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Obama ne réformera pas l'assurance santé

Jour après jour, sa volonté d'instaurer un nouveau régime public d'assurance maladie faiblit.

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Les camps n'auront pas mis bien longtemps à se former. Tandis que Mitch McConnell, sénateur républicain du Kentucky, se disait «encouragé par les pourparlers entre les deux partis» lors du forum sur le système de santé organisé le 5 mars, le gouvernement recevait une lettre du même parlementaire et de quatre autres sénateurs républicains, Orrin Hatch (Utah), Charles Grassley (Iowa), Mike Enzi (Wyoming) et Judd Gregg (New Hampshire), affirmant leur ferme opposition à la réforme proposé par Barack Obama pendant sa campagne. Comme je l'expliquais en 2007 dans un autre article, ce régime public d'assurance-santé ne bénéficierait qu'aux travailleurs indépendants, employés de petites entreprises et à ceux dont l'employeur n'offre pas de couverture santé.

Pourtant, McConnell et compagnie y sont résolument opposés: «Contraindre les plans d'assurance sur le marché à entrer en concurrence avec ces programmes d'Etat fausserait le jeu et sonnerait le glas de la concurrence authentique. Au bout du compte, nous finirions avec un marché dominé par un seul et unique régime public. Patients et médecins se verraient alors privés du pouvoir de décision en matière de santé, confié à une énième administration à Washington.»

Hormis cette dernière phrase anxiogène, je ne suis pas en désaccord avec leur analyse. Le système d'assurance-santé financé par les employeurs est d'ores et déjà en déliquescence aux Etats-Unis, parce que certains cessent purement et simplement de proposer une assurance mais aussi parce que les programmes encore offerts ont une couverture de plus en plus restreinte (que celui qui a vu son assurance-maladie privée s'améliorer ces dix dernières années lève la main... Voilà. C'est bien ce que je me disais).

Le secteur privé de l'assurance maladie, qui fait payer des primes sans cesse plus coûteuses, impose des franchises toujours plus élevées, prend en charge des pathologies de plus en plus limitées et chicane sans cesse davantage pour refuser sa couverture à ses assurés aura bien du mal à faire face à la concurrence d'une assurance santé publique, même médiocre. Et comme si cela ne suffisait pas, il a été démontré à de nombreuses reprises que les systèmes de santé publics affichent un meilleur rapport coût/efficacité que les systèmes privés.

Jacob Hacker, spécialiste en sciences politiques à l'université de Berkeley et concepteur du «public plan choice» [«option régime public», qui consiste à refondre et étendre l'assurance maladie publique] adopté d'abord par le candidat à l'investiture démocrate John Edwards puis repris par Barack Obama, faisait remarquer dans un article récent qu'entre 1997 et 2006, «les dépenses de santé par assuré (à bénéfices comparables) ont progressé de 4,6 % au sein du système Medicare [régime public d'aide médicale aux personnes âgées], contre 7,3 % dans le secteur privé». Au vu de ces faits (que n'ignore aucune des parties en présence), je ne vois pas l'intérêt d'ajouter les assureurs à la liste sans cesse plus longue des secteurs d'activité privés renfloués par le gouvernement fédéral pour sauver notre économie en berne.

Quelle a été la réaction du président? Selon le New York Times et le Boston Globe, qui suivaient l'affaire (contrairement à la plupart des autres médias), Barack Obama s'est déclaré «conscient des craintes que les assurances privées se retrouvent dépassées si Washington en vient à proposer un système public et que des incitations tirent les coûts vers le bas». Je ne suis pas certain de bien comprendre ce qu'il a ainsi voulu dire, mais s'il entend par là que le gouvernement fédéral doit placer la santé financière des assureurs au-dessus des intérêts des Américains sans assurance ou mal assurés, le président fait preuve d'un esprit de conciliation qui confine à l'absurde.

Et ce n'est pas la seule chose qui m'inquiète. Sur la page du site Internet de la Maison Blanche consacrée au système de santé, il n'est fait aucune mention (pas la moindre) du volet public de la réforme d'Obama. Tout au long de sa campagne, le candidat avait minimisé l'importance de cet aspect de son programme car c'était le plus controversé. Et voilà qu'aujourd'hui il semble faire comme s'il n'avait jamais existé. Peut-être sait-il qu'il s'agit d'un chiffon rouge qu'il préfère ne pas agiter pour avancer discrètement. Mais soyons clairs: il n'y a pas de réforme digne de ce nom sans un nouveau régime public d'assurance maladie.

Timothy Noah

Traduit de l'anglais par Julie Marcot

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