Parents & enfants / Santé

«J’ai découvert que son entreprise pratiquait une foule de délits»

[C'est compliqué] Cette semaine, Lucile conseille Françoise, qui s'est rendue compte que son mari a –entre autres délits– falsifié sa signature afin de réaliser des malversations financières.

«Il a d’abord tenté de détourner mes questions, puis a littéralement fui physiquement.» | Priscilla Du Preez via Unsplash <a href="https://unsplash.com/photos/I-zSrQnLlX0">License by</a>
«Il a d’abord tenté de détourner mes questions, puis a littéralement fui physiquement.» | Priscilla Du Preez via Unsplash License by

Temps de lecture: 3 minutes

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c’est par là.

Chère Lucile,

Je me suis mariée à 23 ans avec un garçon avec lequel je sortais depuis que nous avions tous les deux 18 ans; nous nous sommes rencontrés en classe préparatoire. Ensemble, nous avons eu cinq enfants.

Pendant trente ans, nous avons vécu une vie très heureuse. C’est du moins le souvenir que j’en ai, bien que le psy me fasse comprendre qu’il y avait forcément des signes annonciateurs de la suite.

Petit à petit, j’ai senti mon mari prendre de la distance. J’ai interprété ce comportement comme la conséquence des profondes difficultés que traversait son activité professionnelle et à la fatigue résultant de ses douze à quatorze heures minimum de travail quotidiennes.

Au début, j’ai pensé que le mieux était de respecter son choix du silence, justifié par des phrases comme: «Mon père ramenait toutes ses histoires de boulot à la maison, je ne vais pas faire comme lui et créer une ambiance invivable.» Il m’adressait de moins en moins la parole, et se réfugiait dans la lecture des journaux et devant la télévision.

J’ai fini par insister de plus en plus, pour savoir ce qu’il se passait dans son entreprise familiale. Il a d’abord tenté de détourner mes questions, puis a littéralement fui physiquement lors d’un rendez-vous programmé à son bureau. J’ai alors fouillé une partie des locaux et interrogé le personnel. J’ai découvert que son entreprise pratiquait une foule de délits, notamment en matière de droit du travail, sans parler du harcèlement moral des ouvriers.

Ayant besoin pour ses trafics de plusieurs sociétés avec des gérants différents, j’ai également découvert qu'il m'avait moi-même désignée comme gérante. Il imitait ma signature depuis des années. Si ses délits sont découverts, je serai pénalement responsable.

De son côté, il nie ou minimise tout, et affirme auprès de nos enfants et notre entourage –dont une partie le croit– que je fais une dépression.

J’ai décidé de divorcer, mais que dire, que montrer des preuves accumulées à nos cinq enfants?

Françoise.

Chère Françoise,

Ne pas raconter la vérité à vos enfants, c’est leur mentir, et c’est à vous de décider si ce mensonge en vaut la peine ou pas. Mentir, c’est protéger leur père, mais c’est aussi vous rendre complice, cette fois volontairement, de ses duperies. C’est donc accepter de prendre sur vos épaules une partie des fautes qu’il a commises. Je ne crois pas trop m’avancer en vous disant que le jugement qui vous fera le plus souffrir sera probablement celui de vos enfants.

Pourquoi alors prendre le risque de sacrifier votre honnêteté pour protéger quelqu’un qui ne vous protège pas, vous? Il est noble de vouloir, au nom de l’unité de votre famille, garder l’image de votre futur ex-époux aussi intacte que possible. Des milliers de femmes l'ont fait avant vous, en cachant tromperies, problèmes financiers ou démêlés judiciaires à leurs enfants, alors qu’elles étaient tout autant victimes qu’eux. Bizarrement, personne n’est là pour protéger ces femmes.

Je crois que vous devriez être pragmatique sur cette question. Si vous ne faites pas valoir votre innocence, vous tomberez avec –ou même pire, pour– votre mari. Qui s’occupera alors de vos enfants? En reprenant votre liberté et en laissant cet homme gérer ses propres erreurs, vous les mettrez forcément face à la réalité.

Vous n’avez pas précisé les âges de vos enfants, mais cette histoire peut être entendue, adaptée à l’âge et à la maturité de chacun. Pas besoin d’entrer dans les détails, si l’on veut bien accepter que la trahison justifie à elle-seule la procédure de divorce. Et vous pourrez expliquer plus en détail les tenants et les aboutissants de l’affaire à vos enfants quand ils en auront l’âge ou en feront la demande.

Les secrets de famille n'ont jamais donné autre chose que de la souffrance. Parler, faire entendre votre voix, c’est souvent bouleverser la douce torpeur du quotidien, mais c’est aussi être libre. Et je souhaite à vos enfants d’avoir une mère libre.

Quant à vous, je vous souhaite d’avoir le courage d’affronter cette épreuve et de reconstruire votre vie sur des bases saines, solides et honnêtes. Il me semble, dans vos mots, que vous semblez en avoir la force.

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