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La Mamounia, palace aux trois fourneaux

Ambiance marocaine, française ou italienne: le palace de Marrakech laisse le choix.

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C'est le précédent directeur général Robert Bergé, quinze années à la Mamounia, qui avait implanté trois types de restauration: la marocaine, la française et l'italienne. En cela, le palace cher à Charlie Chaplin, Jacques Brel («le rêve civilisé») et à Alfred Hitchcock qui tourna dans ces lieux «L'homme qui en savait trop» a été l'un des premiers dans sa catégorie à faire venir des chefs capés, étoilés, célèbres dans leur pays d'origine -ce fut le cas d'Alain Senderens dans les années 1980.

Le choix des chefs fait partie des attributions de Didier Picot, le directeur général, longiligne et distingué, ancien cadre du groupe Peninsula, assisté de ses bras droits dont Fabrice Lasnon, 40 ans, un singulier globe-trotter des fourneaux désigné comme chef exécutif des cuisines de la Mamounia, responsable devant les propriétaires dont la Compagnie des Chemins de fer du Maroc, majoritaire.

La table marocaine

Pas de dilemme pour la table marocaine installée dans un bâtiment de trois étages, salles à manger, terrasses, salons, fumoir, dans le parc aux orangers et bougainvilliers. Le chef Rachid, gendre de Boujemaa Mars, maestro du couscous et de la pastilla, était tout désigné pour superviser la vingtaine de cuisinières marocaines en charge des préparations familiales, la tradition locale dans sa vérité: la soupe harira, la mourouzia au ras el hanout (20 épices), le tajine de homard aux pois chiches, le couscous de poissons, le loup farci aux dattes, le pigeon aux vermicelles et, rareté, le couscous sucré aux abricots et au lait -ces spécialités locales délivrées dans un cadre sobre de bois sculpté et mosaïques arc-en-ciel. Plus de danses du ventre mais « Imagine », la belle chanson de John Lennon, tout cela mériterait des cuissons moins longues et plus de raffinement.

Comptez 100 à 150 euros, vin de Mekhnès. Ouvert pour le dîner de 19h à 23h.

La table française

Un quintette de grands chefs français a convoité le poste de maestro du légendaire cinq étoiles. Didier Picot et ses adjoints ont écumé une kyrielle de restaurants de l'Hexagone en quête de la perle rare. Chef doublement étoilé de l'Apicius, Jean-Pierre Vigato a surclassé ses confrères et a imposé son style classique, grand bourgeois, pour gourmets au bon coup de fourchette. Dans la foulée, il a désigné un de ses disciples, Guillaume Monjuré, ex-chef du Goupil, un vrai bistrot de la porte Champerret (75017), avec la mission de reproduire au plus près le répertoire de l'Apicius, sans fantaisies ni références marocaines.

Ainsi retrouve-t-on les langoustines à la crème de caviar, le thon en sashimi et foie gras poêlé, les coquillages et crustacés en gelée, la fameuse charlotte de pommes de terre au caviar et ciboulette, la côte de veau de lait en cocotte pommes purée, le magret de canard à la peau croustillante et la tatin à l'échalote, le carré d'agneau au four et la compotée de souris aux amandes, le saumon mi-cuit façon hareng, sans oublier l'onctueux soufflé au chocolat et la tarte aux pommes, à tomber.

Seuls deux produits viennent de France: le charolais et le veau de lait dont les taxes douanières équivalent à trois fois le prix français... Cela dit, chapeau, le vif-argent Guillaume Monjuré est bien l'alter ego de Vigato pour la finesse, les cuissons, les goûts de la partition. C'est bien simple, on se croirait à Paris, rue d'Artois (75008), ce qui est proprement sidérant: l'élève s'est hissé au niveau du maître, génial formateur. Comptez 120 à 180 euros. Carte allégée au déjeuner servi dans le même cadre, l'ancienne brasserie du rez-de-chaussée, devant le rideau d'arbres qui masquent la piscine. C'est là qu'est offert le petit déjeuner (35 euros), thé à la menthe, dattes, figues, raisins secs, viennoiseries, cakes et un éventail d'œufs coque, au plat, brouillés, tout cela copieux et servi avec une indéniable gentillesse.

Ouvert pour le déjeuner «brasserie» de 12h30 à 15h, et le dîner «gastronomique» de 19h à 23h.

De l'autre côté des arbres, dans l'admirable jardin aux essences multiples, un rêve bucolique, voici le restaurant de la piscine turquoise agrandie par Jacques Garcia, un très beau buffet circulaire où voisinent les viandes d'agneau, de bœuf (tartare), les poissons et crustacés des marchés (Safi, Agadir...) et des plats marocains, couscous oblige.

On déjeune en maillot de bain dans les effluves des grillades, titillement des narines que Garcia n'a pu éviter.

Brunch somptueux le dimanche, 100 euros. Pavillon de la piscine, ouvert pour le petit déjeuner buffet de 7h à 11h et le déjeuner buffet de 12h30 à 15h30.

La table italienne

Restait la table italienne à inventer, un must pour la clientèle cosmopolite chez qui la pasta, le risotto, l'escalope de veau milanaise et le tiramisu constituent un quatuor de promesses gourmandes, ô combien rassurantes. L'heureux vainqueur, le sexagénaire Alfonso Iaccarini, au physique de séducteur napolitain, a été l'un des meilleurs chefs de la Botte, patron deux étoiles de Don Alfonso 1890, un coquet restaurant de vacances juché dans une ruelle de Sant'Agata, un minuscule village dominant le golfe de Naples -un site enchanteur tout proche de Capri.

Depuis un quart de siècle, Alfonso s'est attaché à faire renaître la cuisine du Sud de l'Italie en développant des activités agricoles raisonnées, lesquelles fournissent de l'huile d'olive extra vierge, des herbes, des légumes, des fruits dont les fabuleuses tomates cerise à la saveur incomparable, la base de la sauce des spaghetti al dente à la mozzarella ou au parmesan, le plat le plus vendu à la Mamounia, avec la splendide casserole des poissons du marché au parfum de sabayon au safran.

À Marrakech, dans un cadre plutôt raffiné au rez-de-chaussée du palace, face au bar italien, Alfonso a délégué au piano Luigi Ferrante, douze ans dans le sillage du maestro, chargé de transcrire les plats phares de Iaccarino dont le rarissime soufflé de mozzarella et chips de basilic, les beignets de homard sauce aigre-douce et légumes de saison, la redécouverte de la parmigiana d'aubergines et une farandole de pâtes maison: les chitarrini aux araignées de mer, câpres et tomates, le ravioli farci au ragoût de caille, parmesan et truffe noire, les gnocchetti de pommes de terre au chou blanc et jus de veau, et le spectaculaire Vesuvio de rigatoni, un dôme farci à la pasta, fromage et tomate, réplique du volcan dans l'assiette.

De la cuisine rustique-noble, ancrée dans les produits expédiés de là-bas: la pasta, le riz, les fromages en priorité de Sant'Agata, comme quoi la bonne chère n'a plus de frontières. Sensationnelle carte des desserts, le marron confit de Naples, les crêpes aux châtaignes et la délicate panna cotta aux agrumes, un ensemble de gâteries qui plaisent aux hôtes de la Mamounia, les complets (55 couverts) s'enchaînent dans cette salle à manger chic, aux boiseries patriciennes.

Comptez de 120 à 150 euros. Ouvert pour le déjeuner et le dîner.

Les restaurants du palace de Mademoiselle Mamounia laissent donc le choix: le marocain pour l'exotisme bien tempéré, le français pour l'esprit «grande cuisine» importée avec brio, le snack de la piscine pour le déjeuner au soleil sous les parasols, ou l'italien pour le sens du terroir sudiste et les influences méditerranéennes.

Nicolas de Rabaudy

Image de une: La Mamounia

La Mamounia. Avenue Bab Jdid 40040 Marrakech. Tél.: 00 (212) 524 388 600. Fax: 00 (212) 524 444 660. Chambres à partir de 600 euros selon la période. Site Internet: www.mamounia.com


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