Politique

À Athènes, François Hollande espère encore «changer le monde»

Vantant son action présidentielle au cours des crises traversées par la Grèce, l’ancien chef d’État a profité de sa visite pour se présenter en artisan du renouveau des gauches sur le continent.

Alexis Tsipras et François Hollande à Athènes, le 16 novembre 2018 | Angelos Tzortzinis / AFP
Alexis Tsipras et François Hollande à Athènes, le 16 novembre 2018 | Angelos Tzortzinis / AFP

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«Préparer l’avenir.» Jusqu’aux derniers instants de sa visite à Athènes, jeudi 15 et vendredi 16 novembre, François Hollande l’a répété. C’est dans la capitale hellène que l’ancien président de la République a poursuivi son «retour en politique». Lui considère qu’il ne l’a jamais quittée et n’a pas caché son agacement face aux équipes de télévision multipliant les questions pour obtenir l’annonce officielle.

Pourtant François Hollande enchaîne les apparitions publiques et tente assurément de revenir sur le devant de la scène. Alors que les élections européennes approchent à grands pas, il a choisi la Grèce, ce pays qui a connu huit ans de crise mais que l’ancien président se félicite d’avoir toujours défendu, pour une visite de deux jours. Tel un chef d’État en exercice, il a rencontré le président grec Prokopis Pavlopoulos et le Premier ministre Alexis Tsipras.

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Le camp de réfugiés d’Elaionas, dans la banlieue d’Athènes, constituait la première étape de son déplacement, jeudi 15 novembre. Entouré notamment du maire d’Athènes, des ministres grecs de la Santé et des Migrations, et de Michel Sapin, l’ancien chef d’État a rapidement inauguré l’Ideas Box de Bibliothèques Sans Frontières (BSF), lauréat de la Fondation «La France s’engage», qu’il préside.

Au pas de course, François Hollande a salué les acteurs du camp et vanté leur travail sous le regard étonné des réfugiés. Mehrdad est de ceux-là. Cet Iranien de 24 ans ne connaît ni l'homme politique ni l’objet de sa visite. «Ah la bibliothèque? Oui oui c’est bien, mais nous on a besoin de travail et d’un visa», balaye le jeune homme qui boucle sa deuxième année dans le camp d’Elaionas. Si les arrivées en Grèce sont moins fréquentes qu’en 2015 et 2016, plus de 50.000 personnes restent toujours coincées dans le pays.

François Hollande dans le camp de réfugiés d’Elaionas, le 15 novembre 2018 | Angelos Tzortzinis / AFP

«On peut parfaitement contrôler l’immigration et intégrer ceux qui arrivent», a estimé François Hollande, avant de poursuivre: «Je tenais à vous montrer l’effort que fait l’Europe. Il faut la défendre quand elle agit, et être capable de saluer ses efforts».

Des efforts, la Grèce en a consentis. L'ex président l’a souligné et a tenu à «saluer la population grecque», rappelant qu’il avait «soutenu le maintien de la Grèce dans la zone euro» lorsqu’il était en poste. Une manière, aussi, de valoriser une action présidentielle souvent mise à mal, alors que la Fondation Jean Jaurès vient de publier un Inventaire du quinquennat Hollande, dans lequel elle pointe notamment un «défaut d’autorité».

«Europe de l’avant»

La délégation s’est ensuite rendue à l’Institut français pour une conférence devant un public de jeunes francophones. Accueilli –forcément– par la pluie puis par un dialogue entre Antigone et Créon, François Hollande a tenu un plaidoyer pour l’Europe, «construction inédite et historique» qu’il fallait préserver. «Si elle est menacée, c’est la démocratie même qui est menacée», a averti l’ancien président de la République, rappelant son projet d’une Union à deux vitesses pour «aller plus loin». Autour de la France et de l’Allemagne, il s’agirait de mettre en place «une Europe de l’avant» focalisée sur l’écologie et l’environnement, les nouvelles technologies et la Défense.

«L’Europe n’est pas un choix de carrière mais de conviction», assure celui pour qui «changer le monde est possible».

Evangelie, professeure à l’Institut français, reste persuadée de l’importance de l’Union européenne pour l’Éducation et la mobilité. Pour elle, il est «hors de question de concevoir l’Europe sans la Grèce», mais elle n’est «pas certaine que le message soit audible». «La préoccupation de la jeunesse est ailleurs, il faut savoir les inspirer», soupire-t-elle, alors qu’Elli et Romi, deux étudiantes du Lycée français, cherchent à faire un selfie avec François Hollande. Vue la foule, elles se contenteront d’une photo Snapchat avec un filtre petits coeurs. «Tous les journalistes le serrent de près mais c’est moi qu’il regarde», s’enthousiasme Elli. Les deux jeunes femmes se disent «profondément européennes» mais «très inquiètes dans un monde où les intérêts nationaux priment sur les volontés collectives». L’appel de François Hollande «à faire preuve d’imagination» rencontre un écho limité: «On s’attendait à plus de propositions concrètes».

Reconstituer les gauches

Après un dîner avec le président grec Prokopis Pavlopoulos et une visite matinale à la Fondation Stavros Niarchos, l'ex chef d'État s’est rendu à l’École française d’Athènes vendredi en fin de matinée. Au sein du prestigieux établissement, il a écouté une présentation exhaustive des travaux de recherches et du rôle de cette institution en Grèce. Une trentaine de minutes terminées par un sourire de soulagement –il a semblé trouver le temps long.

Profitant d’une rencontre avec des chercheurs pour rappeler l’importance de la coopération européenne dans le monde académique, Hollande a aussi pointé les conséquences du Brexit: «Une amputation sérieuse des moyens de recherches pour eux [les Britanniques] et pour l’ensemble de l’Union européenne». Une visite qui a nettement plus passionné son ancien ministre des Finances, que l'ex chef d'État n’hésite jamais à interpeller: «Et vous M. Sapin vous travaillez sur quoi?». «Sur mes regrets. Si j’avais réussi ma vie, je serais ici», répond l’intéressé dans un grand sourire. Une bonhommie que l’on retrouve quelques instants plus tard, dans la médiathèque de l’Institut, quand il contemple Le Schtroumpf financier.

Le passage à la médiathèque offre à François Hollande l’occasion de prendre longuement dans ses mains l’ouvrage L’histoire du silence, comme pour mieux rappeler que «parler ne suffit pas». Une pique à Macron? «J’essaye d’être utile en étant au-dessus» de la mêlée, répond-il simplement.

L’ancien chef d’État s’est également retrouvé face au François Hollande de 2013, en couverture d’un ancien numéro de Courrier international titré «La France prend du galon». Résolument tourné vers l’avenir, il a assuré «ne pas être nostalgique» et vouloir «aller de l’avant». Mais à peine les talons tournés qu’un employé recouvrait le magazine par un numéro plus récent, «Le monde des brutes». Trump, Poutine, Orbán… Douloureux message. Pour aller de l’avant, il faudra convaincre que son Europe et son monde valent plus que ceux des leaders autoritaires ayant le vent en poupe. Car «l’Europe est mise en péril par les extrémistes» et «la lourdeur des procédures européennes n’est plus en accord avec les urgences de notre monde», résume l’ancien occupant de l’Élysée.

Il faudra notamment reconstituer les gauches, «affaiblies partout en Europe». Sa rencontre avec Alexis Tsipras, qu’il qualifie de «figure de la gauche européenne qui a réussi», s’inscrit dans cette volonté de faire prévaloir «deux principes: l’unité et la crédibilité, pour redonner confiance en la démocratie». Persuadé que la social-démocratie a encore une place dans le monde, François Hollande espère que le berceau de la démocratie sera le point de départ d’une nouvelle Europe.

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