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Big brother chez les Ouïghours

Dans la province chinoise du Xinjiang, d’étranges visiteurs et visiteuses s’invitent chez les Ouïghours pour les surveiller, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sept.

Un homme ouïghour marche le long de la mosquée Hotan, dans le Xinjiang, en avril 2015 | Greg Baker / AFP
Un homme ouïghour marche le long de la mosquée Hotan, dans le Xinjiang, en avril 2015 | Greg Baker / AFP

Temps de lecture: 24 minutes

Cet article est initialement paru sur Foreign Policy en partenariat avec ChinaFile.

Les grandes sœurs et grands frères arrivaient souvent en tenue de randonnée. Ils apparaissaient dans les villages en groupes, avec leurs sacs boursouflés sur le dos, leurs bagages remplis de bouilloires électriques, de cuiseurs à riz et autres cadeaux utiles à leurs hôtes. Ils se trouvaient loin de chez eux, mal à l’aise, rétifs à l’idée de dormir à la dure loin du confort urbain. Mais ces «parents éloignés», comme on leur demande de se faire appeler, étaient en mission, alors ils se tenaient la tête haute en pénétrant dans les maisons ouïghoures où ils venaient annoncer qu’ils resteraient longtemps. Les enfants des villages repéraient rapidement les nouveaux arrivants. Ils entendaient leurs tentatives de salutations dans la langue locale, apercevaient leurs drapeaux chinois brillants et le visage rond de Mao Zedong épinglé à leur poitrine, et savaient quoi répondre. «J’aime la Chine» criaient immédiatement les enfants, «j’aime Xi Jinping».

Au cours de l’année passée, des informations venues de la région autonome chinoise du Xinjiang ont fait état d’une campagne de répression religieuse et culturelle contre les musulmans et musulmanes ainsi que de leur détention et de leur confinement au moyen d’un réseau de plus en plus vaste de camps clos par des fils barbelés. Le gouvernement chinois a parfois désigné ceux-ci par les termes de «centre de transformation par l’éducation», de «centre de formation contreterroriste», et plus récemment, dans un contexte de multiplication des critiques venues de l’étranger, par l’expression «centre de formation à la vocation». Le gouvernement décrit ces mesures comme une réaction au terrorisme. En effet, ces camps peuvent être vus comme la continuation logique, bien que grotesque, de décennies de tentatives d’éradication de ce qu’il perçoit comme «le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme religieux» de la minorité ethnique musulmane au Xinjiang. La région et le pays ont en effet vécu des spasmes de violences spontanées d’envergure, ainsi que des cas de violence préméditée résultant du désespoir ouïghour face à des décennies de discrimination et de persécution. Les mesures actuellement mises en œuvre par le gouvernement pour éviter de potentiels troubles futurs semblent reposer sur la supposition que la plupart des Ouïghours sont des extrémistes en puissance.

Carte indiquant la localisation du Xinjiang (en rouge) à l'intérieur de la Chine | Wikimedia

La plupart des articles parus récemment se sont concentrés sur l’ampleur sans précédent et le degré de pénétration des technologies de surveillance déployées pour organiser cette campagne ainsi que sur la façon dont le gouvernement a fait pression sur les autres pays pour prêter leur concours au rapatriement forcé des Ouïghours vivant à l’étranger. Mais une attention bien moindre a été accordée à la mobilisation de plus d’un million de civils chinois (parmi lesquels surtout des membres de la majorité ethnique Han) pour aider l’armée et la police en occupant les foyers de Ouïghours et de membres d’autres minorités musulmanes de la région ainsi qu’en participant à des programmes d’endoctrinement et de surveillance, tout en se présentant comme des parents des hommes et femmes qu’ils étaient ensuite susceptibles de faire envoyer dans les camps. Ce printemps, en tant qu’anthropologue revenant dans une province où j’avais passé deux ans à mener des recherches sur la vie sociale des Han et des Ouïghours, j’ai effectué des entretiens avec des fonctionnaires Han dans des quartiers urbains et des villes majoritairement ouïghoures dans le sud du Xinjiang. Pendant cette période là-bas et par des entretiens en ligne avant et après ma visite, j’ai parlé du travail de «grande sœur» ou «grand frère» dans des foyers ouïghours ou kazakhs avec une douzaine de personnes, aussi bien des agents civils chargés de missions de surveillance que des membres de familles surveillées. Certaines de ces personnes étaient des amis Han avec qui j’avais tissé des liens en 2011 en commençant mes recherches de terrain à Urumqi. D’autres, surtout des amis et parents de ceux qui étaient impliqués dans le programme, étaient des connaissances rencontrées hors de Chine. Ceux restants étaient des gens que j’avais rencontrés à Urumqi et à Kashgar en 2018.

Je voulais comprendre comment différents groupes de civils Han voyaient leur rôle dans ce vaste projet d’ingénierie humaine et pourquoi ils acceptaient d’y prendre part. Je les avais assurés que je ne dévoilerais pas leur nom dans une future publication et leur avais demandé de me décrire leur façon de voir leur travail et sa finalité. J’ai également observé la façon dont ils interagissaient avec les membres de minorités et entre eux. J’étais curieux de savoir s’ils sympathiseraient avec les Ouïghours et Kazakhs qu’ils contribuaient à «transformer».  

Repérer des signes

Leur première préoccupation était de définir l’emploi du temps des «petits frères» et «petites sœurs». Le matin, ils et elles chanteraient ensemble lors de cérémonies de lever de drapeau devant le bureau du Parti communiste chinois local, et assisteraient le soir à des cours sur la vision de Xi Jiping pour la «nouvelle Chine». Entre ces deux moments, l’enseignement de la culture chinoise serait permanent. Ils et elles parleraient en mandarin et regarderaient des programmes télévisés approuvés, pratiqueraient la calligraphie chinoise et chanteraient des chansons patriotiques. Tout du long, les «parents» observeraient les gens du village, prendraient des notes, évaluant le niveau de loyauté des Ouïghours à leur pays et la qualité de leur chinois, attentifs à des signes indiquant un attachement extrême à l’islam.   

Est-ce qu’un Ouïghour n’avait pas salué un voisin en arabe par les mots assalamu alaykum? Cela serait noté. N’y-avait-il pas un exemplaire du coran à la maison? Qui priait le vendredi et jeûnait pendant le ramadan? Est-ce que la robe d’une «petite sœur» n’était pas trop longue ou la barbe d’un «petit frère» trop hirsute? Et pourquoi refusait-on dans tel foyer de jouer aux cartes ou de regarder des films?

Il y avait bien sûr la possibilité que la visite se fasse dans une famille séculaire saine. Peut-être y aurait-il même des posters de Xi Jiping ou des drapeaux chinois aux murs. Peut-être les enfants parleraient-ils mandarin sans qu’on le leur demande.

Il y avait des moyens très simples de tester ce genre de choses. On pouvait offrir à son hôte une cigarette ou une gorgée de bière, on pouvait tendre la main à quelqu’un du genre opposé

Tous les indices ne seraient pas visibles immédiatement. Les «visiteurs» étaient donc formés à poser des questions. Leurs hôtes avaient-ils des parents qui vivaient dans des régions sensibles? Connaissaient-ils des gens qui vivaient à l’étranger? Connaissaient-ils l’arabe ou le turc? Fréquentaient-ils une mosquée en dehors de leur village? Si les réponses de ces «petits frères» et «petites sœurs» adultes semblaient incomplètes, ou paraissaient cacher quoi que ce soit, les enfants seraient interrogés.

Les «grands frères» et «grandes sœurs» ont parfois craint que les Ouïghours seraient fuyants, qu’ils pourraient bien leur ouvrir leur maison joyeusement ou déclarer leur loyauté à la nation chinoise, mais que derrière leurs sourires et leur attitudes laïques, il pourrait subsister sous la surface des allégeances plus sombres, des attachements à leur religiosité malsaine.

Il y avait des moyens très simples de tester ce genre de choses. On pouvait offrir à son hôte une cigarette ou une gorgée de bière, on pouvait tendre la main à quelqu’un du genre opposé, en se tenant à l’affût du moindre signe d’hésitation. On pouvait aller au marché acheter de la viande fraîche et proposer à la famille d’en faire des beignets, puis attendre de voir si les Ouïghours demanderaient quel type de viande se trouvait dans le sac…

Tout cela constituait de précieux indices. Tout ce qui pouvait être détecté serait enregistré dans des carnets puis dans des formulaires électroniques en ligne. Tout serait transformé en recommandations que les «grands frères» et «grandes sœurs» émettraient pour décider lesquels de leurs hôtes seraient autorisés à rester chez eux, dans leur village, avec leurs enfants, et lesquels seraient envoyés au loin pour que l’État corrige leurs défauts.  

Manuel d'instructions

C’est en trois vagues distinctes que les «parents» ont été appelés à servir. La première campagne a débuté en 2014 et permis le déploiement de 200.000 membres du parti, y compris des membres du parti appartenant à des minorités, de façon à «rendre visite au peuple, faire profiter le peuple et rassembler les cœurs du peuple» (fang minqing, hui minsheng, ju minxin) grâce à de longs séjours dans des villages ouïghours. En 2016, une seconde vague de 110.000 fonctionnaires a été envoyée dans des villages ouïghours dans le cadre de la campagne «Unis comme une famille» (jie dui renqin), qui se concentrait sur le placement de «parents» dans les foyers de Ouïghours dont les véritables membres de leur famille avaient été emprisonnés ou tués par la police.

En 2017, une troisième vague de visites a débuté comme extension de la campagne de 2016. Cette troisième phase de la campagne a conduit à l’envoi de plus d’un million de civils dans des familles musulmanes rurales pour une série de séjours d’une semaine, se concentrant le plus souvent sur la famille élargie de celles et ceux qui avaient été détenus dans le cadre du vaste programme de «transformation par l’éducation».  

La police en train de passer devant un coiffeur près de la mosquée Id Kah, dans la vieille ville de Kashgar, dans le Xinjiang en juin 2017 | Johannes Eisele / AFP

Prises dans leur ensemble, ces trois vagues du programme d’encadrement villageois et villageoises qui assignait des fonctionnaires de l’État à des familles ouïghoures ou kazakhes présentaient une ressemblance avec les autres programmes qui avaient jadis envoyé des fonctionnaires et des étudiants apprendre des gens du peuple pendant la période maoïste des années 1960 et 1970. Ce qui différentiait cette nouvelle action étatique d’autres visites forcées similaires, c’est le fait que le pouvoir envoyait cette fois-ci des civils urbains représenter l’État et les valeurs des Hans auprès de ce que les manuels de formation appellent les «masses» rurales ouïghoures et kazakhes, tandis que les gens des villes étaient au contraire autrefois envoyés à la campagne pour «apprendre des masses».

Les «parents» reçoivent des instructions écrites sur la façon de se tenir. Selon ce qui m’a été rapporté par des contacts ouïghours à Urumqi et Khotan, ces manuels fournissent des instructions et des formulaires qui doivent être remplis et numérisés pour les bases de données de sécurité. Dans un manuel utilisé à la préfecture de Kachgar, des parents ont ainsi reçu des instructions sur la façon de pousser leurs petits frères et sœurs à «baisser leur garde». Le manuel, qui a été posté sur internet avant d’en être retiré juste avant la fin de la rédaction du présent article, invite les «parents» à faire preuve de «chaleur». «Ne commencez pas immédiatement à enseigner», suggère-t-il. Le document enjoint aussi à montrer son intérêt pour la famille et à apporter des bonbons pour les enfants. Il fournit une liste comprenant des questions telles que: «En entrant dans l’habitation, les membres de la famille semblent-ils énervés et parlent-ils de façon évasive?», «Est-ce qu’ils regardent la télévision ou est-ce qu’à la place ils regardent des DVD?», ou encore «Trouve-t-on des objets religieux accrochés au mur de la maison?».    

Le manuel demande aux «parents» de dire à leurs petits frères et petites sœurs qu’ils surveillaient déjà les communication par internet et par téléphone de la famille et qu’il serait inutile de mentir au sujet de leur connaissance de l’islam ou de leur éventuel extrémisme religieux. Le manuel leur demande également d’aider les gens du village à surmonter leur pauvreté, en leur donnant des conseils financiers ou en donnant un coup de main aux activités du foyer. Les parents étaient également chargés de dénoncer toute résistance aux «activités de soulagement de la pauvreté».  

«Il fallait bien faire quelque chose»

Les fonctionnaires et les membres de leur famille que j’ai interrogés étaient issus de deux groupes distincts. Quatre d’entre eux se considéraient comme des locaux du Xinjiang, et six autres étaient arrivés dans la région au cours des deux dernières décennies. Dans de nombreux cas, l’ancienneté de leur intégration à la région semblait déterminer la façon dont ils voyaient leur rôle dans la transformation de la société ouïghoure.

«Les Ouïghours sont simplement peu éduqués. Ce n’est pas leur faute s’ils ont commencé à pratiquer ces formes extrémismes d’islam»

Un jeune homme de Guangdong

Ceux récemment arrivés au Xinjiang manifestaient une grande fierté de servir en tant que «parents» et d’apporter la civilisation Han à la société ouïghoure. Certains parlaient avec ferveur du futur de la nation chinoise, disaient que la Chine devenait enfin l’égale d’autres grandes nations, parlaient du film d’action nationaliste Wolf Warrior II et racontaient que cela les rendait fiers d’être chinois. Sans la moindre pointe d’ironie, certains se désignaient les uns les autres comme des «camarades». Les nouveaux arrivants sonnaient comme des gens qui avaient la foi. Nombre d’entre eux disaient vouloir jouer un rôle dans la floraison du nationalisme chinois qui couvrirait la société ouïghoure de sinité. Ils m’ont expliqué qu’éduquer les Ouïghours était leur devoir. Un jeune homme de Guangdong qui n’était au Xinjiang que depuis quelques années m’a ainsi déclaré: «Les Ouïghours sont simplement peu éduqués. Ce n’est pas leur faute s’ils ont commencé à pratiquer ces formes extrémismes d’islam. Ils ont été mal guidés par des extrémistes radicaux. Ils ne connaissent rien de mieux à suivre.» Il a ajouté que les visites des agents de l’État ont permis d’améliorer la sécurité. «Je n’ai même plus peur quand j’entre dans un village ouïghour, les choses vont bien mieux maintenant», m’a-t-il dit.

Plusieurs des nouveaux arrivants au Xinjiang avec qui j’ai parlé m’ont raconté avoir entendu des rumeurs selon lesquelles des civils Han auraient été tués par des Ouïghours locaux lorsqu’ils sont arrivés en 2014. Le jeune homme de Guangdong, un fan d’animé japonais et de films occidentaux qui travaillait pour un office du tourisme, m’a affirmé que la menace n’était plus considérée comme imminente. «J’ai entendu que dans un premier temps, un certain nombre de fonctionnaires Han avaient été tués après avoir été envoyés dans des villages ouïghours sensibles. Tandis que les femmes ouïghoures partaient se promener après le dîner, ils étaient attrapés par les hommes qui leur coupaient la gorge», a-t-il raconté, accompagnant ses paroles d’un geste mimant l’égorgement, un doigt barrant son cou. «Il y a beaucoup de choses que nous, les gens ordinaires, ne savons pas à propos de l’enjeu du terrorisme», selon lui. «Mais ce que nous savons, c’est qu’il fallait bien faire quelque chose.»

À présent, il lui semble que la menace du terrorisme n’est plus d’actualité. Depuis 2017, les conditions de sécurité se sont beaucoup améliorées pour les civils Han dans les villages ouïghours. Malgré cela, les «parents» ne sont pas autorisés à marcher seuls dehors lorsqu’ils sont dans les villages, mais se déplacent par groupes de trois, dont au moins un homme, par précaution.  

Deux «parents » et deux membres de la famille de «parents», qui se définissaient tous les quatre comme locaux (bendi ren), ou «anciens du Xinjiang», ayant grandi dans la province, m’ont parlé de leurs réserves quant à leur participation au projet «Unis comme une famille». Ils se sont plaints de devoir s’adapter aux conditions de vie dans les villages ouïghours et kazakhs, d’effectuer un travail ennuyeux, et regrettaient l’excitation de la vie urbaine. Ils ont évoqué à plusieurs reprises le fait qu’il n’est pas agréable d’être séparé de sa famille. Un des «parents» qui avait été envoyé lors de la première vague de visites, et avait été chargé de vivre à temps plein dans des villages musulmans pendant plus d’un an, m’a déclaré qu’il ne lui était accordé un congé de dix jours que tous les quatre-vingt-dix jours. Plus généralement, tous m’ont répété qu’ils avaient l’impression qu’on leur demandait de sacrifier une grande partie de leur vie pour ce projet. Ils souhaitaient retrouver leur travail de bureaucrate dans des entreprises d’État ou des bureaux gouvernementaux, ou leur travail de médecin ou de journaliste dans des institutions publiques. Deux de ceux que j’ai interrogés m’ont dit qu’ils auraient perdu leur travail s’ils avaient refusé de participer au programme de surveillance, mais ils ont également déclaré qu’en participant, ils s’étaient assurés une promotion à la fin de leur mission.

Persuadé de faire le bien

À partir de septembre 2017, j’ai échangé des messages en ligne avec la fille d’un cadre d’une entreprise d’État d’Urumqi qui faisait partie des 110.000 civils envoyés en 2016 vivre à long terme dans des villages sensibles. Elle lui avait récemment rendu visite et avait observé le travail qu’il effectuait dans les villages. Elle était très désireuse de décrire ce qu’elle avait vu et de dire ce qu’elle pensait du processus. Elle m’a affirmé qu’en tant qu’ancien du Xinjiang, son père n’avait pas un passif de plaintes envers les Ouïghours, bien qu’ils aient des amis qui avaient été blessés lors de manifestations et violences de revendications de droits pour les Ouïghours en 2009. Sa fille m’a dit qu’il n’avait pas dormi plus de six heures par nuit en moyenne lors de son séjour de quatre-vingt-dix jours dans un village ouïghour où il se trouvait avec une équipe de huit à dix personnes comprenant des civils tant Han que ouïghours. Sa fille, une femme de près de 30 ans qui aime les chats et Lady Gaga et qui vit maintenant aux États-Unis, m’a expliqué que son père avait été «forcé de faire cette mission» et que tandis que le gouvernement avait poussé les équipes de «parents» à être très strictes, son père avait «résisté» et tenté de rendre les règles plus flexibles de façon à ne pas heurter la sensibilité des Ouïghours locaux. Pour elle, c’était la seule chose qu’il pouvait faire à ce moment-là.

Pour elle, non seulement son père contribuait à rendre le Xinjiang plus sûr, mais il aidait également les villageois et villageoises à comprendre l’intérêt d’un mode de vie laïc.

Elle m’a dit avoir entendu que certains participants au programme avaient reçu des menaces de la part de Ouïghours dans les villages mais que cela était arrivé «avant qu’ils ne commencent à se connaître». Selon elle, cela s’explique par le fait que «les Ouïghours ont perdu toute confiance en le gouvernement ou en quiconque est envoyé par le gouvernement». Ce n’est pas en raison de ce qu’auraient pu avoir fait les «parents» mais simplement parce que les Ouïghours n’avaient pas compris leur mission. Quelques jours après cet échange, je lui ai dit que j’avais répété ce qu’elle m’avait dit à des contacts ouïghours, qui avaient ri à l’idée que son père aurait pu protéger les sensibilités ouïghoures tout en surveillant ce que les gens racontaient. Pour eux, les personnes comme son père étaient des espions du gouvernement qui ne faisaient que semblant d’être amicaux. Ils disaient qu’ils ne feraient jamais confiance à une telle personne, mais agiraient aimablement par peur qu’elle rapporte ce qu’ils pourraient dire et les fasse déporter.

En réponse à cela, la jeune femme m’a écrit: «C’est facile de se moquer et d’être suspicieux de [leurs] tentatives et de ne pas considérer le fait qu’il y a des gens qui essayent de persévérer et trouver une solution.»

Elle soutenait que son père tentait d’agir à son échelle dans rôle de «parent» en tâchant de ne pas insulter les Ouïghours qu’il était envoyé surveiller et en leur permettant de garder leur dignité.  

«Mon père n’est pas un espion, et il fait de son mieux. La dernière fois que je l’ai vu il avait perdu cinq kilos et il me dit tous les jours à quel point sa situation lui est difficile. Et malgré cela il doit faire son travail jour après jour et tenter de soutenir les familles de façon personnalisée.»

Mais à mesure que l’entretien continuait, son argument s’est étiolé. Elle m’a raconté que son père était chargé de rendre visite à «chaque foyer dans le village par équipes de deux ou trois» pendant quatre-vingt-dix jours d’affilée afin de voir «si des familles avaient des liens avec des “groupes terroristes”».    

Elle m’a dit être convaincue que le Xinjiang avait été une «cibles du terrorisme» par le passé et que les villages pauvres étaient l’endroit où on avait laissé «l’idéologie terroriste» se développer.

Pour elle, l’envoi dans ces villages de son père et d’autres «parents» pour de longues périodes était logique: non seulement son père contribuait à rendre le Xinjiang plus sûr, mais il aidait également les villageois et villageoises à comprendre l’intérêt d’un mode de vie laïc.

En réalité, selon elle, puisque la plupart des Ouïghours étaient analphabètes, il devait aussi tenir compte de leur «niveau d’éducation» lorsqu’il devait déterminer quelles personnes devraient être envoyées dans les «centres de rééducation». Celles qui avaient des difficultés à «s’intégrer à la culture commune» étaient soit envoyées dans ces centres de rééducation, soit obligées de suivre des cours d’éducation politique le soir ou le week-end. Le cœur de toute cette formation, m’a-t-elle déclaré, était de faire pénétrer les valeurs laïques dans la société ouïghoure. Pour elle, c’était un bien indubitable. Elle m’a affirmé que le principal problème au Xinjiang était le fait que les gens ne communiquaient pas efficacement. L’apprentissage de la langue chinoise et des valeurs laïques Han seraient à même de changer cela. Selon elle, «le Xinjiang pourrait être un autre Yunnan, qui attirerait les gens d’en dehors de la province et où les gens de la province seraient assimilés».

Des familles brisées

Cinq Ouïghours qui m’ont parlé de l’arrivée des «parents» me les ont au contraire décrits avec un mélange de mépris et de crainte. Ils ont dit s’être sentis infantilisés et privés de leur dignité. Nombre d’entre eux m’ont déclaré que chaque aspect de leur vie leur a alors semblé être un test politique. Aucun n’a semblé avoir le moindre espoir que les «parents» se rendent compte de la tristesse et de la difficulté de leur existence et refusent de mener à bien les consignes reçues pour réorganiser la société ouïghoure.

Comme me l’a écrit un homme ouïghour d’âge mûr dont les «parents» avaient été des agents de l’État chinois venus de Khotan, «ces fonctionnaires Han peuvent peut-être avoir de la sympathie pour les fermiers en voyant l’immense pauvreté dans laquelle ils vivent mais leur mépris pour les Ouïghours peut aussi croître suite à leur visite. Leur perception du “retard” des Ouïghours et de leur propre supériorité en tant que Han peut aussi sortir renforcée de ce processus».

De nombreux Ouïghours m’ont dit que la partie la plus douloureuse du programme «Unis comme une famille» aura sans doute été la façon dont il a sapé l’autorité des parents ouïghours et détruit les structures familiales. Ils m’ont présenté les «parents» comme des gens qui tentaient de leur voler leur avenir. Pour beaucoup, la famille et la foi étaient le dernier espace de refuge et de sécurité dans la société ouïghoure. L’homme ouïghour d’âge mûr pré-cité m’a également déclaré: «Maintenant ils nous prennent nos familles et notre foi. Il ne nous reste plus rien».  

Une mère ouïghoure et sa fille au marché Hotan, dans le Xinjiang, en avril 2015 | Greg Baker / AFP

Lors de leurs visites, les fonctionnaires passent beaucoup de temps à s’assurer que l’éducation des enfants ouïghours est effectuée en chinois, qu’elle contient des éléments patriotiques sur la nouvelle Chine et qu’elle minore leur singularité en tant que minorité. Le manuel publié en ligne invite spécifiquement à cibler les enfants ouïghours pour traiter l’enjeu à la racine. Dans beaucoup des projets d’ingénierie humaine actuellement en cours dans la région ouïghoure, il semble que l’État tente de séparer les enfants de leurs parents et de l’éducation en langue ouïghoure en augmentant radicalement le nombre d’enseignants et enseignantes de langue chinoise et en utilisant le système des centres pénaux pour limiter l’influence des normes et valeurs culturelles ouïghoures dans la vie des enfants.

Un jeune homme ouïghour que j’appellerai Alim, dont le frère aîné a été déporté en janvier, se montre terrifié à l’idée de ce qui arriverait à ses nièces et son neveu si sa belle-sœur était emmenée à son tour. Le jeune homme, qui parle chinois couramment, porte des jeans skinny et une Apple watch, m’explique que son frère aîné a visité la Turquie comme touriste, et que c’est cela qui a été la raison de son «éloignement». Il raconte que sa belle-sœur «agit toujours avec méfiance quand les fonctionnaires viennent chez elle, donc [il s’]inquiète qu’ils ne décident qu’elle doive elle aussi être rééduquée. Si cela arrive, ses enfants deviendront pupilles de l’État».

En effet, des articles et plusieurs appels d’offre du gouvernement suggèrent que le Xinjiang connaît actuellement une augmentation rapide de la construction d’orphelinats. Alim m’explique que lui et ses parents seraient bien sûr heureux de s’occuper de ses nièces et de son neveu, mais dit avoir entendu parler de nombreux cas où la famille élargie ne serait pas autorisée à s’occuper des enfants des détenus. «Ils veulent nous prendre nos enfants. Mon neveu a 8 ans. Il est déjà très affecté par cela. À présent, il reste toujours silencieux», explique-t-il la voix tremblante. Il raconte que la dernière fois qu’il a vu un vrai sourire sur le visage de son neveu, c’était en ouvrant un paquet cadeau «de la part de son père» pour son anniversaire. «Nous lui avons dit que son père lui avait envoyé des Legos depuis Pékin. Nous lui avons dit que son père était à Pékin pour le travail. Il était tellement heureux…»

Comme des centres de désintoxication pour toxicomanes

Qu’il s’agisse d’anciens colons ou de nouveau arrivants, beaucoup des «parents», auxquels j’ai parlé n’avaient pas une idée très précise de ce à quoi ressemblait la vie dans les centres de «transformation par la rééducation». Tous décrivaient les endroits où les musulmanes et musulmans étaient envoyés comme des «écoles» pour être formés à la vie chinoise moderne.

Quand j’ai voulu en savoir plus, un des nouveaux colons, un jeune homme de Guangdong, m’a dit que les écoles étaient comme des centres de désintoxication pour toxicomanes. Il m’a dit qu’il savait bien que cela n’était pas facile pour les gens qui y étaient envoyés et leur famille, mais que ne rien faire du tout avait un coût trop élevé. Faisant écho à un discours très courant dans les médias officiels chinois, il décrivait l’idéologie extrémiste comme une maladie devant être «soignée».

Les fonctionnaires Han envoyés comme «parents» qui se définissaient comme des anciens du Xinjiang avaient une vision moins optimiste des choses. Pour eux, quand des Ouïghours étaient envoyés dans un centre de rééducation, c’est probablement parce qu’il n’y avait personne pour les protéger. C’est ainsi que le système fonctionnait. Et c’est aussi pour cela que des locaux comme eux étaient obligés de participer. «Il n’y a rien que nous puissions faire pour protéger les Ouïghours», m’a dit une femme Han d’âge mûr ayant grandi à Urumqi avec des camarades de classe ouïghours, «alors nous devons essayer de nous protéger nous-mêmes». Plusieurs agents de l’État Han m’ont soutenu qu’au Xinjiang, la politique était polarisée à un degré rappelant la Révolution culturelle. Chacun et chacune devait suivre la ligne du parti ou être ostracisée et risquer une peine de prison. Bien sûr, ils disaient que les cibles principales du projet d’ingénierie humaine actuel étaient les Ouïghours et les Kazakhs mais pensaient que si eux, en tant que Han, restaient dans le rang, ils n’auraient pas de problèmes. Ils s’inquiétaient en revanche pour l’avenir. Une femme âgée de la communauté des anciens colons Han au Xinjiang m’a dit: «Je ne sais pas ce qui arriverait si les Ouïghours étaient laissés libres».  

Un père et son fils devant une statue du leader communiste Mao Zedong serrant la main d'un Ouïghour | Greg Baker / AFP

Qu’ils soient de nouveaux arrivants au Xinjiang ou des résidents de la région plus anciennement installés, de nombreux «parents» Han, leurs amis et leurs familles, m’ont expliqué être obligés d’exprimer en public un soutien total à la campagne. Dans les articles en ligne que leurs unités leur demandaient de rédiger, les fonctionnaires Han présentaient le défi constitué par les semaines qu’ils avaient passé parmi les Ouïghours comme une façon de montrer leur volonté de sacrifice au service de la nation et leur sollicitude envers les Ouïghours. Les compte-rendu et les images qu’ils avaient publiées se conformaient tout à fait aux slogans de la campagne: «rendre visite au peuple, faire profiter le peuple et rassembler les cœurs du peuple» et «unis comme une famille». Certains avaient posté des photos d’eux-mêmes en train d’initier les minorités musulmanes à la pensée de Xi Jinping en leurs lisant des textes. L’une d’entre eux avait posté une photo d’elle et son hôtesse, penchées sur un écran en train de regarder des discours politiques. Même les fonctionnaires qui se plaignaient des bouleversements dans leur vie personnelle semblaient accepter leur rôle de grand frère ou grande sœur autoproclamées de leurs frères et sœurs ouïghoures.

Nombre d’entre eux semblaient considérer que désigner un homme ouïghour comme leur père ou leur petit frère était une marque d’affection, un grand signe d’ouverture de la part d’un fonctionnaire Han. Comme me l’a affirmé la fille du cadre à propos du travail de son père en tant que «parent» à long terme dans un village sensible: «Après dix mois à vivre dans le village, les locaux le traitent comme un membre de leur famille».

Une jeune femme travaillant comme «parente» a écrit à propos d’un vieil homme ouïghour à qui elle avait proposé de regarder une vidéo d’un discours d’un responsable du parti avec elle: «Je me suis senti comme sa fille!».

Dans leurs posts sur leurs blogs, ils décrivaient la façon dont les enfants ouïghours s’attachaient à leur enseignement ou l’enthousiasme avec lequel les mères ouïghoures posaient pour des photos avec eux. Ils y voyaient des signes d’hospitalité et de chaleur. Le projet «Unis comme une famille» semblait fonctionner. 

Les «parents» ont tenté de répondre de façon adaptée. Une pratique courante consistait à offrir aux familles ouïghoures ou kazakhes des cadeaux pour compenser la perte de revenu causée par le fait de les accueillir et par l’État policier en général. Certains de ces cadeaux, du riz ou de l’huile par exemple, n’étaient que des moyens d’améliorer l’ordinaire de leurs hôtes musulmans, mais d’autres étaient des cadeaux symboliques qui contribuaient à renforcer le statut des visiteurs Han comme agents d’une mission de civilisation.

Par exemple, selon un témoignage publié en ligne, un groupe de fonctionnaires avait offert à des fermiers ouïghours des tables et des lampes pour qu’ils puissent étudier dans de meilleures conditions le soir. Ils y notaient que les tables offriraient un meilleur confort aux fermiers, alors que la plupart des fermiers ouïghours préfèrent ne pas utiliser de tables lorsqu’ils mangent ou boivent du thé. Il existe une tradition ouïghoure solidement établie qui consiste à prendre son repas sur une nappe (dastikhan) couvrant une plateforme. Dans leurs récits, les visiteurs Han trouvaient eux cette tradition peu pratique et y voyaient un signe de la pauvreté des Ouïghours.

De nouvelles normes de ce qui est acceptable et banal

Les «parents» que j’ai interrogés n’ont en général pas compris la vision que leurs hôtes avaient de leur rôle. Peut-être parce qu’ils n’avaient pas observé la vie ouïghoure d’avant leur arrivée, ils ne comprenaient pas dans quelle mesure la peur, la colère et la tristesse pesaient sur les villageois et villageoises à qui ils espéraient enseigner les valeurs laïques Han. Dans leurs récits de leur action, les fonctionnaires ne notaient le plus souvent pas que les institutions sécuritaires qu’ils soutenaient étaient en réalité une des causes principales de la pauvreté des Ouïghours.

Une jeune femme Han à qui j’ai parlé avait grandi à Urumqi mais n’avait pas été envoyée comme «parente» m’a fait remarquer qu’une équipe de «parents» qu’elle connaissait avait été surprise par le fait que les familles ouïghoures plaçaient simplement les cadeaux reçus des «parents» dans le coin de la maison. Ils racontaient que lorsqu’ils revenaient plusieurs semaines plus tard, il semblait que les cadeaux n’avaient pas été utilisés. Ils ne comprenaient pas pourquoi leurs cadeaux étaient rejetés. Deux des fonctionnaires avec qui je me suis entretenu m’ont déclaré avoir l’espoir que leurs interactions avec des Ouïghours et des Kazakhs déboucheraient sur des amitiés véritables. Ils m’ont affirmé avoir été attristés par le «manque d’ouverture» de leurs hôtes musulmans.

Comme l’avait fait remarquer Hannah Arendt il y a quelques décennies, les systèmes comme celui-ci fonctionnent en partie parce qu’on empêche celles et ceux qui y contribuent de réfléchir à ce qu’ils font

La fille du cadre Han m’a raconté avoir eu le sentiment que moi et mes amis ouïghours pourraient penser qu’elle était «arrogante et n’avait pas de sympathie pour la vie des minorités». Elle se sentait incomprise. Elle m’a dit: «S’il te plaît ne remet pas en question ma sollicitude pour les Ouïghours et les autres groupes ethniques de Chine». Il lui semblait que bien que les méthodes utilisées par les «parents» n’étaient pas parfaites, ses intentions et celles de son père, étaient pleines de bonne foi. En dépit des profondes contradictions inhérentes à une série de semaines de visite imposées par des fonctionnaires, la plupart des «parents» auxquels j’ai parlé conservaient l’espoir de tisser des liens avec des villageoises et villageois ouïghours «non civilisés». En réalité, être placé à proximité immédiate de gens peut parfois mener à des amitiés particulières favorisant l’ouverture à la différence. Cela peut peut permettre à certaines personnes de partager les mêmes perspectives. C’est même précisément ce contre quoi les manuels de formation avertissent les «parents» dans une liste des «dix choses à ne pas faire»: «Ne vous laissez pas influencer par la situation, n’entretenez pas de sympathies pour ne pas risquer qu’on vous retourne le cerveau».   

La tyrannie actuellement à l’œuvre dans le nord-ouest de la Chine monte différents groupes de citoyens chinois les uns contre les autres à la faveur d’un processus totalitaire qui tend à dominer tous les aspects de la vie. Cela pousse les «parents» Han à avoir des relations de coercition vis-à-vis de leurs hôtes ouïghours et kazakhs, produisant une épidémie d’isolement individuel et de solitude en faisant éclater les familles, les amis et les communautés. Alors que des restriction de la liberté de niveau de plus en plus important sont mises en œuvre, le projet produit de nouvelles normes définissant ce qui est normal et banal. Les «parents» auxquels j’ai parlé, qui effectuaient pour l’État une mission consistant à briser des familles et les envoyer dans un système de camps, considéraient qu’ils ne faisaient «que leur travail».  

Je les ai crus. Dans l’ensemble, ils ne semblaient pas avoir même pensé à l’horreur qu’ils rendaient possible. Aucune presse libre ne leur était accessible. La majorité des gens que j’ai interrogés ne savait pas ou ne croyait pas que les camps de rééducation fonctionnaient comme une forme spécifiquement chinoise de camp de concentration, où les châtiments corporels et la torture psychologique sont courantes, ou encore que les Ouïghours et les autres minorités voyaient le fait d’être envoyées dans les camps comme une forme de punition. Seule une seule des dix personnes Han issues du Xinjiang avec qui je me suis entretenues pensait que les camps servaient de prisons pour les gens qui n’étaient coupables que d’appartenir aux mauvaises catégories ethniques et religieuses.

Lorsque l’on écrit sur la participation des civils Han à la détention massive des minorités musulmanes en Chine, comme l’ont noté David Brophy et d’autres, il est également important de se souvenir que les civils Han qui résistent à la politique d’État à l’égard des Ouïghours s’exposent eux aussi à un grand danger. Comme me l’a dit un de mes amis Han du Xinjiang, dans cette partie du monde, le slogan «là où il y a oppression» n’est pas prolongé par les mots «il y aura résistance» mais plutôt par «il y aura soumission». Compte tenu des mesures totalitaires ayant cours sous l’État policier du Xinjiang, les civils Han de la région semblent souvent penser n’avoir d’autre choix que de participer à la politique d’État d’oppression des minorités musulmanes.     

Les citoyens d’États totalitaires sont presque toujours contraints à agir de façon contraire à leurs obligations éthiques. Pour qu’un mouvement politique de refus par les civils Han de la politique étatique chinoise d’oppression des musulmans soit même imaginable, il faut tout d’abord que ce qui se passe dans le nord-ouest de la Chine soit décrit avec précision. Comme l’avait fait remarquer Hannah Arendt il y a quelques décennies, les systèmes comme celui-ci fonctionnent en partie parce qu’on empêche celles et ceux qui y contribuent de réfléchir à ce qu’ils font. Parce qu’on les empêche d’y réfléchir, ils ne sont pas capables d’imaginer complètement ce qu’est la vie du point de vue des personnes dont ils détruisent les vies.

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