Monde / Économie

Si la Chine s’effondre, elle entraînera le monde entier dans sa chute

Des décennies durant, la Chine est parvenue à éviter la plupart des écueils propres aux dictatures. L’omnipotence de Xi Jinping risque aujourd'hui d’anéantir cette «exception chinoise».

Xi Jinping assiste à la cérémonie d'ouverture du dialogue entre les dirigeants chinois et africains, et les représentants du monde des affaires et de l'industrie, avant le Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin, le 3 septembre 2018. | Lintao Zhang / POOL / AFP
Xi Jinping assiste à la cérémonie d'ouverture du dialogue entre les dirigeants chinois et africains, et les représentants du monde des affaires et de l'industrie, avant le Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin, le 3 septembre 2018. | Lintao Zhang / POOL / AFP

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Ces quarante dernières années, la Chine a accumulé une longue liste de réussites. Entre 1978 et 2013, l’économie chinoise a connu une croissance de 10% environ par an, ce qui a permis de décupler le revenu moyen des adultes. Cette croissance a permis à quelque 800 millions de personnes de sortir de la pauvreté et, en chemin, la Chine a aussi réduit son taux de mortalité infantile de 85% et augmenté l’espérance de vie de ses ressortissants de onze ans.

Ces réussites sont d’autant plus étonnantes qu’elles ont été réalisées par un gouvernement très répressif sur le plan politique (quelque chose de très, très difficile si l’on en croit les précédents historiques et la théorie politique). Il n’est donc pas étonnant que le spécialiste de la Chine Orville Schell décrive ce record comme «l’un des miracles économiques les plus étonnants de l’histoire du monde».

Le caractère miraculeux des réussites chinoises rend d’autant plus tragique –et alarmant– ce qui se passe aujourd’hui dans le pays. Sous couvert de lutter contre la corruption, le président Xi Jinping est en train de démanteler méthodiquement toutes les réformes, ou presque, qui ont rendu possible la croissance extraordinaire de la Chine pendant quarante ans. Il est en train de remplacer un système, certes défectueux, mais qui accumulait les réussites, par un immense culte de la personnalité, où tout tourne autour de lui et qui lui permet de concentrer entre ses mains plus de pouvoirs que n’en a jamais détenus un dirigeant chinois depuis Mao Zedong.

Conséquences désastreuses

À court terme, les mesures de Xi Jinping peuvent sembler rendre la Chine plus stable et moins corrompue. Mais en détruisant une grande partie des mécanismes qui ont construit le miracle chinois, le président risque d’en renverser les effets et de transformer la Chine en un énième État policier inefficace, fragile et belliqueux (une sorte de Corée du Nord gigantesque, en plus ouverte). Et cela devrait inquiéter non seulement les 1,4 milliard d’habitants et habitantes que compte la Chine, mais aussi le reste du monde.

Afin de comprendre pourquoi cette quête de pouvoir personnel de Xi Jinping est si dangereuse, il faut comprendre ce qui a rendu la Chine exceptionnelle durant si longtemps. La plupart des tyrannies et des États à parti unique qu’a connus l’histoire moderne ont quelques caractéristiques de base en commun. Le pouvoir y est toujours détenu par un nombre très restreint d’individus qui, afin de se maintenir au pouvoir, répriment les dissidents et gouvernent par intimidation. Vivant dans la peur, citoyens et fonctionnaires font de leur mieux pour flatter les chefs. Personne ne dit la vérité, surtout si cela risque de déplaire aux dirigeants.

Par conséquent, les tyrans vivent isolés, l’ego gonflé par des flatteries constantes et obséquieuses. Se trouvant de plus en plus déconnectés de la réalité et du reste du monde (comme par exemple Kim Jong-un, Bachar el-Assad ou Robert Mugabe), ils finissent par diriger au gré de leurs caprices et de leurs instincts, sans jamais prendre conscience de la véritable situation de leur pays. Bien entendu, les conséquences de cette ignorance sur leur politique sont désastreuses, tant au niveau national qu’international.

Xi Jinping se rend au Monument aux héros du peuple lors d'une cérémonie sur la place Tiananmen à Pékin, à la veille de la fête nationale, le 30 septembre 2018.

Pendant trente-cinq ans environ –à partir de la mort de Mao et du lancement des réformes de Deng Xiaoping à la fin des années 1970, jusqu’à la prise de pouvoir de Xi Jinping en 2012— la Chine a évité beaucoup de ces écueils et a défié les lois des statistiques politiques en mettant en place ce que les spécialistes ont qualifié de «régime autoritaire d’adaptation». Tout en restant officiellement communiste, le pays a adopté bien des aspects de l’économie de marché et plusieurs autres réformes libérales.

Bien entendu, l’ancien système restait hautement répressif (comme l’a montré, par exemple, l’épisode de la place Tiananmen) et, par bien des aspects, était très loin d’être parfait, mais il a permis néanmoins au gouvernement chinois de fonctionner de manière étonnamment efficace et d’éviter nombre de pathologies dont ont eu à souffrir les autres régimes autoritaires. La censure, par exemple, n’a jamais disparu, mais les membres du Parti avaient le droit d’exprimer des désaccords et les débats étaient permis. Les rapports internes étaient d’ailleurs parfois étonnamment rudes.

Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, Xi Jinping sape quasi systématiquement tout ce qui permettait à la Chine de se démarquer et qui l’a tant aidée par le passé. Cela profitera sans doute à son propre prestige et à son pouvoir, tout en réduisant certaines formes de corruption à court terme. Mais, à long terme, la campagne du président risque d’avoir des conséquences désastreuses tant pour la Chine que pour le monde.

Purges ordinaires

La caractéristique la plus inhabituelle du système créé par Deng Xiaoping fut peut-être la manière dont il distribua le pouvoir parmi les divers leaders du pays. Plutôt que de laisser l’autorité suprême aux mains d’une seule personne, comme c’est généralement le cas dans les dictatures, Deng Xiaoping avait divisé le pouvoir entre le Secrétaire général du Parti communiste (qui obtient le titre de président), le Premier ministre et le Politburo.

Deng Xiaoping espérait que ce système assurerait que personne ne puisse jamais exercer le type de contrôle que Mao avait eu sur le pays –puisque ce pouvoir sans limite l’avait mené à commettre de graves erreurs, comme le Grand Bond en avant (qui fit, selon les estimations, quarante-cinq millions de morts) et la Révolution culturelle (durant laquelle Deng Xiaoping fut lui-même victime d’une purge, de même que son fils, qui fut torturé au point d’en rester paralysé à vie). Comme l’explique Minxin Pei, expert de la Chine au Claremont McKenna College, le modèle de gouvernement collectif mis en place par Deng Xiaoping permit d’éliminer les mauvaises idées et de promouvoir les bonnes en mettant l’accent sur la délibération attentive et l’évitement des prises de risques.

Depuis son accession au pouvoir en 2012, Xi Jinping s’est attaché à détruire ce système de gouvernement collectif de plusieurs manières. Tout d’abord, au nom de la lutte contre la corruption –un objectif important et même primordial en Chine– il a écarté un grand nombre de figures importantes du pouvoir dont le seul véritable crime, à ses yeux, a été de ne pas faire preuve d’assez de loyauté envers le chef suprême. Meng Hongwei, le président d’Interpol que la Chine a brusquement arrêté cet automne n’est que le cas le plus récent d’un haut dignitaire à qui cela arrive. Mais son histoire est loin d’être exceptionnelle.

Des employés chinois suivent le procès de Bo Xilai, important politicien condamné à la prison à perpétuité le 22 septembre 2013. | Mark Ralston / AFP

Ces six dernières années, pas moins de 1,34 million de hauts fonctionnaires ont été pris pour cibles et plus de 170 dirigeants, occupant des postes de ministres ou députés, ont été limogés (et emprisonnés pour la plupart). Le sort de Meng Hongwei, tout comme celui de Bo Xilai –le puissant chef du parti communiste de Chongqing évincé en 2012– montre que personne n’est à l’abri des purges de Xi Jinping. Pour tout dire, plus de membres du puissant Comité central du Parti communiste chinois ont été «disciplinés» depuis 2012 qu’entre la Révolution communiste et cette même année.

Non content d’avoir éliminé quasiment toute concurrence, le président a aussi renforcé son pouvoir en s’attribuant un mandat illimité et en refusant de nommer un successeur, comme ses prédécesseurs l’avaient fait à mi-mandat. Il a également fait inscrire la «Pensée de Xi Jinping» dans la constitution (un honneur partagé uniquement par Mao et Deng Xiaoping), s’est assuré le contrôle direct des forces armées et est devenu «président de tout» en créant un grand nombre de groupes de travail sur des politiques allant des finances à Taïwan en passant par la cybersécurité –tous ces groupes étant directement liés à lui.

Limiter les contacts avec l'étranger

Dans l’ancien système, les fonctionnaires de tous niveaux pouvaient s’attendre à être récompensés en cas de bons résultats. Il ne s’agissait pas vraiment de méritocratie, car le système était mu par une bonne dose de corruption et de népotisme. Néanmoins, ces deux caractéristiques servaient le bien commun d’une manière essentielle: si un ou une fonctionnaire travaillait bien, il ou elle pouvait s’attendre à une vraie promotion.

Xi Jinping, au contraire, «a remplacé ce système d’incitations par un système fondé sur la peur», observe Minxin Pei. Et ce changement pose deux grands problèmes. Tout d’abord, cela a modifié les priorités des fonctionnaires, qui au lieu de vouloir être efficaces, cherchent désormais avant tout à se montrer loyaux. Le deuxième problème, d’après Alexandre Gabouïev, spécialiste de la Chine au centre Carnegie de Moscou, est que «lorsqu’il ne vous reste plus que la peur, les fonctionnaires sont trop effrayés pour faire quoi que ce soit sans ordre explicite de la hiérarchie. Par conséquent, tout le système devient passif. Et plus rien ne se fait».

Un autre atout de l’ancien système était la manière dont il incitait les autorités locales (au niveau du village, du comté ou de la province) à expérimenter et à prendre des initiatives, de la construction de marchés libres il y a quarante ans à l’autorisation de posséder des terres plus récemment. Les expériences de ce type ont fait naître en Chine des centaines de laboratoires politiques permettant de tester calmement différentes solutions à divers problèmes, à petite échelle, en prenant son temps avant de décider de les appliquer, ou non, à plus grande échelle. Ce système a notamment permis à Pékin d’éviter des absurdités et des erreurs désastreuses comme celles commises sous Mao –comme lorsque, durant le Grand Bond en avant de 1958-1962, les responsables de la planification avaient insisté pour que les paysans tibétains plantent du blé, alors que le terrain montagneux de la région était hautement inadapté à cette céréale.

Les fonctionnaires doivent faire une demande d’autorisation pour participer à des conférences internationales et rendre compte heure par heure de leur emploi du temps à l’étranger

Bien entendu, Pékin devait tolérer un certain niveau d’autonomie afin que les responsables locaux puissent tenter de nouvelles choses. Xi Jinping semble, au contraire, considérer ce type de pensée indépendante comme une menace intolérable. À sa demande, le gouvernement a commencé à décourager les programmes pilotes de petite échelle. Sebastian Heilmann, de l’université de Trèves, en Allemagne, estime que le nombre d’expériences provinciales est passé de 500 en 2010 à environ soixante-dix en 2016. Et le nombre a sans doute encore chuté depuis. À leur place, les politiques sont une fois de plus dictées par le sommet, sans se préoccuper des conditions locales.

Un dernier exemple: de la même manière que pour le secteur technologique (où la Chine est connue pour voler et reproduire les innovations étrangères), les responsables chinois copient depuis longtemps les innovations politiques, en étudiant attentivement celles qui ont montré de bons résultats à l’étranger afin d’en tirer des leçons et de les appliquer en Chine (la meilleure illustration est sans doute la création des marchés libres chinois, inspirés des modèles japonais, taïwanais et américain). Comme pour les autres nouveautés initiées par Deng Xiaoping, Xi Jinping a limité cette pratique, en compliquant les interactions des représentants du gouvernement avec l'étranger.

En 2014, les autorités ont notamment commencé à confisquer les passeports des fonctionnaires. Le gouvernement a justifié la mesure en invoquant la lutte contre la corruption (l’idée serait d’empêcher les fonctionnaires malhonnêtes de fuir le pays). Mais le fait que cette décision ait ensuite été étendue aux enseignants des écoles primaires et renforcée par d’autres restrictions analogues (les fonctionnaires doivent désormais faire une demande d’autorisation pour participer à des rencontres et des conférences internationales et doivent rendre compte heure par heure de leur emploi du temps à l’étranger) prouve que la véritable priorité est de limiter les contacts avec les étrangers et leurs idées.

«Bombes à retardement»

Qu’impliquent les mesures de répression de Xi Jinping pour son peuple et pour le reste d’entre nous? Même s’il convient de rester prudent lorsqu'on lance des paris sur l’avenir de la Chine (comme nous l’avons montré plus haut, le pays est incroyablement doué pour régler les problèmes qui devraient, en théorie, l’empêcher d’avancer), on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression que la Chine de Xi Jinping est en train de perdre son caractère exceptionnel pour ressembler de plus en plus à un État policier classique.

Sur le plan national, les politiques décidées à Pékin font déjà montre de moins de flexibilité et de compétences. Les exemples et les inconvénients de cette approche plus rigide ne sont pas difficiles à trouver. Revenons sur les événements de l’hiver dernier, lorsque le gouvernement a décidé d’imposer brutalement l’abandon, à l’échelle nationale, des systèmes de chauffage au charbon pour les remplacer par des appareils au gaz. Cette décision peut sembler pleine de bon sens dans un pays aussi pollué que la Chine, mais le décret a été appliqué subitement dans tout le pays, sans exception. Ainsi, dans les régions glaciales du nord du pays, la plupart des chaudières à charbon ont été enlevées avant que les nouvelles chaudières à gaz ne puissent être installées, laissant des villes entières sans chauffage et obligeant les villageois à brûler des épis de maïs pour survivre.

La Chine semble non seulement incapable de s’attaquer à ces dysfonctionnements, mais il est très probable qu’elle les aggrave

Si la Chine persiste dans cette voie, il faudra s’attendre à assister à d’autres désastres aux conséquences encore plus néfastes, provoqués par des mesures bien intentionnées mais mises en œuvre de manière précipitée et non réfléchie. Les dictatures étant, par nécessité, peu à même d’admettre leurs fautes (rien ne doit nuire à l’aura du dirigeant omnipotent), la Chine risque également de devenir moins prompte à corriger ses erreurs une fois qu’elles auront été commises. Ni à affronter les problèmes sous-jacents qui font plonger son économie: sa dépendance excessive envers des entreprises d’État inefficaces (qui n’ont cessé de se développer et de gagner en influence depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping), les niveaux d’endettement dangereusement élevés (notamment au sein des administrations locales), ou encore la tendance à réagir à chaque ralentissement en injectant davantage de liquidités dans le système (notamment pour des projets d’infrastructure inutiles).

En réalité, la Chine semble non seulement incapable de s’attaquer à ces dysfonctionnements, mais il est très probable qu’elle les aggrave. Et c’est exactement ce qui s’est produit le 7 octobre dernier, lorsque la Banque populaire de Chine a annoncé la mise en œuvre d’un autre programme de relance coûteux, un projet de 175 milliards de dollars pour soutenir les petites et moyennes entreprises.

En l’absence de réforme, chaque nouvelle mesure budgétaire augmente les risques de voir la Chine vivre une crise économique extrêmement déstabilisante, crise qui menace inéluctablement la Chine, comme l’a prédit depuis des années Ruchir Sharma, responsable des marchés émergents chez Morgan Stanley. «La grande question est de savoir si l’une des bombes à retardement qui mettent la Chine en danger –que ce soient les mauvaises créances, les marchés immobiliers en surchauffe, ou les entreprises d’État trop puissantes– va exploser, s'interroge Gabouïev. Xi Jinping concentre tant de pouvoirs entre ses mains que personne ne l’avertira si l’une de ces bombes est sur le point d’exploser. Et vu qu’il ne comprend pas très bien la macroéconomie, et que tout le monde a peur de contredire l’empereur, il y a un gros risque qu’il gère mal la crise lorsqu’elle se produira.» De fait, la réaction du gouvernement à toute instabilité risque d’être assez violente. Comme l’explique Orville Schell, «Xi Jinping a vraiment mis la Chine en grand danger. Et comme le bâton semble être le seul outil politique qu’il connaisse, la répression risque de s’accentuer encore plus si les choses tournent mal».

Cataclysme

Ces prédictions devraient inquiéter tout le monde. La Chine étant, selon certaines mesures, la première puissance économique mondiale, son effondrement aurait des conséquences dramatiques pour le monde entier. Et l’histoire récente des autres autocraties, telles que la Russie de Vladimir Poutine ou la Corée du Nord de Kim Jong-un, laissent penser que le goût immodéré pour le pouvoir de Xi Jinping pourrait avoir des résultats encore plus désastreux. Depuis son accession, il a été bien plus agressif en matière de politique extérieure que tous ses prédécesseurs, ce qui lui a valu de s’aliéner le soutien de quasiment tous ses voisins et des États-Unis, en insistant notamment sur ses revendications dans le sud de la mer de Chine, en menaçant Taïwan et en faisant appel à l’armée pour faire valoir les revendications de Pékin sur les îles disputées.

Si les problèmes économiques de la Chine venaient à s’aggraver, Xi Jinping pourrait tenter d’accroître encore les tensions sur tous ces sujets afin de détourner l’attention des citoyens des problèmes intérieurs que connaît le pays. Cette tentation sera particulièrement forte si le président américain Donald Trump continue à titiller la Chine en intensifiant sa guerre commerciale et en s’exprimant publiquement à ce sujet.

Et, prévient Minxin Pei, la situation pourrait encore s’aggraver si les problèmes économiques de la Chine devenaient vraiment incontrôlables. Dans ce cas, l’État chinois pourrait littéralement s’effondrer. C’est une situation classique dans les dictatures lorsqu’elles sont confrontées à des chocs économiques, des menaces extérieures (en particulier une défaite militaire) ou des troubles sociaux. Mais, dans le cas particulier de la Chine, et compte tenu de la taille gigantesque du pays, elle pourrait avoir des conséquences cataclysmiques.

C’est pourquoi nous devrions tous et toutes espérer que la Chine finisse par trouver, une fois de plus, un moyen d’échapper aux théories politiques et à faire encore figure d’exception… en dépit de tout ce que fait Xi Jinping en ce moment.

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