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Ce que les responsables de centrales nucléaires ont appris des catastrophes passées

Les précédents de l’ouragan Andrew en 1992 et de la tragédie de Fukushima en 2011 ont changé la manière dont les centrales nucléaires font face aux ouragans comme Florence.

À Wilmington en Caroline du Nord (États-Unis) pendant le passage de l'ouragan Florence, le 13 septembre 2018 | Andrew Caballero-Reynolds / AFP
À Wilmington en Caroline du Nord (États-Unis) pendant le passage de l'ouragan Florence, le 13 septembre 2018 | Andrew Caballero-Reynolds / AFP

Temps de lecture: 3 minutes

Alors que la tempête Florence a frappé, samedi 15 septembre, la côte est des États-Unis, la présence de seize réacteurs nucléaires dans les États de Caroline et de Virginie repose la question de la sécurité et des coupures de courant lors de la saison cyclonique.

Dans ce contexte météorologique, les centrales nucléaires sont des installations sur lesquelles veiller tout particulièrement.

Éviter la surchauffe

La mesure de sécurité la plus importante pour une centrale nucléaire concerne la protection des cœurs des réacteurs nucléaires.

Les réacteurs fonctionnent à une température qui excède les 350°C et s’appuient sur des systèmes de refroidissement pour évacuer cette chaleur. Quand ces systèmes font défaut, certaines parties du cœur du réacteur sont menacées de fondre. Ces entrées en fusion peuvent conduire à des explosions et à la possible dispersion de substances radioactives dans l’environnement. Et lorsque l’alimentation électrique du réacteur fait défaut, cela peut avoir des conséquences sur la capacité du système à refroidir la centrale.

Pour prévenir de tels accidents, la paroi extérieure des enceintes de confinement des réacteurs est faite de béton renforcé et d’acier. Ces enceintes étant prévues pour résister à l’impact d’un avion de ligne, des débris volants –même s’ils sont propulsés par des vents soufflant à 200 km/h– ne représentent pas vraiment une menace.

En cas d'ouragans, la préparation des infrastructures passe par une inspection des centrales électriques, une protection des installations, un test des pompes de secours et des groupes électrogènes, et le stockage de produits de première nécessité, pour le cas où le personnel de l’usine devrait rester sur place.

Arrêter certains réacteurs à l'avance

La première fois qu’une centrale nucléaire américaine a été sérieusement touchée par un ouragan, ce fut en 1992,  quand l’œil d'Andrew passa juste au-dessus de la centrale nucléaire de Turkey Point, en Floride. Située à plus de quinze kilomètres au sud de Miami, la centrale a dû faire face à des vents soufflant à 90 km/h, voire à plus de 100 km/h.

Si les réacteurs en eux-mêmes n’ont pas été touchés, les dégâts pour le site ont été évalués à quatre-vingt-dix millions de dollars. Le courant a manqué cinq jours durant, obligeant la centrale à dépendre de groupes électrogènes pour faire fonctionner les équipements de base et garder les cœurs des réacteurs à l’abri de la surchauffe.

Un rapport de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis note que la centrale a initié sa mise hors service douze heures avant l’arrivée de la tempête, plus tôt que ce qui était recommandé à l’époque.

Si les responsables de la centrale avaient suivi les recommandations officielles à la lettre, les équipements n’auraient peut-être pas été prêts à affronter correctement la tempête.

De nos jours, les procédures d’arrêt et les rapports d’évaluation sont lancés au moins douze heures avant l’arrivée de l’ouragan, comme le préconise le CNRC.

Attendre avant de relancer les réacteurs

Quel que soit le moment, la quantité d’électricité disponible sur le réseau électrique doit correspondre à ce que les consommateurs et consommatrices utilisent, plus ce qui se perd dans l’acheminement de l’électricité. Quand l’électricité ne peut être ni consommée, ni acheminée, il faut en suspendre la production.

Même si l'objectif est de protéger le réseau, enterrer les lignes haute tension pour éviter qu’elles ne soient endommagées par des chutes d’arbres ou des débris volants les rend malgré tout plus vulnérables aux marées de tempête et aux inondations. Et lorsqu’un grand nombre de lignes et de postes électriques sont endommagés, les réacteurs mis hors de service ne pourront fonctionner à nouveau sans ces infrastructures.

Avant que l’ouragan Irma ne frappe le sud de la Floride, en septembre 2017, les responsables de la centrale de Turkey Point, qui avaient décidé de mettre ses réacteurs hors de service vingt-quatre heures à l’avance, décidèrent d’en laisser un en activité suite au changement de trajectoire de la tempête.

Tirer les leçons de Fukushima

Le souvenir de la catastrophe de la centrale de Fukushima Daiichi au Japon, en 2011, est encore présent dans toutes les mémoires. Parmi les 100.000 personnes évacuées, peu sont retournées dans la région meurtrie par ce désastre, même si les autorités nippones affirment que la situation est sous contrôle, au moins dans certaines zones.

Un distributeur de boissons abandonné à Tomioka, près de Fukushima (Japon), le 5 mars 2018 | Behrouz Mehri / AFP

La catastrophe a été provoquée après qu’un tsunami, résultant du tremblement de terre Tohoku, ait mis hors service les groupes électrogènes de secours utilisés pour refroidir les réacteurs nucléaires, entraînant une série de fusions suivies d’explosions et de fuites radioactives.

Fukushima a changé la manière dont les tempêtes violentes sont appréhendées, y compris aux États-Unis, où la Commission de réglementation nucléaire a renforcé les normes de sécurité à tous les niveaux et effectué des demandes spécifiques pour certaines centrales.

Aux États-Unis, l’électricité vient pour un cinquième de l’énergie nucléaire, mais la côte est où la tempête Florence s’est abattue en dépend davantage: le nucléaire représente 57% du réseau électrique pour la Caroline du Sud, un tiers pour la Caroline du Nord et la Virginie.

Duke Energy, qui détient presque toutes les centrales nucléaires de Caroline, avait prévu de mettre hors service certains de ses réacteurs douze heures avant l’arrivée de Florence.

L’entreprise a également indiqué que les trois quarts de ses quatre millions de clientes et clients devront faire face à des coupures de courant pendant plusieurs semaines.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

The Conversation

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