Monde

Trump n'est pas (encore) Hitler

[BLOG, You will never hate alone] Qui peut nous assurer, au regard de la férocité de Trump et de ses partisans, que l'Amérique ne rejoindra pas demain le nazisme dans sa grande folie destructrice?

<em>«Je n'aime pas le nouveau look d'Hitler»</em>, dit la pancarte d'un manifestant anti-Trump. | Alisdare Hickson via <a href="https://www.flickr.com/photos/alisdare/31830694143/">Flickr</a> <a href="https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/">License by</a>
«Je n'aime pas le nouveau look d'Hitler», dit la pancarte d'un manifestant anti-Trump. | Alisdare Hickson via Flickr License by

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Que Trump ait l'intelligence d'une planche à repasser, voilà une chose entendue depuis belle lurette. Qu'il soit mégalomaniaque, atrabilaire, inconséquent, frustre, analphabète, égocentrique, égotiste, incohérent, soupe au lait, monomaniaque, vulgaire, outrancier, amoral, immoral, violent, intolérant, caractériel, irascible, vantard, vaniteux... aussi. Mais de là à le comparer à ce brave Adolf, c'est tout de même pousser un peu loin le bouchon de la chambre à gaz.

Certes Hitler lui-même ne brillait pas par son intelligence –ses innombrables erreurs en tant que stratège militaire sont là pour l'attester– mais enfin, contrairement à l'autre clown qui parade ces jours-ci dans le Bureau ovale, au moins savait-il lire et écrire à peu près correctement. C'est qu'il avait vaguement lu dans sa jeunesse, vaguement écouté la rumeur du monde, s'était vaguement intéressé à autre chose qu'aux cours de la Bourse –même si ses dispositions pour la peinture furent telles qu'il échoua à entrer à l'Académie des beaux-arts de Vienne à deux reprises. Probablement avait-il certaines dispositions pour la discipline sans pour autant se montrer capable d'achever un tableau qui put le différencier de la masse des amateurs éclairés. Et comme nombre d'artistes ratés, il fut paresseux, menteur, affabulateur, enclin à rejeter la faute de ses échecs successifs sur le dos d'à peu près tout le monde, excepté lui-même. Trump aussi.

Hitler avait l'âme rêveuse de l'artiste sans l'obstination qui va avec et cette nonchalance mélancolique, cette fièvre névrotique mais stérile l'accompagna tout au long de sa vie. Même quand il fut nommé chancelier, il ne fut jamais un bourreau de travail. Il se levait tard, présidait à quelques réunions, engueulait tout son monde, jouait à la baballe avec son chien. Le soir tombé, avec une poignée de convives choisis sur le volet, il regardait jusque tard dans la nuit quelques films avant d'aller se pieuter. Peut-être baisouillait-il Eva une fois par semaine mais rien n'est moins sûr: les plaisirs de la chair le dégoûtaient. Adolf n'était pas queutard. Donald, si.

Quand la plus grande démocratie au monde se met à dévisser

Ce n'est point lui qui se serait retrouvé à signer des chèques pour tenter d'acheter le silence d'une actrice porno; il l'aurait butée sans demander son reste et son cadavre aurait fini dans la gamelle de Blondi, sa brave petite bergère allemande qu'il chérissait tant. Et alors que Trump avale des Big Mac à dépeupler à lui tout seul un troupeau de bovins du Montana, Hitler lui, grand seigneur, ne touchait jamais à la viande, ce qui fait de lui le végétarien le plus célèbre –après Aymeric Caron.

Pour le reste, difficile de dire au moment où s'écrivent ces lignes si le trumpisme causera autant de dégâts que le nazisme: il faut bien reconnaître que le petit moustachu à la main levée a placé la barre si haut qu'il faudra vraiment s'appliquer pour venir le détrôner. Pourtant, incontestablement le potentiel est là et l'on devine qu'il suffirait de pas grand-chose pour que Donald mette le feu aux poudres. Une contrariété de trop, une nouvelle tribune anonyme dans le New York Times, des menaces d'impeachement qui deviendraient réalité, une commande de la télévision introuvable, un Wi-Fi en rade et on le voit bien secouer son fil Twitter pour appeler ses partisans à reprendre le pouvoir qu'on serait en train de lui voler.

Un peuple qui répond présent, des armes qu'on ressort du coffre de la Buick, les premières rixes, les premiers morts, un congrès qui tergiverse, une police qui hésite, des institutions qui vacillent, le chaos qui s'installe avec un président hors de contrôle et voilà l'Amérique en pleine débandade. La guerre civile. La vraie. Œil pour œil, dent pour dent. Quand la plus grande démocratie au monde se met à dévisser. Qui sait alors de quoi sera capable cette Amérique-là? Qui eût pu croire un seul instant, dans les années 1933-1934, aux premiers temps d'Hitler au pouvoir, que l'Allemagne se fourvoierait de la sorte? Qui aurait pu penser qu'en l'espace d'une décennie, cette nation qui avait accouché de tant de génies, de tant de talents, descendrait si bas dans les catacombes de l'histoire qu'elle déshonorerait le genre humain à elle toute seule? Et qui peut nous assurer, au regard de la splendide imbécillité des partisans de Trump, de leur sublime ignorance, de leur parfaite étroitesse d'esprit, qu'un jour prochain, à leur tour, pleins de leur ressentiment et de leur haine, de leurs fantasmes et de leurs obsessions, de leur férocité et de leur animalité, ils n'amènent pas l'Amérique au cœur des ténèbres?

Qui?

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