Sciences

Fascinante Mercure, ses glaces, son champ magnétique, son bouclier planétaire

La sonde de la mission BepiColombo se posera en 2025 sur Mercure pour une investigation approfondie. D’anciennes missions ont déjà apporté de l’information sur cette planète fascinante.

Vue colorée de Mercure réalisée à partir d'images prises pendant la mission principale de Messenger. | NASA Goddard Space Flight Center via <a href="https://flic.kr/p/dWWbct">Flickr</a> <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/deed.fr">License by</a>
Vue colorée de Mercure réalisée à partir d'images prises pendant la mission principale de Messenger. | NASA Goddard Space Flight Center via Flickr License by

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Dans sept ans, nous en saurons plus sur la planète Mercure. Partie le 20 octobre dernier (heure de Paris; 19 octobre, heure de Kourou), la sonde européano-japonaise BepiColombo atteindra Mercure en décembre 2025 pour une investigation approfondie qui durera au moins un an. L’occasion de se remémorer les différentes missions qui ont permis, au fil du temps, de mieux connaître cette planète.

BepiColombo est la troisième mission vers Mercure. Tout commence dans les années 1970. Mariner 10, de la Nasa, effectue trois survols de la planète en 1974 et 1975. Pour ce faire, le professeur italien Giuseppe Colombo, dit BepiColombo, avait proposé d’avoir recours au champ de gravité de Vénus en frôlant cette planète pour modifier la trajectoire de la sonde. Comme le mot l’indique, «survoler» signifie que la sonde ne passe qu’une seule fois dans le voisinage de la planète et qu’il n’y a donc pas d’observations systématiques en orbite autour de celle-ci.

Lors des trois survols de Mercure (et plus particulièrement deux d’entre eux qui passaient au plus près de la planète à quelques centaines de kilomètres) de quelques dizaines de minutes chacun, Mariner 10 a fait des observations brèves mais décisives qui ont alimenté la recherche sur Mercure pendant de nombreuses années. Une des découvertes de Mariner 10 a été que la planète possède un champ magnétique semblable à celui de la Terre. Bien qu’il soit beaucoup plus faible, ceci est très surprenant pour une planète qui a la taille de la Lune et qui, comme celle-ci, aurait dû refroidir et ne plus posséder de noyau ferreux en fusion conduisant à la production d’un tel champ magnétique.

En proie au vent solaire

Les observations aujourd’hui suggèrent que ce noyau convectif occupe une part importante de l’intérieur de la planète. L’existence d’un tel champ magnétique est d’une grande importance. En son absence, le vent solaire (gaz ionisé éjecté par le Soleil) peut impacter directement l’atmosphère et l’érode peu à peu, conduisant ainsi à sa disparition progressive comme dans le cas de la planète Mars. La Terre, elle, possède bien sûr un champ magnétique qui dévie le vent issu du Soleil, protégeant son atmosphère et rendant la vie possible. Mariner 10 a également cartographié une partie de la surface de Mercure et mis en évidence l’existence d’une fine atmosphère (ou exosphère) qui enveloppe la planète, avec des éléments tels que l’hydrogène ou l’oxygène.

La deuxième sonde qui a visité Mercure est la sonde Messenger du programme Discovery de la NASA, lancée en 2004. Après une croisière de sept ans, cette sonde visant essentiellement l’observation de la planète a fait beaucoup plus que Mariner 10 puisqu’elle est restée en orbite autour de Mercure de mars 2011 à avril 2015, date à laquelle elle s’est «crashée» à sa surface. Au cours de ces quatre années d’observations systématiques, Messenger a pu cartographier l’ensemble de la surface de la planète, révélant l’existence de failles, de traces de volcanisme, ou encore de glaces au fond des cratères polaires qui ne sont jamais exposés au rayonnement solaire.

Messenger en orbite autour de Mercure. | NASA / JHU / APL via Wikimedia Commons License by

Messenger a également confirmé les mesures de Mariner 10 concernant le champ magnétique planétaire, mais ces nouvelles observations suggèrent que ce champ est décalé vers le nord, décalage aujourd’hui difficilement expliqué. En plus d’un magnétomètre pour la mesure du champ magnétique, la sonde a emporté deux instruments pour la mesure des particules chargées. Mercure possédant un champ magnétique intrinsèque, une petite cavité magnétique en forme de bulle (appelée «magnétosphère») se développe autour d’elle, structurant l’espace environnant avec différentes régions de plasma. L’espace n’est plus isotrope, il n’est plus le même dans toutes les directions!

Une telle magnétosphère sert de bouclier planétaire face au vent solaire. Elle est relativement stable dans le cas de la Terre, et plus encore dans le cas des géantes gazeuses comme Jupiter et Saturne qui se trouvent loin du Soleil et ont des champs magnétiques intrinsèques très forts. Dans le cas de Mercure, en raison à la fois du champ magnétique intrinsèque plus faible et de la proximité du Soleil (avec donc un vent solaire plus dense exerçant une pression plus forte), la magnétosphère planétaire devient plus «fragile» et extrêmement changeante, pouvant même être soufflée ou «rétrécie» si fortement que, cas unique, le vent solaire bombarde ou «crible» directement la surface de la planète. Ceci pourrait expliquer par exemple les creux bleutés observés en certains endroits de la surface.

Le matériau planétaire ainsi éjecté dans l’espace peut ensuite circuler autour de la planète et, s’il est ionisé par le rayonnement ultraviolet du Soleil, peut remplir la magnétosphère en étant guidé par le champ magnétique. Au sein de la magnétosphère, des processus d’accélération ont lieu qui conduisent la matière dans des régions particulières de l’espace, et notamment peuvent la précipiter vers la surface de la planète. Dans le cas de la Terre ou des géantes gazeuses, de telles précipitations conduisent aux phénomènes d’aurores boréales et australes qui sont produites par l’interaction d’électrons magnétosphériques avec la haute atmosphère. En raison de l’absence d’atmosphère à Mercure, de telles aurores ne peuvent se produire mais l’interaction de la matière magnétosphérique avec la surface peut créer des aurores d’un autre type, en rayonnement X.

Deux sondes pour de meilleures observations

Tandis que le satellite européen MPO (Mercury Planetary Orbiter) de la mission BepiColombo est essentiellement dédié à l’observation de la planète, le satellite japonais MIO (initialement MMO ou Mercury Magnetospheric Orbiter) a pour objectif l’étude de l’environnement planétaire et en particulier de la magnétosphère. Un aspect particulièrement intéressant de cette mission est précisément qu’elle comporte deux sondes (jamais jusqu’à aujourd’hui une mission planétaire n’avait ainsi emporté deux satellites d’observation d’un même objet céleste), ce qui permet d’effectuer des observations sous deux angles.

Dans le cas d’un seul satellite comme avec Messenger, on se trouve soit au-dedans, soit au-dehors de la magnétosphère, ce qui conduit à faire des hypothèses sur la région où le satellite ne se trouve pas. À l’inverse, dans le cas de BepiColombo, l’un des satellites va pouvoir servir de «sentinelle» dans le vent solaire en amont de la planète, tandis que l’autre observera la réponse de la planète et de son environnement aux perturbations observées dans le vent solaire.

Tests pour BepiColombo. G. Porter/ESA, CC BY-SA

L’existence du champ magnétique herméen («herméen» signifie «de Mercure» puisque, pour les Grecs, Mercure est Hermès) soulève ainsi de nombreuses questions nouvelles qui vont du mécanisme de formation de ce champ jusqu’à son rôle dans l’environnement d’une planète qui évolue à proximité de son étoile. Plusieurs missions ont exploré l’environnement des autres planètes telluriques (Vénus, Mars) ou des géantes gazeuses (Saturne, Jupiter), mais relativement peu d’information sont disponibles pour Mercure.

BepiColombo va combler ce vide et fournir un ensemble de mesures totalement nouvelles pour des conditions bien particulières. Les chercheurs vont non seulement étudier Mercure mais s’attacher à comparer les résultats scientifiques obtenus avec ceux dans d’autres conditions astrophysiques.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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