non dénué de contradictions et dont les entourages, organisés en cercles concentriques imperméables, vont de l’extrême gauche à la droite religieuse. D’autres enfin peinent à voir une nouvelle politique derrière les slogans et pronostiquent un certain statu quo de centre gauche.

Andrés Manuel López Obrador pendant sa tournée de remerciement à travers le pays, en septembre 2018 | Guillermo Arias / AFP

Jorge Volpi, un influent écrivain mexicain, m’a tracé le portrait de AMLO lors d’un dîner à son domicile: «López Obrador est très conservateur mais il est contre le système. C’est un vrai politique, très charismatique, très personnel. C’est un caudillo. Il incarne plutôt une gauche classique qui, au départ, ne comprenait pas grand-chose aux droits des femmes, à l’avortement, au mariage gay. Il n’a rien fait pour l’environnement non plus, lorsqu’il était maire de Mexico. Et pourtant, s’il a des allures très radicales, ce n’est pas du tout un Chavez: il s’est montré très pragmatique une fois élu maire».

Beaucoup de mes interlocuteurs à Mexico soulignent l’endurance, sinon la «résilience» de López Obrador. Il a un côté François Mitterrand, me dit-on, celui qui finit par gagner l’élection à force de se présenter et d’avoir usé tous ses adversaires.

«En 2006, López Obrador aurait dû gagner la présidentielle. Face à Felipe Caldéron, il n’a été battu que de 100.000 voix! La droite l’a emporté en le caricaturant comme communiste et en le dénigrant comme une sorte de Chavez mexicain», insiste Jorge Volpi. Une analyse que ne partage pas Jorge Castañeda, l’ancien ministre des Affaires étrangères du président Vicente Fox (droite), que j’ai également interrogé à son domicile, à Mexico: «López Obrador a perdu [en 2006] car il a suscité la panique des milieux économiques. Il a fait peur aux élites par ses propositions de gauche dure».

Les «43» d'Ayotzinapa
 

Un autre élément central des débats politiques mexicains concerne la violence endémique du pays. Souvent, on en parle comme d’une véritable guerre civile, ce que tendrait à confirmer les dizaines de milliers de morts annuels (23.101 assassinats en 2017, la plupart liés aux cartels de narco-traficants ou aux militaires).

Date symbole: en septembre 2014, quarante-trois étudiants d’une école normale rurale près d’Iguala, à une grosse centaine de kilomètres d’Acapulco, au sud du Mexique, étaient enlevés et assassinés. Dans les semaines qui ont suivi, le kidnapping est devenu affaire d’État, précipitant la chute du gouverneur de la région de Guerrero, la fuite du maire de la ville et déclenchant une crise politique sans précédent. Le scandale a atteint jusqu'au président Enrique Peña Nieto (PRI, droite), sévèrement critiqué. Cette affaire des «43» d'Ayotzinapa a mis en lumière un système inimaginable: des élus corrompus et infiltrés par les narcos; des policiers véreux; des membres de gangs protégés par la justice locale; des partis politiques littéralement pourris.

Manifestation d'hommage et de souvenir des  «43» d'Ayotzinapa, en septembre 2018 | Eric Chavelas / AFP

Mais la gauche n’est pas sortie plus indemne de cette affaire que la droite. Le maire corrompu d’Iguala, indépendant à l’origine, avait en fait rallié le PRD (gauche) et il fut personnellement soutenu par le candidat à la présidentielle de ce parti, Andrés Manuel López Obrador justement. A l’époque, beaucoup pensaient que la carrière d’AMLO serait brisée par cette affaire, et c’est ce que craignait, lorsque je le rencontrais, Martí Batres, le président de MORENA.

À l’entrée du siège national du parti, un slogan me frappait alors: «MORENA, la Esperanza de México». «La gauche est en grande difficulté à cause des 43 d'Ayotzinapa», m’a dit Batres. Le leader reconnaissait que la question de la violence devait être placée au cœur des préoccupations de la gauche, car ce sont les classes populaires qui souffrent le plus du terrorisme des cartels. Pour autant, Batres insistait sur le fait que la sécurité devait aller de pair avec la démocratie. «Une gauche démocratique ce n’est pas la même chose qu’une gauche autoritaire», m’a-t-il dit, insistant sur la nature «populaire», «laïque», «anti-corruption» et «fraternelle» de la gauche à laquelle il aspirait. (Depuis cet entretien, et à la suite des élections de juillet dernier, Martí Batres a été élu président du Sénat, il est entré en fonction le 1er septembre. Il sera l’un des hommes forts du nouveau Mexique).

Si «l’affaire des 43 d'Ayotzinapa a été un désastre pour la gauche», comme me le disait également Marcelo Ebrard, il n’est pas certain qu’elle s’accompagne d’une indispensable prise de conscience. Car la question demeure: Andrés Manuel López Obrador va-t-il prendre à bras le cœur les problèmes que cette affaire a révélés au grand jour? «Nous n’avons pas de Justice, pas d’appareil de justice, pas de parquet, pas de police fédérale», se désolait lorsque je l’interviewais l’ancien ministre des Affaires étrangères Jorge Castañeda (droite modérée).

Les 100 premiers jours

L’agenda des 100 premiers jours de la nouvelle administration López Obrador a été préparé minutieusement mais la lune de miel risque d’être de courte durée. Trois sujets majeurs attendent dès le 1er décembre le nouveau président: la question migratoire, la violence permanente, enfin le traité de libre-échange avec les États-Unis. Sur ces trois sujets, la marge de manœuvre du nouveau président pourrait être limitée.

Du fait d’actions politiques de grande ampleur menées par des migrants d’Amérique centrale récemment, l’immigration est déjà au cœur de l’actualité mexicaine. Elle devrait être pour AMLO plus qu’un baptême du feu. Celui qui a promis des emplois et des visas aux Mexicains, et critiqué les conditions d’accueil à la frontière américaine, se trouve pris au mot par des migrants étrangers venus, notamment, du Honduras. Alors que des campements de migrants s’installent sur le sol mexicain, le nouveau président ne pourra plus se contenter de prononcer de bons mots et d’offrir de bons sentiments. Il ne pourra plus guère critiquer les conditions déplorables d’accueil des migrants aux États-Unis, s’il n’offre pas de meilleurs refuges à des migrants venus du Sud, et qui sont encore plus pauvres!

AMLO qui fut pendant des décennies un virulent militant contre les traités de libre-échange, a fortement édulcoré son discours ces derniers mois.

À ce stade, AMLO a écrit à Donald Trump pour lui demander d’appuyer son plan de contrôle de l’immigration qui vise à la juguler à la racine: c’est en développant l’économie mexicaine que l’on résorbera l’immigration contrainte, a plaidé AMLO. Si les Mexicains peuvent trouver des emplois à domicile, ils seront moins contraints à émigrer. Mais Trump, qui se soucie d’abord de l’économie américaine, aura-t-il la moindre envie de satisfaire son homologue socialisant? Pour l’heure, AMLO a fait des concessions, bien conscient que l’économie mexicaine a besoin d’une bonne entente avec les États-Unis si elle veut espérer sortir de la pauvreté.

Sur la question de la violence endémique, symbolisée par «l’affaire des 43 d'Ayotzinapa», le projet d’AMLO est construit, lui aussi, sur une réponse économique. Mais son discours sur le sujet, souvent fait de platitudes, a tellement varié (du tout sécuritaire au quasi-laxisme) qu’il est difficile d’imaginer quelle sera véritablement sa politique. Les plus optimistes pronostiquent qu’il pourra peut-être articuler une stratégie pour «gérer» le problème, mais certainement pas pour mettre fin à la violence.

Enfin, AMLO qui fut pendant des décennies un virulent militant contre les traités de libre-échange (et donc d’abord de Nafta, le traité de libre-échange nord-américain signé avec les États-Unis et le Canada), a fortement édulcoré son discours ces derniers mois. Il a même accepté de soutenir la révision de ce traité, telle qu’elle vient d’être signée par le président en exercice, avant l’entrée en fonction d’AMLO. En revanche, il s’est montré inflexible sur la construction du coûteux nouvel aéroport de Mexico, dont il a annoncé l’abandon. Un symbole pour tenter de faire oublier ses futurs renoncements ?

 

L’exception mexicaine en Amérique latine

Andrés Manuel López Obrador inaugure sa présidence à un moment politique charnière pour l’Amérique latine. Au nord, le président américain Donald Trump a fait des Mexicains les boucs émissaires de sa politique. Au sud, le géant brésilien vient de basculer à l’extrême droite. Le modèle argentin de Cristina Fernández de Kirchner a vécu, et même le modèle chilien de centre-gauche de Michelle Bachelet semble épuisé. Les espoirs soulevés, un temps, par l’Équateur de Rafael Correa se sont évanouis, tout comme les promesses démocratiques d’Evo Morales en Bolivie, lorsqu’il a refusé de respecter les règles électorales pour se maintenir au pouvoir indéfiniment. Le Venezuela de Nicolas Maduro, de son côté, plonge dans la violence et la faillite économique totales. Quant à la Colombie, elle a rebasculé à droite.

Face à une Amérique latine qui n’est plus guère progressiste, le Mexique d’AMLO sera donc une exception. Va-t-il évoluer vers le Venezuela de Maduro, comme le prédisent ses détracteurs, ou sera-t-il une sorte de Lula mexicain, pour le meilleur ou pour le pire? Le charisme et la corruption en moins?

Il m’a plutôt cité, comme références, «Salvador Allende et François Mitterrand», mais aussi «Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela»

«Nous voulons créer une gauche qui soit ancrée dans notre histoire», m’a expliqué Martí Batres, alors président du parti MORENA, et désormais président du Sénat mexicain. Lequel a ajouté, l’air de rien, que cette tradition consistait aussi «à accueillir Trotski et les révolutionnaires espagnols». (Lors de notre entretien, Batres ne semblait guère prendre ses exemples dans le Brésil de Lula et Dilma Roussef, l’Équateur de Correa ou l’Argentine de Kirchner, bien que ceux-ci, au moment de notre entretien, étaient encore montrés en exemple. Il m’a plutôt cité, comme références, «Salvador Allende et François Mitterrand», mais aussi «Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela»).

Antonio Martínez Velázquez, un célèbre blogueur et activiste numérique mexicain, insiste pour sa part sur l’originalité de López Obrador. Selon lui, AMLO emprunte «des idées au Labour anglais et aux Espagnols de Podemos, mais tout en restant profondément mexicain» (d’autres me citent Matteo Renzi et François Hollande…). Martínez Velázquez est l’instigateur d’un groupe de jeunes intellectuels proches de López Obrador baptisé «Democratia Deliberative». Ceux-ci se réunissaient depuis quelques années au restaurant Covadonga, une cantine espagnole dans le quartier de Roma à Mexico. Le soir où je m’y suis rendu, une petite cinquantaine de personnes étaient réunies autour de Martínez Velázquez.

Ce dernier me disait alors que tout le monde était à la recherche du «Macron mexicain»! López Obrador répond-il aujourd’hui aux critères envisagés?

«Ce ne sera ni Castro, ni Lula, ce sera López Obrador», m’a expliqué plus récemment Martínez Velázquez, alors qu’il est aujourd’hui lui-même pressenti pour devenir le conseiller politique du nouveau ministre de la Culture du Mexique.

Un pragmatique au pouvoir?

Selon la plupart des personnes que j’ai interrogées ces dernières années, Andrés Manuel López Obrador serait d’abord un pragmatique. Ce n’est pas un idéologue. S’il a le verbe haut et s’il manie bien les symboles (il a annoncé vouloir se séparer de l’avion présidentiel, réduire son salaire de chef de la Nation et vouloir mener une vie austère en tant que président), il n’en est pas moins, avant tout, un bon communicant. Pour Marcelo Ebrard, son nouveau ministre des Affaires étrangères, «la gauche doit d’abord respecter la liberté et la démocratie»; elle doit ensuite «donner davantage de droits aux Mexicains et bâtir un sens de communauté»; il lui faut, enfin, «réduire la pauvreté le plus vite possible». Lui aussi, Ebrard ne définit pas la gauche de manière idéologique, mais d’une façon pragmatique. Il a ajouté d’ailleurs, lors de notre entretien: «Mais on ne va pas faire ça avec les idées du siècle dernier. On ne va pas augmenter sans limite les dépenses publiques ni étendre la participation de l’État dans l’économie. Non! Non! Non! On doit faire une politique de gauche avec les idées du XXIe siècle!».

Le nouveau président du Sénat mexicain, Martí Batres, me disait alors qu’il dirigeait encore le parti MORENA, que la gauche qu’il représentait était «une gauche favorable à la souveraineté du pays». Il insistait sur la nécessité de gagner en indépendance, ce qui signifie se distancier des États-Unis. «Nous sommes une gauche patriotique, démocratique et nationale», m’a résumé Batres.

Et alors que je lui demandais de définir positivement cette gauche que tout le monde présentait par la négative, le futur ministre des Affaires étrangères du Mexique, Marcelo Ebrard a conclu: «Eh bien, c’est difficile. C’est difficile de définir la gauche. Qu’est-ce que cela signifie, par exemple, d’être social-démocrate aujourd’hui au Mexique? Ou socialiste? Je ne sais pas».

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