Société

«Je plais aux femmes mais il m’est impossible de passer la seconde»

[C'est compliqué] Cette semaine, Lucile conseille David, un homme de 47 ans qui peine à savoir comment redémarrer sa vie sentimentale après s'être séparé de la mère de ses filles.

<em>«Je me tiens toujours à distance, intellectuellement et physiquement»</em> | Jez Timms via <a href="https://unsplash.com/photos/vSJNnitaDdU">Unsplash</a> <a href="https://unsplash.com/license">License by</a>
«Je me tiens toujours à distance, intellectuellement et physiquement» | Jez Timms via Unsplash License by

Temps de lecture: 3 minutes

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c’est par là.

Chère Lucile,

Je viens de mettre un terme à ma relation de couple. Au début, j’étais admiratif de ma compagne et ai beaucoup fait pour qu’elle puisse réussir sa carrière, même si pour elle ce n’était jamais assez. Dix-huit ans et deux (adorables) filles plus tard, plus rien, plus d’affection, plus de complicité, nada, peanuts… Il ne reste plus que deux carrières «successful», à l’américaine (pardon du cliché). J’ai décidé de mettre un terme à cette relation pour des raisons de vie ou de mort. J’étais malheureux comme les pierres. Seulement maintenant je suis au pied du mur avec tout à refaire à 47 ans et je suis complètement paumé.

Pas ou peu de vie sociale (en dehors du travail), avec cette peur des femmes qui revient (brrr), je me retrouve comme un adolescent avec tout à (re)construire. Je suis plutôt du style amoureux transi et surtout je suis un p**** d’intello. Dans une discussion avec n’importe qui et a fortiori une femme, mon esprit vagabonde à la moindre idée échangée et je me retrouve avec deux ou trois coups d’avance, laissant mon interlocutrice un peu pantoise. On dit souvent de moi que je suis insaisissable ou caméléon, ce qui dérange certaines personnes qui me trouvent inclassable...

En plus je me tiens toujours à distance, intellectuellement et physiquement, ce dont je n’ai pris conscience que très récemment grâce à mon coach professionnel. Bref, pour communiquer c’est compliqué car il faut être un minimum dans le même espace-temps. Je ne parle pas de capacité à communiquer au travail; je suis très à l’écoute du fait de ma profession (dans le conseil) et aussi très pédagogue.

Malgré tout, je plais aux femmes. Le langage du corps ne trompe pas. Mais il m’est quasiment impossible de passer la seconde. Inviter une collègue de travail à déjeuner est toute une histoire. Cela vient vraisemblablement d’un manque de confiance en moi (père absent, bla, bla) que j’ai du mal à corriger: plus facile à faire dans le monde professionnel car l’intellect (re)prend le contrôle mais pour les relations humaines…

J’ai conscience de ne pas assez m’aimer, de ne pas assez mériter ce que j'ai car j'ai certaines facilités. Pour aimer (vraiment) quelqu’un et accepter de se faire aimer, cela n’aide pas. J’ai parfois l’impression d’avoir le cœur en hiver même si paradoxalement je suis très sensible…

Avant d’aller voir un psy, auriez-vous, chère Lucile, quelques conseils à me donner?

David

Cher David,

Je ne crois pas qu’il faille correspondre à tout prix à un standard pour trouver quelqu’un avec qui se mettre en couple. C’est-à-dire que vos particularités et votre histoire, vos failles et vos angoisses, font partie de vous. Elles sont votre identité et votre force. Si les femmes que vous avez rencontrées jusque-là ne vous comprenaient pas, c’est qu’elles n’étaient pas faites pour vous. Mais je ne doute pas qu’il existe quelqu’un (et probablement plusieurs personnes à vrai dire) qui soit capable de communiquer avec vous et de créer du lien. Vous avez même trouvé une épouse dans vos jeunes années. C’est bien la preuve que rien n’est impossible.

Ne pensez pas que vous êtes différent, comme une sorte de monstre qu’il faudrait appréhender et qu’à coup de coaching et de thérapies on peut transformer en prince. Vous êtes vous. Et c’est en tant que vous que vous devriez pouvoir trouver quelqu’un qui vous apprécie.

Pour moi, les thérapies sont là pour répondre à de la souffrance. Et il me semble qu’en dehors de votre souci avec les rencontres, vous ne souffriez pas d’être vous-même. Vous n’avez juste pas trouvé la bonne méthode, le bon endroit, la bonne personne. Vous semblez aussi vouloir appliquer à votre recherche d’une compagne des logiques de productivité. Je peux vous assurer qu’il est fort probable que vous deviez échanger avec une bonne quantité de femmes avant de trouver la bonne. À moins que vous ne soyez particulièrement chanceux.

Prenez le temps. Inscrivez-vous sur des sites de rencontre (Bumble en particulier donne la responsabilité du premier pas aux femmes), forcez-vous à inviter cette collègue à qui vous semblez plaire à dîner (vous n’êtes pas obligé de le faire en face à face, si c’est votre collègue, vous disposez probablement de son adresse mail). Vous avez le droit d’être maladroit, timide, pas à l’aise. Vous avez le droit de foirer un rendez-vous en ne disant que des choses bizarres ou à côté de la conversation. Vous avez le droit d’être vous. Et surtout vous avez le droit de commencer à être bienveillant envers vous-même. Si une femme vous plaît, surtout, soyez honnête. Partagez tout ça avec elle. Vous aurez l’impression que c’est le meilleur moyen de la faire fuir mais en réalité, cette honnêteté, si c’est une bonne personne, elle y verra un trésor et le meilleur terreau possible pour une relation équilibrée dans l’avenir.

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