Politique / Société

Nicolas Hulot n'en serait pas là s'il avait développé une écologie applicable

La démission surprise du ministre de l'Environnement pose la question d'une écologie non pas marquée par les quotas et les règlements imposés, mais alliée de la science, des technologies et de l’économie.

Nicolas Hulot, annonçant sa démission du gouvernement sur France inter, le 28 août 2018. | Capture d'écran France inter Dailymotion.
Nicolas Hulot, annonçant sa démission du gouvernement sur France inter, le 28 août 2018. | Capture d'écran France inter Dailymotion.

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Comme une évidence, le départ de Nicolas Hulot est mis unanimement au débit écologique du président de la République et de son gouvernement. Pour tous, sa démission signe la fin d’une mascarade.

«Nicolas Hulot a eu du courage d'essayer de faire changer les choses à l'intérieur de ce gouvernent anti-écolo, c'est la fin d'une illusion et du bal des Tartuffes», selon Yannick Jadot tête de liste EELV pour les élections européennes. Pour Benoît Hamon, ce départ «dévoile la réalité du pouvoir sans précédent de l'argent et des lobbys à l'intérieur même du gouvernement». Marine Le Pen estime que Nicolas Hulot «met le doigt où ça fait mal» quand il dénonce «la soumission du gouvernement [...] au modèle économique ultralibéral [...] aux critères de Maastricht, à l'économie financiarisée!»

Démission de Nicolas Hulot sur France inter le 28 août 2018.

Et si la réalité était inverse? Le départ de Nicolas Hulot signe sans doute la difficulté pour Emmanuel Macron de trouver la voie du «en même temps» entre écologie et économie, mais c’est vrai de tous les gouvernements partout dans le monde. Les mouvements écologistes, les Verts pour résumer, sont en recul politique dans toute l’Europe. Leur pic de 16% aux élections européennes de 2009 est bien loin. Même en Allemagne, ils ne sont plus des forces d’appoint qui comptent. Sans évoquer les retours violents en arrière comme Donald Trump.

 

Trouver la synthèse entre écologie et économie

Leurs incessantes divisions en chapelles expliquent en partie leur impuissance politique. Mais le problème est général. Les militants verts estiment que l'écologie doit être imposée «politiquement» à l'économie comme un objectif supérieur, celui de la préservation de la planète. De même que des militants de gauche considèrent que le capitalisme est intrinsèquement mauvais, les Verts idéologues croient l'économie intrinsèquement nocive. Certains vont jusqu'à penser que la solution ne sera trouvée que dans la décroissance, tous pensent que les entreprises doivent être légalement forcées dans la bonne voie.

Dès lors, le succès d’un ministre est mesuré au nombre de quotas, de règlements, d’interdictions, de lois qu'il sait faire passer dans son gouvernement contre «les lobbies» des agriculteurs (productivistes) et des industriels (pollueurs) et contre Bercy qui en est le porte-parole.

Emmanuel Macron a espéré que Nicolas Hulot, parce qu’il s’est frotté à la réalité entrepreneuriale, pouvait être un inventeur d’une écologie réaliste. Mais cela n’a pas été le cas. Le ministre a essayé un moment sur le nucléaire en acceptant de repousser le passage obligé à 50% de la production française d’électricité, mais tous ses amis lui sont tombés dessus. Il a reculé et il est, depuis, perdu. Au bout d’un an, le constat est celui en effet d’un échec: Nicolas Hulot n’a pas su trouver la synthèse entre écologie et économie. Il en est resté à l’idéologie de la contrainte par la loi et même par la Constitution, et parce que cette ligne idéologique ne peut que se heurter à celle globale d’Emmanuel Macron qui privilégie l’emploi donc l’économie.

Plutôt que de crier contre l’échec du gouvernement et de se lamenter, les Verts feraient mieux de réfléchir sur le leur. Comment inventer une écologie alliée de la science, des technologies et de l’économie? Comment dépasser les slogans du type «l’écologie va engendrer à un nouveau modèle de croissance qui va créer des millions d’emplois»? Comment trouver des solutions concrètes, applicables?

Des solutions existent

Ces solutions existent, beaucoup de villes et d’entreprises le prouvent. Elles se développeront. Le mouvement écologiste ferait mieux de s’y consacrer. Il a fondamentalement raison: l’économie court à sa perte si elle épuise les ressources, la consommation ne crée pas le bonheur. Mais son tort est de s’en tenir à la punition et de ne pas assez s’employer à développer ce qui améliore.

L’exemple du nucléaire est symbolique. La lutte contre l’atome a été à l’origine du mouvement, on comprend le poids de l’histoire. Mais pourquoi les Verts ne reconnaissent-ils pas que, tant qu’on ne sait pas stocker l’électricité, cette technologie est la seule qui puisse assurer la continuité du service électrique? Le nucléaire n’est pas idéal, le solaire l’est bien plus sûrement. Mais le réalisme oblige de dire que la technologie n’est pas prête. La politique verte ne devrait pas être d’interdire mais de réclamer des milliards  (européens) pour les technologies. De ce point de vue, Chine et États-Unis sont des meilleurs écologistes du futur.

L’agriculture est un autre exemple. Les pesticides sont néfastes, sans aucun doute. La génétique remplacera avantageusement la chimie mais il faudra du temps. Alors pourquoi détruire les recherches sur de nouvelles plantes qui résistent aux insectes comme demain au manque d’eau? Vouloir aider l’agriculture biologique et les circuits courts est utile mais cela ne suffira pas à nourrir la planète. Le productivisme est dépassé mais pas la question des rendements.

La tâche est immense. On peut en vouloir à Nicolas Hulot non pas d’avoir reculé sur le nucléaire ou le glyphosate, mais de ne pas avoir essayé d’entraîner ses amis dans une révision idéologique qui conduise à une écologie applicable et globale c’est-à-dire technologique et économique. L’avenir de l’écologie n’est pas dans la politique mais la science.

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