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C'était attendu et cette fois-ci, il n'y a pas eu de surprise. Comme prévu, les Démocrates ont repris la chambre des représentants tandis que les Républicains ont conservé la majorité au sénat, à l'occasion des élections de mi-mandat 2018.
Selon les dernières estimations, les Démocrates devraient avoir vingt-et-une voix d'avance à la chambre et les Républicains six voix au sénat.
Ces résultats peuvent sembler surprenants quand on découvre que les Démocrates ont pris trente-trois sièges aux Républicains à la chambre des représentants, mais en ont laissé filer un au sénat. Ce scénario ne s'était produit qu'à trois reprises lors des élections de mi-mandat, depuis la Seconde Guerre mondiale.
Si cela peut sembler absurde, cela s'explique. Ces deux élections sont assez différentes l'une de l'autre, et pour obtenir un tel résultat il suffisait d'un environnement négatif pour les Républicains, mais d'une carte sénatoriale qui leur était favorable.
Pourquoi la chambre est passée Démocrate
Les observateurs américains s'attendaient à une vague bleue sur le plan national. Tout d'abord, parce que c'est un phénomène qui se répète régulièrement: le parti au pouvoir perd du terrain à la chambre lors des élections de mi-mandat, rappelait Le Monde avant les élections: «Depuis la Seconde Guerre mondiale, le parti du président perd en moyenne vingt-cinq sièges lors des élections de mi-mandat, et plus encore lorsqu’il contrôle les deux chambres du Congrès, comme c’est le cas aujourd’hui». C'est ce qu'il s'est passé cette nuit. Les Républicains ont perdu trente-trois sièges, selon les dernières estimations.
Par ailleurs, les signes étaient encourageants pour les Démocrates. «Les disparités hommes-femmes sont immenses et vont dans le sens des Démocrates», écrivait NPR avant les élections. «Les électeurs indépendants penchent majoritairement pour les Démocrates, et ces derniers ont récolté beaucoup d'argent.» Ajoutez à cela un président impopulaire et conserver la chambre devenait très compliqué pour le parti au pouvoir.
Comme l'explique le Guardian, «la représentation au sein de la chambre est (relativement) proportionnelle à la population, et la totalité de la chambre est réélue tous les deux ans». Alors quand la vague bleue est arrivée (plus de sept points d'avance pour les Démocrates sur le plan national), elle s'est répercutée directement sur la chambre.
Par ailleurs, jamais autant de Républicains sortants avaient décidé de ne pas se représenter. «Les électeurs américains sont généralement assez réticents à expulser un élu sortant», continue le Guardian, qui souligne cependant que «trente-neuf Républicains –pour la plupart des anti-Trump– avaient choisi de ne pas se représenter, et certains d'entre eux se trouvaient dans des États-pivots comme la Floride et la Pennsylvanie».
Pourtant les Républicains n'étaient pas vraiment battus avant l'élection. Le Guardian rappelle ainsi que sur les cinquante dernières années, les Démocrates n'avaient réussi à reprendre vingt-trois sièges qu'à deux reprises: en 1974 et en 2006. Sans compter le fait que les dernières cartes électorales tracées par les Républicains dans certains États les favorisaient considérablement.
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Pourquoi le sénat est resté Républicain
Sur les 100 sièges (deux par État), trente-trois étaient remis en jeu lors de ces élections –trente-cinq en comptant les élections partielles dans le Minnesota et le Mississippi.
Or, les Démocrates détenaient déjà vingt-six de ces sièges (ou plus précisément vingt-quatre, plus deux indépendants). Comme le rappelle le site FiveThirtyEight, il s'agissait là du plus grand ratio à défendre pour un parti qui n'a pas la Maison-Blanche depuis 1914, et la ratification, un an plus tôt, du 17e amendement, qui permet aux électeurs et électrices de choisir directement leurs sénateurs et sénatrices.
Par ailleurs, note le Guardian, le sénat n'est absolument pas représentatif de la population américaine. Avec deux votes pour chaque État, le Wyoming et ses moins de 600.000 habitants et habitantes a autant de poids que la Californie et ses presque quarante millions d'âmes. «Les États plus petits ont aussi tendance à être plus ruraux, et à favoriser les Républicains.»
Autant dire qu'avant même de penser à remporter les deux sièges supplémentaires nécessaires (sur neuf possible) pour prendre le contrôle du sénat (en cas d'égalité 50-50, c'est le vice-président, en l'occurrence le Républicain Mike Pence, qui vote pour départager), les Démocrates devaient limiter les dégâts de leur côté. Dix des sièges qu'ils devaient défendre se trouvaient dans des États remportés par Donald Trump en 2016. «C'est un groupe d'États rouges comme le Montana, le Dakota du Nord, le Missouri, l'Indiana, et la Virginie-Occidentale où Trump s'était imposé largement en 2016. [...] Le champ de bataille ne pourrait être pire pour les Démocrates», récapitule NPR.
À l'inverse, seul un Républicain défendait son siège dans un État remporté par Hillary Clinton, deux ans plus tôt: Dean Heller dans le Nevada. Le sénateur sortant était donné vainqueur dans les dernières estimations.
Tout ceci faisait dire à un observateur vétéran de la politique américaine que «c'est la pire carte» qu'il ait jamais vue pour un parti.
«Le but des Démocrates était de conserver les sièges qu'ils avaient déjà, limiter la casse, pour ne pas être trop loin lors des deux prochaines sénatoriales, quand plus de sénateurs républicains devront se battre pour leur réélection», concluait NPR. Au final, les Démocrates ont perdu un siège. Certains comme Beto O'Rourke (battu de peu dans le Texas) ou Joe Manchin (vainqueur en Virginie-Occidentale) ont fait mieux que se défendre dans des États pourtant largement en leur défaveur, et qui avaient largement échappé à Hillary Clinton lors de la dernière présidentielle.
Avec un siège de perdu, les Démocrates ont déjà les yeux tournés vers novembre 2020. Une date à laquelle il y aura un peu plus que le sénat en jeu.